Dans 48 heures,la Division judiciaire concernant les détenteurs de
fonctions politiques de la Cour Suprême (Supreme Court’s Criminal
Division for Holders of Political Poisitions), un département créé
de toutes pièces après le coup d’Etat militaire de 2006, va rendre
sa décision en ce qui concerne les avoirs de Thaksin Shinawatra, le
Premier Ministre renversé en 2006. La situation politique est
extrêmement tendue à l’avant-veille de cette décision. Une
manifestation des partisans de Thaksin (les « chemises rouges ») est
annoncée pour demain jeudi et les organisateurs espèrent rassembler
un million de personnes. Des rumeurs circulent : on annonce un
nouveau coup d’Etat des militaires (ce serait le 19e en moins de
cent ans) ; on annonce une répression violente de la manifestation
des chemises rouges ; on affirme que les magistrats de la Cour
Suprême ont été achetés.
Un petit rappel des faits : Thaksin est une homme d’affaires qui a
fait fortune dans les télécommunications. Il est le premier homme
politique thaïlandais a avoir été élu démocratiquement comme premier
ministre à deux reprises ; sous sa direction, le gouvernement a mis
en œuvre une politique en vue d’éradiquer la pauvreté et
d’améliorer l’accès à la santé et à l’éducation. Ses détracteurs lui
reprochent son autoritarisme, son manque de respect pour la
monarchie et sa corruption.
Après le coup d’Etat de 2006, les avoirs de Thaksin, estimés à 1,68
milliards € ( 76 milliard de baths ou 2,3 milliards $) ont été
gelés. Par la suite, alors qu’il s’était exilé volontairement,il a
été condamné par contumace à deux ans de prison pour des faits de
corruption. Il a toujours clamé son innocence et qu’il s’agissait
d’un procès politique.
Vendredi, la Cour Suprême décidera du sort des avoirs de Thaksin.
Quatre options sont envisagées par la plupart des observateurs : 1)
la totalité des avoirs sont confisqués ; 2) une partie des avoirs
sont saisis et l’autre partie lui est restituée, la distinction
étant faite entre ses avoirs avant qu’il devienne premier ministre
et ceux qu’ils possédaient lorsqu’il fut renversé par les militaires
; 3) la totalité de ses avoirs lui est restituée ; 4) la Cour reporte
sa décision pour échapper à la pression de la rue.
En fait, dans un contexte de fin de règne, on assiste à un conflit
entre l’establishment (le palais, l’armée, le gouvernement, le
parquet, les éléments du patronat liés à l’armée elle-même très
investie dans les affaires, l’administration) et un mouvement
réellement populaire incarné par un politicien populiste qui a été
capable de rencontrer les aspirations grandissantes à plus de
démocratie et de justice sociale.
Le gouvernement, issu du coup d’Etat militaire, est conduit par un
leader du « parti démocrate », Abhisit Vejjajiva. Plusieurs analystes
politiques conviennent qu’aussi longtemps qu’il y aura unité au sein
de la coalition (palais, armée, parquet, administration) qui
soutient ce gouvernement, un coup d’Etat est peu probable
puisqu’inutile. Les partisans de Thaksin ne peuvent dans ce cas
espérer changer le cour des choses et les manifestations risquent
d’être réprimées avec violence. Ce dont l’armée a montré par le
passé qu’elle était tout à fait capable. Par contre, si un
désaccord intervient entre l’armée et le gouvernement, toutes les
options sont ouvertes. Cette dernière hypothèse est alimentée par de
récentes rumeurs de tensions entre l’armée et le gouvernement à
propos de l’achat d’équipements militaires contestables à la
Grande-Bretagne pour un montant de 20 millions US $, achat qui
aurait été décidé suite à des actes de corruption.
Une inconnue réside dans l’attitude du patronat qui n’est pas lié à
l’armée et qui déplore à la fois l’impact sur les banques qui
détiennent les avoirs de Thaksin si ceux-ci sont saisis, mais
également l’impact déjà sensible sur l’économie avec un recul des
investissements dont la crise politique a accentué l’importance
depuis le début de la crise internationale.