Un voile pudique sur la démocratie ?
Fred (Epinay, 93) Jacqueline (Romainville, 93)
L’épisode de la candidature d’Ilham interroge sur la façon dont une telle décision a été prise, et révélée aux militants par… le Figaro. L’argument essentiel des tenants de cette candidature est simple : les statuts ont été respectés.
Les statuts ont-ils vraiment été respectés ?
Les statuts indiquent
« Nous voulons un parti qui innove dans la manière d’organiser l’action militante, où le débat n’est confisqué ni par les minorités agissantes, ni par un appareil caporalisé. »
« La démocratie est une exigence et un atout pour notre parti. La démocratie est au cœur de notre projet. Elle implique la transparence, la circulation des informations, la mise à niveau systématique des éléments d’un débat, la connaissance de la pluralité des choix […]
Les candidatures seront validées par les instances de base de la circonscription concernée. En cas de désaccord, le CPN tranche souverainement. »
Rien n’a été transparent. Les motivations de la candidature ont été falsifiées, les accords passés sur place n’ont pas été respectés, mais surtout, alors même que de toute évidence la candidature poserait problème, son annonce a été différée jusqu’à la fin du CPN. Ainsi, les statuts ont pu être contournés : le CPN ne se réunirait plus.
L’impact sur notre campagne a été très considérable : une minorité agissante a déporté le débat de la question sociale vers celle de l’Islam en France.
Le CE, dont il est difficile de croire que tous les membres ignoraient cette candidature, a refusé d’agir, se déclarant incompétent. Pourtant, n’a-t-il pas agi lors des Européennes pour empêcher une candidature Rouillan jugée inopportune ? Il semble bien qu’au delà des considérations statutaires, se soient bien des motivations politiques qui ont pesé.
Quel est le problème démocratique ?
Dans le bilan, des camarades expliquent que si la campagne a souffert de cette affaire, ce serait parce que toute l’organisation n’a pas assumé ce choix fait. Et que finalement, c’était une très bonne chose que nous ayons eu à centrer notre expression sur la question de « l’islamophobie ».
Curieuse conception qui consiste à accuser ceux qui ont découvert la candidature lorsqu’il était trop tard d’être responsables d’un échec, de demander à toute l’organisation d’assumer un choix qu’elle n’a pas fait. Mais le second point nous semble plus grave. Le décentrage de notre campagne n’est pas un accident, provoqué par la malveillance des médias. Il était voulu et « souhaitable. »
Quel type d’organisation voulons-nous construire, si chacun s’arroge le droit de modifier hors de tout cadre démocratique nos axes d’intervention ?
Les camarades, loin de faire le choix « local d’une candidature locale », on fait en toute conscience un choix de portée nationale.
Ils développent aujourd’hui cette logique, il s’agit bien d’imposer par un fait accompli une ligne politique. Ilham n’est plus une militante comme une autre, choisie pour son implication dans le NPA, qui se trouverait musulmane et (donc ?) voilée : « la candidature d’une jeune musulmane portant le foulard était un atout pour rejeter (et non pas soutenir) l’islamisation et de l’ethnicisassion des questions sociales ». Curieuse façon de détourner les concepts !
Et ils emploient une méthode problématique : appeler à signer un texte, dans une démarche pétitionnaire, alors même que commence un débat, c’est tenter de le verrouiller plutôt que d’élaborer collectivement, et mettre l’organisation sous pression.
Les camarades doivent comprendre que par ces méthodes ils mettent l’existence même de l’organisation en péril.
Quelles leçons organisationnelles tirer de cet événement ?
La source essentielle de l’autorité d’une direction doit être politique et non bureaucratique. Nous n’empêcherons rien en reformant uniquement nos règles de fonctionnement.
Pourtant, notre fédéralisme révèle ses faiblesses. Aujourd’hui, nous construisons une somme de comités avec une forte hétérogénéité politique, et cela se ressent dans les débats qui nous agitent et dans la disparité de nos pratiques. A terme, ce qui est aussi une richesse risque de devenir une grande faiblesse. Le centralisme peut et doit être un gage de démocratie. Car sinon, les responsabilités ne sont pas clairement attribuées et assumées, et ce sont les minorités agissantes qui imposent leur ligne. Nous avons milité quelques années dans la LCR, dont on raillait plus volontiers le manque de rigueur organisationnelle que le caporalisme !
Nous devons donc travailler à l’émergence de directions de ville, départementales et régionales, qui permettront de gérer autant que possible à un niveau intermédiaire ce type de problèmes.
Notre direction (le CPN), pléthorique, ne peut pas se réunir en urgence. Deux pistes :
* le CE est doté d’un pouvoir suffisant pour agir lorsqu’une situation locale l’exige entre deux réunions du CPN (mais l’a-t-il souhaité ?),
* le CPN est reconfiguré, resserré, devient une véritable direction plus qu’une sorte de parlement du NPA.
NON à la politique du bouc émissaire
Hendrik Davi (membre du secrétariat du 84 de Juin-décembre 2009), Josef (comité pays de Retz, 44), Gwenolé (74), France Coumian (75, CPN), Danièle Obono (93, CE), Carole Eldin (13), Laurence Espinosa, (NPA Béarn)
Avant les élections régionales de 2004, la direction de la LCR défendait l’accord avec LO en expliquant qu’après 2002, il n’y avait plus rien entre le PS et la gauche anticapitaliste et la mort annoncée du PCF : prévision fausse rééditée après les élections présidentielles de 2007 ! Pourtant le bilan est simple : un parti révolutionnaire n’est pas crédible dans des élections sauf aux présidentielles quand un porte parole brillant sert de vote refuge et contestataire et il existera toujours à gauche du PS une gauche réformiste radicale.
Tout autre prédiction sur le poids réel électoral de la gauche révolutionnaire est pour ceux qui ont lu Lénine du gauchisme caractérisé.
Ensuite, le réel débat concerne l’importance d’un score conséquent à des élections régionales et l’obtention de postes institutionnels. Soit on pense qu’il faut une gauche antilibérale ou anticapitaliste à plus de 10% avec des conseillers régionaux. Dans ce cas, les résultats sont un échec mais la SEULE solution possible pour peser dans le débat était une unité avec le FDG. Cela nécessitait des compromis et notamment l’acceptation de partenaires plus inféodés au PS que nous. Soit on pense que l’important est d’être un porte-voix clair de positions anticapitalistes et on s’attend à avoir 2% ou 3%. En tout cas la conclusion c’est qu’un parti électoraliste révolutionnaire n’est ni crédible ni viable, il faut choisir.
Pour ces raisons, je suis consterné du bilan qui ergote sur les 1% ou 2% que l’on aurait perdus à cause d’une candidature contestée, celle d’Ilham Moussaïd. Oui dans une France raciste et islamophobe présenter un-e Noir-e, un-e manouche, une femme voilée, ou défendre la régularisation de tous les sans papiers c’est perdre des voix. Oui dans une France ou une référence de la gauche est une certaine laïcité, présenter Ilham c’est perdre des voix. Mais que le NPA fasse 2 ou 3.5% est ce que cela change le cours de la lutte des classes ? Non ! Par contre, présenter une femme voilée qui clame haut et fort « qu’elle est féministe, laïque et anticapitaliste » au moment d’un délire aigu d’islamophobie, c’est de nature à faire avancer la lutte antiraciste. En effet, cela démontre par la pratique que toutes les musulmanes ne sont pas des femmes soumises revenues au Moyen âge et qu’on peut être musulman et défendre le droit à l’avortement et la laïcité.
Mais il y a pire, une logique de boucs émissaires s’immisce dans différents bilans dont le texte de Samy (CPD 13). Quand une direction réitère les mêmes erreurs depuis 1995 (prédire la fin de la gauche réformiste radicale et du PS et la percée mécanique des idées anticapitalistes), il faut pour garder la légitimité de diriger et trouver des responsables. Ici c’est un petit village d’irréductibles : le comité QP d’Avignon ! Ils n’ont rien respecté, c’est de leur faute !
La seule critique valable est que le débat n’a pas d’abord été mené dans l’ensemble du parti, mais précisément c’est la faute de la direction ! Dans le film « c’est parti » Abdel Zahiri pose cette question dès la fondation du parti, un débat a eu lieu à l’université d’été, une motion a été rédigée dans ce sens en octobre 2009 et le débat demandé par QP à la CPN et au CE a été repoussé plusieurs fois. Localement, même stratégie, le débat sur la présence d’Ilham sur la liste, son caractère particulier, comme le débat sur sa présence en tête de liste ont été refusé. Dire que le Vaucluse a entériné sa candidature c’est vrai, dire que le département a débattu c’est faux, lors de notre AG du 84, nous avons voté sans débat. Et précisément ceux qui ont tout fait pour empêcher le débat et la diffusion de l’information sur cette question crie à la candidature imposée…c’est odieux ! Dans ce contexte, je comprends les camarades qui critiquent la candidature d’Ilham à cause de l’absence de débats mais qu’ils ne se trompent pas de colère. Par ailleurs, débat ou pas débat, l’expérimentation, y compris avec erreur doit continuer à être possible au sein d’un parti pluriel.
Finissons par le plus écœurant, c’est l’interdiction de répondre aux médias car Ilham était une candidate comme les autres. Oui Ilham est l’égale de toutes et tous, c’est pourquoi nous estimions qu’elle avait le droit de se porter candidate. Mais soyons sérieux, dans le contexte actuel d’islamophobie mondiale, sa candidature au sein d’un parti anticapitaliste était une bombe, jamais elle ne pouvait être une candidate parmi les autres. C’était une faute politique grave de l’avoir cru. Elle a répondu aux médias précisément car combattre les préjugés islamophobes est une tâche essentielle de la période. Mais même, si on n’est pas d’accord avec cela : attaquée et insultée comme elle l’a été, personne ne pouvait humainement lui interdire de répondre et de se défendre.
Le bilan de ces régionales est que nous devons changer de direction et refonder démocratiquement notre parti, débattre de la stratégie électorale d’une part et de l’islamophobie d’autre part et remercier Ilham.
Le point sur le Vaucluse
Jacques Fortin
Nous avons pris la décision d’inscrire Ilham sur la liste régionales
du Vaucluse sous la pression, il faut le dire, plus qu’insistante des
camarades de son comité.
Je dis « plus qu’insistante » pour plusieurs raisons.
1) Tout d’abord ils en firent une première présentation qui souleva un
tollé dans les comités, en incluant dans leur argumentaire : "parce
qu’elle est musulmane, porte un foulard, etc..." Ensuite une
profession de foi vint rectifier le tir dont les attendus étaient
féminisme, anticapitalisme, internationalisme, ligne suivie ensuite
par Ilham. Bien. Le vote se fit donc sur cette profession de foi que
vous connaissez peut-être et qui ne me pose pas de gros problème.
2) Ceci dit cette candidature venait en rupture avec ce que les
réunions régionales sur la religion et la laïcité, lors du processus
d’adhésion des camarades, avait convenu sur cette question. Il y a
toute une video là dessus, un texte Samy-Jacques et une grille établie
par les camarades de l’étang de Berre.
En excipant d’ailleurs de l’exemple symétrique de la Kippa, nous
avions convenu que le port d’un signe religieux s’il ne s’opposait pas
à l’adhésion au NPA, posait problème pour le représenter.
Qu’il faudrait une légitimité forte, telle la conduite d’une lutte
exemplaire et largement reconnue, pour que le public ne voie pas
« d’abord » le foulard, la kippa ou la croix du curé, voire ne s’en
offusque pas, mais voie d’abord une personne emblématique d’un combat
connu. (Ilham a certes agi efficacement dans la mobilisation sur la
Palestine localement, mais sa popularité y était confidentielle).
3) Plus qu’insistante aussi parce que certains de ces camarades ont eu
tendance à ne pas bien vivre le débat sur la laïcité que leur
opposaient certains. Des épithètes déplorables ont volé trop vite,
envers ces défenseurs d’une vision de la laïcité et du féminisme
hostile aux signes religieux. On peut comprendre la sensibilité des
camarades dans l’atmosphère d’islamophobie ambiante, mais de là à
utiliser ces mots dans notre débat interne, ce n’est pas possible sans
avoir sérieusement écouté et entendu les camarades qui défendent leur
point de vue sur la laïcité et le féminisme, sans avoir accepté le
débat comme ce qu’il est : un vrai débat, complexe où il n’y a pas
d’un côté les bons, de l’autre les méchants. Nous sommes quand même
dans le NPA. ( il est vrai que les esprits s’enflamment de façon
singulièrement vive sur la laïcité, ce qu’on comprend mieux sur le
féminisme évidemment. La part d’humanité et de vécu y est forte, comme
sur l’islamophobie, mais quand même...).
4) Plus qu’insistante enfin parce que certains camarades ont donné
l’impression de vouloir passer en force, et donnent le sentiment de
l’avoir fait depuis, voire, mais on débattra en bilan des régionales,
au de là de l’acceptable et sur un axe politique discutable.
5) Pour ma part j’ai estimé, et je l’ai dit, mais cet argument a été
balayé, que de toutes façons sur un tel sujet, il importerait que le
NPA ait un débat avant de se lancer, que fragile il n’était pas mûr.
Par exemple dans nos principes fondateurs il y a la mention de
« respect des religions », je regrette mais je suis radicalement
irrespectueux des religions, elles ont persécutés les miens -
lesbiennes et gais - au de là de toute humanité, et continuent de nous
vouer aux enfers ici terrestres, là célestes, selon les rapports de
force. Pour ne parler que de cette question. Mais je respecte le
« soupir » religieux des croyants lorsqu’ils/elles sont antisexistes,
féministes, respectueux envers les LGBT etc. Je ne respecte en aucun
cas les curés, imams, pasteurs et autres rabbins globalement porteurs
de paroles oppressives, mais je suis globalement pour la liberté
religieuse.
Sinon pour ce qui est de l’adhésion de personnes ayant une foi
(religieuse, cosmique, végétarienne ou autre) dès lors qu’elles se
situent sur nos principes et nos objectifs, je ne vois pas de vrai
problème. Si ces fois sont les soupirs de l’opprimé/e comme disait
Marx, hé bien elles disparaîtront avec une société moins oppressante,
si elle sont le soupir d’une divinité ou autres, ce dont je doute
radicalement, nous le verrons bien.
Pour ce qui est de leur représentation du NPA, elles ne doivent pas
avoir de droit particulier et forcer la main au nom de la lutte contre
une discrimination sociale n’est pas une bonne tactique. La
représentation du NPA est une question d’opportunité poliique.
En règle générale compte tenu de ce que les religions font subir de
violences morales, je ne crois pas qu’une personne occupant une charge
religieuse ou offrant un signe public d’appartenance, soit très bien
placée pour représenter non pas un parti « laïc » mais un parti
émancipateur. Car les religions ont apporté au monde sans doute des
promesses d’émancipation (discutables) mais dans la réalité
l’inverse : tout sauf l’émancipation.
En ceci je ne suis pas d’accord avec les « laïcs ». La laïcité n’est pas
une religion pour moi. L’émancipation est par contre ma valeur
suprême. Or en matière d’émancipation on ne peut pas dire que les
religions sont bien placées.
Encore une fois c’est une question d’opportunité, et le signe ou la
charge religieux ne doivent pas, PAR PRINCIPE, faire obstacle à ce
qu’un/e militant largement reconnu puisse représenter celles et ceux
par qui justement il/elle est reconnu comme porteur d’émancipation.
Je pense donc que les camarades nous opposant la laïcité comme
principe, devraient reprendre la discussion sous un autre angle.
Et les camarades ayant une appartenance religieuse, ne pas confondre
l’oppression qu’ils subiraient, avec un droit de tirage sur les
charges et autres de notre parti, ni s’instaurer de leur fait en porte
parole de ceci ou cela.
Reste une dernière orientation qui voudrait qu’il y ait aujourd’hui
dans l’espace islamique un ferment de lutte potentiellement anticapitaliste. C’est singulier. Que ça ait été en Iran, que ce soit en
Afghanistan, en Irak, en Palestine entre le Fatah bourgeois et le
Hamas fondamentaliste, en Algérie avec le GIA, les luttes dans l’aire
islamique sont structurées depuis quarante ans par les courants
religieux les plus réactionnaires qui l’ont emportés sur les courants
progressistes, hélas, ce qui sème la confusion parmi les populations
de culture musulmane y compris dans les pays européens. (Et nourrit
en partie l’islamophobie). Que ces luttes s’opposent aux impérialismes
est évident, mais cela ne leur a pas pour autant donné la moindre
« dynamique » anticapitaliste et émancipatrice, même si des noyaux très
minoritaires sont dépositaires d’une aspiration émancipatrice.
Les choses peuvent radicalement changer, mais dans un tout autre sens
que celui du respect des religions, quand bravant et faisant reculer
la dictature islamique en Iran des milliers de femmes (et de jeunes)
dévaleront les rues de Téhéran et de Qom. Il y a fort à parier qu’un
de leurs premiers gestes sera de se libérer du voile.
Maintenant
je ne comprends pas bien cet appel à un regroupement (?) autour de
ceux qui ont voulu la candidature d’Ilham.
D’abord lesquels ? Nous avions des motivations diverses dans le
Vaucluse, or nous n’y sommes pas associés ;
au contraire nous sommes victimes d’intimidations et de manœuvres.
Ensuite quelle en est la base politique ? Une ex candidate portant un
foulard ? Franchement !!! Le foulard ????
Pourrait-on d’abord nous donner une base qui soit politique ?
Sinon cet appel est malsain.
jacques
Démocratie, foulard, laïcité : évitons les réductions
Manu Arvois (Comité Marseille 2/3, CILT 13)
Il me semble que nous devrions normalement convenir maintenant que la candidature d’Ilham sur nos listes ne nous a pas aidé dans ces élections. C’est certainement une erreur politique d’avoir sous-estimé notre fragilité actuelle et de nous avoir fait courir le risque d’un affaiblissement supplémentaire. Cet argument a certes une portée limitée dans le débat de fond mais il avait une certaine importance du point de vue de l’intérêt de l’organisation. Néanmoins le problème est plutôt désormais ce que seront les enseignements que nous en tirerons pour l’avenir en abordant les débats de fond. Il faut donc éviter de les réduire ou de les contourner.
Pour avancer il faut commencer par reconnaître que les questions en jeu réclamaient un débat sérieux entre nous. Ce débat n’a pas eu lieu avant la candidature d’Ilham. Il faut aussi prendre acte qu’un choix dont la portée s’est imposée à tout le parti ne pouvait être un choix local. C’est une question démocratique élémentaire. En appeler aux statuts sur ce point est simplement ridicule. Le problème démocratique demeure et il faudra bien le régler.
La présence parmi nous de militantes portant le foulard islamique est une chose, mais le choix de camarades pour nous représenter en est une autre. La question ne se pose d’ailleurs pas forcément en terme de légitimité. Pour les camarades hostiles à la candidatures d’Ilaem c’est plutôt la validité politique de ce choix qui est en question. Ne pas admettre ces nuances, quel que soit le chemin qu’on emprunte pour cela, c’est exclure ce qui fait une part essentielle de nos débats. Il ne convient pas de réduire ainsi les termes du désaccord. Car en effet nous sommes nombreuses/eux à penser que la question de notre représentation pose un problème spécifique qui n’est pas du même ordre que la question de l’adhésion à notre parti : les contradictions n’ont pas la même portée dans tous les domaines. Mais encore faut-il admettre qu’il y a contradiction. Précisément, c’est de cela qu’il faut discuter sérieusement, sans tirer par avance et en bloc les conséquences.
Il est incontestable qu’Ilham est une fille des quartiers populaires à l’image de beaucoup d’autres, pour autant sa présentation n’allait pas de soi. Le fait que nous militions pour que la population des quartiers populaires se dote de sa propre représentation politique ne signifie pas que la question de nos choix collectifs à ce sujet, de nos choix de parti, soit évacuée. La nuance est celle qui sépare le choix politique collectif d’une représentation prétendument naturelle, qui s’imposerait a priori. De même, si la question des motivations individuelles - ou même collectives - liées au port du foulard a de l’intérêt, elle ne résout pas d’elle-même la question des choix liés à la représentation du foulard. Au bout du compte il ne s’agit pas de faire une sociologie la plus exacte possible du port du foulard, il s’agit de décider de la manière dont nous voulons être représenté-e-s à une échelle de masse.
Face au racisme d’Etat l’effort pour débarrasser les représentations du voile des scories racistes qu’elles véhiculent est légitime. D’autant qu’en effet il faut bien qu’elles reculent pour avancer plus sérieusement sur la question du voile comme signe d’aliénation et d’oppression. Pour autant la question de la conciliation de ce combat avec nos convictions féministes et notre combat contre toutes les aliénations demeure. Pour moi c’est probablement autour du compromis laïque dans sa définition pratique - non normative mais de l’ordre du « modus vivendi » - que cette conciliation pourra encore être construite concrètement. Cela suppose de mener les débats à fond, mais je crois que c’est probablement dans le respect de la neutralité dans tout ce qui touche à la représentation politique (au moins dès lors que l’échelon strictement local est dépassé) que peuvent coexister actuellement nos différentes appartenances et convictions et que nous pouvons maintenir ensemble des principes tels que le féminisme, l’antiracisme et le combat contre toutes les aliénations. Là encore, évitons-nous les caricatures. Défendre la laïcité sous cette forme dans le parti ce n’est pas adhérer à une « idéologie laïque », partager les convictions Francs-Maçonnes ou celles de la « Libre pensée ».