Salaires : résister au chantage à l’emploi...
Faut-il accepter de sacrifier les salaires pour préserver l’emploi ? Pour le patronat et le gouvernement, il ne s’agit pas de poser une question, mais d’organiser un véritable chantage.
Avec des fermetures d’entreprises qui se poursuivent et un taux de chômage officiel de 10 %, les employeurs comptent bien imposer cette année la rigueur salariale lors des négociations annuelles obligatoires (NAO). À chaque fois, les patrons resservent les mêmes arguments, appuyés sur de volumineux documents financiers : dégradation des marges, pression des charges, incertitude des marchés et, bien sûr, crise mondiale… Tout tient dans cette petite phrase souvent entendue par les représentants des salariés : « Si nous ne vous augmentons pas, c’est pour préserver vos emplois ».
Cette situation n’est pas propre à la France. En Allemagne, en février, le syndicat IG Metall a accepté de signer un accord prévoyant le gel des salaires pendant deux ans. En contrepartie, le patronat s’engage à maintenir l’emploi, à ne pas procéder à de nouvelles délocalisations et à améliorer le paiement du chômage partiel (sous condition du maintien des aides gouvernementales). Un peu comme si un chirurgien proposait à son patient de lui couper un bras ou une jambe, au choix !
Partout l’offensive se poursuit pour faire supporter le poids de la crise aux salariés.
Mais la situation commence à changer. Alors que le gouvernement annonce une sortie rapide de crise et les banques des profits importants, l’injustice devient de plus en plus visible. Avec l’ouverture des NAO et l’annonce du montant des primes annuelles et de l’intéressement, le mépris patronal déclenche la colère. Depuis des années, ces négociations ne sont qu’une mascarade. Les directions se contentent d’organiser des réunions, comme l’exige la loi, mais ils ne sont tenus à aucun résultat.
Ce cadre de « dialogue », qui a permis de mettre en scène l’arnaque du « partenariat social », a parfaitement rempli son rôle : l’écrasement des salaires par le bas. Ainsi, dans certaines entreprises de la grande distribution, en douze ans, l’écart entre le premier et le dernier échelon de salaire pour un employé est passé de 450 euros à 150 euros.
Les travailleurs commencent à prendre conscience qu’en l’absence de luttes, ils n’obtiennent au mieux que des miettes. Cela a été le cas par exemple à Renault Douai, où les ouvriers ont débrayé en masse après l’annonce d’une prime annuelle de 500 euros pour les ouvriers mais de 10 000 euros pour les cadres. Ou encore chez Ikea, où les employés continuent leur longue bagarre pour tenter d’obtenir 4 % d’augmentation, alors que la direction ne propose que des augmentations individuelles.
Alors qu’avec Total, Philips ou Goodyear, les batailles contre les fermetures d’usine se poursuivent, la convergence de l’ensemble des luttes devient une question cruciale. Afin de permettre au patronat d’imposer ses vues, le gouvernement, fidèle VRP du Medef, s’efforce de traiter séparément chaque question.
C’est tout le sens des discussions autour de l’« agenda social » avec les directions syndicales. Accepter cette logique, c’est accepter la défaite. Il devient essentiel d’expliquer à tous nos collègues, dans le public comme dans le privé, que salaire, emploi et retraite sont fondamentalement liés.
Les grèves en cours qui visent à imposer des augmentations de salaires représentent donc un véritable enjeu. Elles démontrent, comme chez Ikea, que le discours visant à l’individualisation du traitement des salariés peut être combattu et qu’il faut poser les enjeux dans un cadre collectif. Et gagner des augmentations collectives, c’est améliorer les cotisations sociales, donc apporter un élément de réponse au débat sur les retraites.
Henri Clément
* paru dans Hebdo TEAN # 46 (11/03/10).
PRINTEMPS SOCIAL EN AVANCE ?
Depuis quelques semaines, des travailleurs prennent au mot le discours sur la sortie de la crise. C’est le cas dans l’automobile où les résultats officiels contredisent l’image d’année noire que les directions ont voulu donner pour 2009. Du coup, avec l’arrivée des négociations annuelles obligatoires portant notamment sur les salaires, les débrayages se multiplient : chez Renault, tous les sites se sont mobilisés (Sandouville, Couronne, Cléon, Guyancourt, Rueil, Flins) avec des débrayages de 600 ou 700 salariés sur les plus gros. Chez PSA, après les débrayages de fin janvier/début février à Sochaux, c’est à Mulhouse que plusieurs arrêts de travail ont eu lieu à la mi-février. Et même les sous-traitants s’y mettent avec la grève des travailleurs de la CAT (livraison des véhicules en fin de chaîne) avec une grève carrément européenne en France et Allemagne. Les salariés rejettent les miettes que leur proposent les directions et... gagnent. Ici des primes, là une rallonge de plusieurs dizaines d’euros. Bientôt tous ensemble pour 300 euros net pour tous et rien en dessous de 1500 euros net ?
* Paru dans hebdo TEAN # 45 (04/03/10).
COMMUNIQUÉ DU NPA. C’EST SARKOZY QU’IL FAUT METTRE AU CHÔMAGE !
Les chiffres du chômage sont dramatiques et ils révèlent une dégradation des conditions de vie pour des millions de personnes.
10% de chômeurs officiellement recensés. 5 millions de salariés privés d’un emploi ou réduits à travailler quelques heures par mois uniquement, en comptant ceux cantonnés aux RSA. C’est sans compter avec tous et toutes celles qui ont été radiés ou qui, bénéficiant d’un dispositif de transition, sont sortis des statistiques officielles.
La situation est particulièrement inquiétante pour les jeunes et surtout dans les quartiers populaires et les zones urbaines sensibles où le taux de chômage, qui a explosé, peut atteindre 30 à 40%, voire plus.
1 million de chômeurs vont se retrouver en fin de droits dont plusieurs centaines de milliers ne pourront même pas bénéficier du RSA ou de l’ASS.
Cette cruelle réalité rend encore plus révoltantes les fanfaronnades de Sarkozy sur la régression qu’il avait annoncé du chômage ou ses propositions aux Etats Généraux de l’industrie dont rien n’est sorti en faveur des salariés.
C’est toujours aux mêmes que vont les aides de l’état : les banques, les entreprises. Pour les salariés ce sont uniquement les promesses san suite, surtout en période électorale, les « belles paroles ».
Pour le NPA, l’interdiction des licenciements, la réduction du temps de travail, la transparence dans la gestion des entreprises et la circulation des capitaux, l’ouverture des livres de compte qui doivent aller de pair avec le contrôle des salariés et de leurs organisations, une allocation chômage de 1500 euros net pour tous les privés d’emplois, y compris bien évidemment les fins de droits, doivent être portés par une vaste mobilisation sociale et politique pour stopper la politique anti-sociale de ce gouvernement.
Le 5 mars 2010
COMMUNIQUÉ DU NPA. LORSQUE LES FINS DE DROIT DEVIENNNENT HORS LA LOI...
D’après le Pôle emploi, un million de chômeurs pourrait arriver en fin de droits cette année, c’est-à-dire ne plus percevoir d’indemnité de la part de l’assurance-chômage (Unedic). Parmi ces chômeurs en fin de droits, certains ont droit à un revenu de remplacement (ASS ou RSA, de 460 € maximum par mois) mais 400 000 à 600 000 n’auront droit à rien du tout. Ceci est dû, d’une part, aux conséquences de la crise et aux destructions d’emplois mais aussi aux nouvelles conditions d’indemnisation du chômage. La dernière convention Unédic que nous dénoncions déjà fin 2008 et contre laquelle nous nous étions mobilisés, démontre qu’il y a moins de personnes indemnisées et moins longtemps. Encore une mesure sociale de ce gouvernement initiée par le Medef et qui abandonne 5 millions de précaires à leur propre sort.
Le gouvernement entend résoudre le problème des chômeurs de longue durée en fin de droits, en leur proposant des formations rémunérées ou en leur attribuant des contrats aidés spécifiques. Ce ne sont pas les miettes charitables annoncées par Laurent Wauquiez, secrétaire d’État à l’Emploi, qui permettront aux millions de précaires de vivre mieux. Celui-ci parle même de faire basculer certains demandeurs d’emploi vers des secteurs beaucoup plus porteurs. Puisqu’ils n’ont pas bien cherché, ils vont devenir travailleurs forcés sous payés et précaires ... Ce projet ne prend donc pas en compte les conséquences de la crise et les mutations du marché de l’emploi. Les offres de travail se sont raréfiées et seuls restent des emplois précaires et sous payés.
Pourtant tous les précaires et chômeurs ont des droits et doivent être indemnisés au moyen d’un revenu individuel issu des cotisations patronales, alloué à l’ensemble des personnes de l’âge de travailler à la retraite (60 ans).
Nous soutenons pleinement la journée de grève et de manifestation du mardi 23 mars sur les retraites annoncée par les syndicats. Nous incitons d’ores et déjà toutes et tous à se rencontrer et organiser des collectifs partout pour lutter pour de vraies retraites, pour des services publics, pour une amélioration du niveau de vie c’est-à-dire contre le chômage, la précarité, les licenciements. Sanctionnons maintenant le gouvernement et le patronat car il ne faut plus payer leur crise !
Commission Précarité du NPA
Le 8 mars 2010.
CHÔMAGE : LE SCANDALE DES FINS DE DROITS
Si la crise est en partie responsable de l’augmentation des plans sociaux et des chiffres du chômage, la nouvelle convention Unedic est à l’origine de l’explosion du nombre de personnes qui se retrouvent sans aucun revenu.
Un million de chômeurs en fin de droits en 2010, soit 30 % de plus en un an, dont 400 000 n’auront aucun revenu car ils ne sont pas éligibles au RSA ni à l’allocation spécifique de solidarité [1] (ASS). Et ce ne sont pas les annonces faite par Laurent Wauquiez, le 25 février, qui changeront quelque chose car le gouvernement et le patronat persistent dans leur refus de prolonger l’indemnisation des chômeurs en fin de droits.
Cette situation est bien évidemment le résultat de la crise du capitalisme – 2 200 plans sociaux en 2009 – mais elle découle aussi des conditions d’indemnisation. En effet, pour toucher l’ASS d’un montant de 460 euros, il faut avoir travaillé au moins cinq ans dans les dix dernières années. Résultat, seul un chômeur sur deux est indemnisé. C’est donc bien le problème de la dégradation des conditions d’indemnisation qui est posé : pour ceux qui justifient de quatorze mois de cotisations, la durée d’indemnisation est passée de 30 mois en 1992 à 14 mois en 2009, soit une diminution de plus de la moitié. Et le montant global des allocations chômage versées ne cesse de baisser depuis 2004 (27 milliards en 2004, 22, 7 en 2007, alors que le nombre de chômeurs, lui, n’avait pas baissé…).
Le directeur général de Pôle Emploi reconnaît d’ailleurs les effets de la nouvelle convention d’assurance chômage : « On bénéficie plus vite du régime d’indemnisation mais on en sort aussi plus vite ». Cette situation est aussi le bilan de la politique « d’activation des dépenses passives » décidée par le Medef et ses complices syndicaux : au lieu de servir à l’indemnisation des chômeurs, l’argent des cotisations est l’objet d’un véritable détournement puisqu’il sert à engraisser de nombreuses boîtes privées auxquelles sont sous-traitées certaines recherches d’emploi et qui font du business sur le dos des chômeurs (Ingeus, par exemple).
Pour résoudre le problème, les propositions du patronat et du gouvernement sont une véritable provocation : certains contrats aidés pourraient être réservés en priorité aux chômeurs en fin de droits et les patrons qui les embauchent bénéficieraient de nouvelles exonérations de cotisations… Cela permettrait donc d’avoir le privilège de bénéficier de contrats précaires, à mi-temps et payés au Smic !
Dans le même mouvement, le gouvernement en rajoute en choisissant la répression et ressort la chasse aux fraudeurs. Dans le cadre de la loi Loppsi 2, trois amendements ont été adoptés visant à renforcer les possibilités de contrôle et donc à transformer les salariés de Pôle Emploi en flics. Concrètement, les agents en charge de la lutte contre la fraude seront assermentés et pourront dresser en cas d’infraction des PV qu’ils transmettront au Procureur de la République. Le secret professionnel sera levé entre différents services. Sans attendre le vote de ces amendements, Pôle Emploi a déjà commencé à s’organiser pour « améliorer » la chasse aux « fraudeurs ».
Cette disposition s’inscrit dans le cadre de la convention tripartite Unedic-État-Pôle Emploi signée début 2009, où il était clairement affiché un indicateur « d’effectivité du contrôle de la recherche d’emploi » avec un suivi du taux de radiation.
Les quatre organisations de chômeurs (AC, Apeis, MNCP et CGT privés d’emploi) ont donc décidé de lancer un appel commun réclamant la prolongation des droits des chômeurs arrivés en fin de droits ou qui vont y arriver et l’assouplissement des conditions d’accès à l’ASS. Pour financer ces mesures d’urgence, les associations de chômeurs rappellent que l’argent existe : « Il s’agit à tous le moins des 5 milliards d’exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, des quelque 4 milliards de ces exonérations dues au régime favorable des heures supplémentaires que le gouvernement a instauré ».
Le NPA soutient cet appel. Aucun revenu inférieur à 1 500 euros net !
Lucas Maldini
1. L’ASS, prend le relais de l’allocation chômage sous certaines conditions.
* Paru dans Hebdo TEAN # 45 (04/03/10).
CONFLITS SOCIAUX : MAINTIEN DE L’EMPLOI OU INDEMNITÉS ?
De nombreux conflits sociaux se soldent par des revendications d’indemnités de licenciement, mettant de côté la question essentielle du maintien des emplois.
Un grand nombre de conflits à l’occasion de l’annonce de licenciements ou de fermetures d’entreprises se sont organisés autour de la revendication de primes supra-légales de licenciement. Cela a occasionné des discussions dans les organisations syndicales et les partis se réclamant de l’anticapitalisme. En effet, ces revendications, appuyées sur des actions souvent radicales, comme la séquestration de la direction, conduiraient à mettre de côté l’objectif du maintien de l’emploi. Il faut rappeler dans un premier temps que les indemnités prévues par le Code du travail sont absolument dérisoires. Rien n’oblige un patron à verser plus que ce qui est prévu, c’est-à-dire quatre mois de salaires pour 25 ans d’ancienneté ! Face à ce mépris, ces conflits sont avant tout des réactions de fierté et une volonté de « récupérer » une partie de ce qu’a volé le patronat au cours de toutes ces années de labeur. Et, dans les meilleurs cas, une somme d’argent suffisante pour tenir le coup en attendant de retrouver un emploi. On peut bien sûr critiquer ces luttes parce qu’elles se placent sur un terrain monétaire et n’avancent pas d’alternative à la question de l’emploi. Mais c’est bien l’absence d’alternative globale, à l’échelle nationale, voire européenne, qui oblige les travailleurs à lutter sur cette base. La plupart des salariés sont conscients du fait que la question de l’emploi ne peut se résoudre à l’échelle d’une entreprise, d’une ville ou d’une région. Mais faute de perspectives plus larges, il s’agit dans ces situations de ne pas se faire complètement gruger.
Il existe pourtant quelques exemples de luttes qui ont réussi à faire reculer le patronat : Ford à Bordeaux, la SBFM à Lorient, Wagon à Douai…
C’est sur ces acquis que peuvent s’appuyer les luttes en cours, chez Philips, Goodyear ou Total. À aucun moment, les directions des confédérations syndicales ne se sont appuyées sur ces victoires pour aller vers une coordination, une généralisation des batailles. La CGT par exemple se concentre sur l’obtention de droits nouveaux pour les salariés et des États généraux de l’industrie, tout en continuant à rencontrer le gouvernement pour élaborer des calendriers de négociations. Cette politique revient à laisser les mains libres aux licencieurs et à leurs collaborateurs. Elle conduit un certain nombre de salariés à se poser la question de la reprise de leur entreprise. Ils tentent de mettre en place des sociétés coopératives de production (Scop), afin de se donner les moyens de garder un emploi. Face à la cupidité et parfois l’incompétence, il apparaît possible que la gestion d’une entreprise par les salariés eux-mêmes soit tout à la fois plus efficace et profondément humaine. Mais cette forme d’autogestion peut conduire rapidement à s’imposer des conditions de travail plus dures, des cadences plus soutenues et des principes de gestion qui diffèrent peu des autres entreprises.
Dans cette situation contradictoire, il faut s’appuyer sur l’ensemble des luttes en cours pour mettre à l’ordre du jour la sortie du capitalisme et de son système d’exploitation quotidienne. Pour surmonter les premiers obstacles, le NPA met toute son énergie pour soutenir la convergence des entreprises en lutte. Cette unité pratique est une nécessité vitale pour poser la question de l’emploi à l’échelle de l’ensemble de la société. Et elle doit permettre, face à la l’orientation de « dialogue social » développée par la plupart des directions syndicales, de préparer le nécessaire affrontement avec le patronat pour lui arracher le contrôle de l’économie et de nos vies. Face au gaspillage capitaliste, elle pose la question de la nationalisation des entreprises en difficulté, mais sous le contrôle des salariés. Qu’il s’agisse de Total, de Sanofi ou de l’automobile, des plus petites au plus grosses boîtes, pas un salarié ne doit se retrouver à la porte. Ce processus d’expropriation des capitalistes doit être le prélude à la réorganisation de l’économie pour la satisfaction des besoins sociaux et écologiques !
Henri Clément
* Paru dans Hebdo TEAN # 44 (25/02/10).
DÉLOCALISATIONS, POUR L’INTERDICTION ?
Les délocalisations servent souvent de prétexte pour justifier les bas salaires, les suppressions d’emplois... Pour lutter contre leurs conséquences, il faut interdire les licenciements.
Face aux licenciements, on entend des responsables politiques à droite et à gauche, protester contre les délocalisations qui seraient la source principale du chômage aujourd’hui.
Avec ce genre de raisonnements, arrive rapidement l’exemple « fatidique » d’une entreprise – souvent chinoise – où le coût du travail est infiniment plus bas que « chez nous », expliquant alors « le choix forcé » de tel ou tel capitaliste de quitter la France pour rester compétitif dans « un marché du travail mondialisé ».
En réalité, l’investissement français en direction des pays à bas salaires reste marginal et la plupart des investissements se réalisent entre les pays impérialistes eux-mêmes.
Et de fait, il y a plus d’investissements étrangers vers la France que le contraire. Ainsi l’Agence français pour les investissements internationaux (AFII) estime que 100 milliards d’euros ont été investis en France en 2008, pour 32 000 emplois créés. Il y a ainsi, en France, une multitude d’entreprises étrangères venues pour consolider de nouveaux marchés et parce que le coût du travail y est plus faible que dans leurs propres pays. Et tant que Continental (originaire d’Allemagne), Molex ou Goodyear (États-Unis), Philips (États-Unis, Pays-Bas et Allemagne) jugent que la France est suffisamment rentable, elles restent. Et il serait contradictoire de vouloir s’aventurer à interdire des délocalisations d’entreprises… déjà délocalisées.
Une nouvelle tendance conteste les délocalisations au nom de l’environnement. Encore une fois, il s’agira de mettre en avant l’aberration écologique qui consiste à ne fabriquer des ampoules basses consommation qu’en Chine, mais rarement les exportations de poulets élevés en France par l’entreprise Doux afin d’inonder les marchés d’Afrique et d’Amérique du Sud par containers entiers… grâce notamment à une subvention de la Politique agricole commune de 63 millions d’euros pour la seule année 2008 !
Les délocalisations sont également le prétexte rêvé pour ne pas augmenter les salaires. Mais en France les salaires les plus bas concernent les emplois liés aux services à la personne, la restauration ou le bâtiment, activités non « délocalisables ». L’explication est donc ailleurs.
Ce sont les multinationales des pays impérialistes qui ont elles-mêmes exacerbé la mise en concurrence des salariés à l’échelle mondiale [1]. Cela a « coïncidé » avec le phénomène de la dette des pays capitalistes dominés, auxquels « on a imposé des plans d’ajustement structurels qui faisaient de l’exportation une priorité. Et maintenant on leur reprocherait ? » [2] Les délocalisations témoignent en partie de la barbarie du système. La logique du capitalisme ne s’encombre pas de justice sociale : les enfants de 6 ans peuvent travailler et des transports socialement inutiles détruire la planète, peu importe.
Mais les délocalisations ne suffisent pas à expliquer la montée du chômage. Celui-ci reste la conséquence d’une politique assumée des classes dominantes afin de maintenir des taux de profits maximums.
Face aux fermetures d’entreprises, il est donc vain de chercher des revendications « protectionnistes » qui portent le risque de dérapages nationalistes ou de défense de sa propre bourgeoisie, et ce même sous un vernis de gauche qui prendrait prétexte de « critères sociaux et environnementaux » [3.]
Il n’y a pas de « bons capitalistes français » face à des capitalistes déloyaux venus des pays à bas coûts… qui la plupart du temps sont les mêmes ! Délocalisation ou pas, nous préférons défendre la revendication d’interdiction des licenciements qui englobe ce cas de figure.
Par la concurrence, les capitalistes nous mettent en guerre les uns contre les autres. Et face à cela, l’exemple d’ouvriers de Renault venus soutenir la grève des travailleurs de Dacia en Roumanie, la manifestation allemande-française-mexicaine des travailleurs de Continental à Hambourg au printemps dernier, c’est-à-dire la solidarité internationale des travailleurs, reste la meilleure perspective à mettre en avant.
Basile Pot
1. Claude Pottier, Les multinationales et la mise en concurrence des salariés L’Harmattan 2003.
2. Michel Husson, Le protectionnisme est ce la bonne solution ? Cahiers de Louise, juin 2006.
3. « Contre le dumping social et les délocalisations : pour un bouclier douanier européen qui dissuade les délocalisations et qui taxe intelligemment les importations en fonction de critères sociaux et environnementaux. » Propositions du Front de gauche pour changer d’Europe.
* Paru dans Hebdo TEAN # 29 (05/11/09).