Liberté et oppression
Jacques Fortin (Avignon)
Les vêtements de contention des femmes, liés à leur sujétion/oppression, sont multiples : ainsi des femmes le 1° Mai 1971 défilèrent sans soutien gorge ou en l’ôtant ostensiblement, seins nus ; ainsi à Moscou au début des années 20, des foules défilèrent-elles nues aussi au nom de la liberté sexuelle. Demain à Qom et Téhéran, des femmes défileront en arrachant ce voile, tête nue, qu’on leur impose en symbole du pouvoir (machiste) des hiérarques religieux.
Il n’empêche. Le port du voile dans une vieille métropole impérialiste, rancie de racismes divers, comme la France, a des significations équivoques : elle est un retour réactionnaire du religieux sur les femmes… en riposte au retour réactionnaire de racisme, riposte dont… les femmes sont chargées d’assumer le symbole… équivoque.
Les femmes sont très souvent « chargées » de porter le fardeau des symboles du pouvoir et des convictions de leurs dominants soient-ils au pouvoir ou dans la révolte, en plus du fardeau de leur asservissement.
Pour les un/es, devait-on, en refusant sa candidature, charger une jeune femme portant ce fardeau équivoque, mais décidée à résister au capitalisme, d’une nouvelle stigmatisation ? Telle était la question qui fut posée à l’AG du Vaucluse (quelles qu’aient été par ailleurs, les projets inavoués dont la candidate jeune en politique, ait pu être l’outil, c’est un autre débat, quoique).
Pour les autres, doit-on, en la soutenant, faire assumer à une jeune femme et aux femmes, la mauvaise conscience d’une gauche qui a perdu depuis longtemps le chemin des quartiers populaires, et tente de s’y refaire une réputation en se parant du voile de l’opprimée ? Telle est la question que doivent se poser celles et ceux qui, (hissés sur le dos d’une femme), ont propulsé sans vergogne ce foulard en drapeau et s’en donnent une bonne conscience ébahie ?
De plus, équivoque, ce voile l’est aussi parmi les populations que la propulsion de cette candidature, prétend attirer. Pour les religieux, il est une instrumentalisation politique d’un de leur symbole. Pour les laïcs, il est une politisation de ce qui est leur foi intime. Pour certaines femmes contraintes ou refusant de l’être (et les hommes qui les soutiennent), il est une caution apportée à ce fardeau du religieux sur le dos des femmes. Même si le sentiment communautaire ou la soif de dignité des stigmatisés peut y trouver un motif de fierté de soi. Les nominations de Fadela Amara et de Rachida Dati aussi…
J’ai voté pour cette candidature et je pense avoir joué avec le feu, celui de l’oppression des femmes et de l’oppression tout court.
S’il est clair qu’un attachement religieux ne saurait faire obstacle à la participation à nos luttes anticapitalistes, il est aussi clair qu’une charge religieuse ou une appartenance « ostensée » délivrent des messages qui ne sont pas compatibles avec d’autres.
Ainsi je suis un homme qui couche avec des hommes, plusieurs en même temps si ça se présente. Je vis ostensiblement avec l’un d’eux, je ne tiens pas à être accepté, mais approuvé, carrément.
J’estime, avec la longue cohortes des féministes, que les figures du masculin et du féminin telles que portées par nos sociétés, sont oppressives et fallacieuses, et que l’éducation qui les perpétue doit être combattue.
Ainsi l’homosexualité sous ses diverses formes, la diversité sexuelle et de genre doivent-elles être présentées aux enfants comme des possibles tout à fait réjouissants, au même titre que ce qu’on nomme l’hétérosexualité.
Je suis convaincu que la circoncision non médicale des mineurs est une atteinte grave à l’intégrité de la personne humaine, car indélébile.
Je pense qu’il faut jouir sans entrave et si possible sans temps mort, tant que nul/le n’en pâtit ; et quelque jalousie que je ressente à l’occasion, il m’apparaît que la fidélité sexuelle est un fétichisme oppressif directement issu de l’appropriation machiste du corps des femmes.
Je tiens la nudité pour une conduite éminemment sociale, et les corps comme de somptueux vêtements qui gagnent à être mis à nu, justement, sous toutes leurs étapes et sans exclusives discriminantes.
Etc.
Cette profession de foi lapidaire me semble devoir participer de notre identité politique commune : émancipatrice. C’est pourquoi, quoique respectant les personnes qui en ont, je ne tolèrerais d’être en quoi que ce soit censuré, contenu ou contesté dans notre parti, sur tout ceci par les préceptes d’une foi religieuse.
Ce qui, devant un pasteur, un prêtre, un rabbin, un imam ou une personne portant un foulard est rien moins qu’évident.
Rien moins qu’évident si, en les respectant justement, on prend au sérieux ce qu’ils revendiquent.
Alors ?
Pourquoi nous avons décidé de retirer nos candidatures en PACA
Manue (comité Marseille 2/3) Valée (comité Marseille 1/7)
Il y a quelques semaines, nous avons décidé de retirer nos candidatures en PACA lorsque nous avons appris, après lecture d’un article du Figaro.fr, la présence d’une candidate voilée sur nos listes et lu les commentaires de notre porte parole à ce sujet, à savoir qu’on pouvait être « féministe, laïque et voilée », et que cette candidature était « l’image de notre intégration dans les quartiers ». Mises devant le fait accompli et dans l’incapacité de pouvoir nous exprimer à ce sujet, nous n’avons trouvé d’autre solution que ce retrait des listes pour nous désolidariser de cette prise de position avec laquelle nous restons en désaccord.
Cet épisode a mis au jour de graves dysfonctionnements dans le NPA. Tout d’abord, il faut nous interroger à propos de la souveraineté des comités lorsque les décisions prises à l’échelle locale ont des conséquences sur l’ensemble de l’organisation comme ce fut le cas pour la candidature d’Ilham. Il est inconcevable qu’une décision aussi polémique ait été prise par un département et ait fait office de ligne politique régionale et nationale alors qu’aucun débat ou vote n’a eu lieu sur la question ! Ensuite, le fait qu’il n’y ait aucun responsable à ce que nous vivons pose un réel problème démocratique. Il n’y avait pas pire moment pour prendre une telle décision. Dans un contexte nauséabond de racisme, de confusion des valeurs dans le paysage politique, nous jouons nous aussi au jeu dangereux de brouiller les messages. Nous sacrifions des idéaux, espérant peut-être par ce biais retrouver prise sur un mouvement social qui faiblit et des classes populaires encore peu sensibles à notre message. En scandant de tels slogans, nous nous marginalisons, nous nous coupons de nombreux militants qui œuvrent au quotidien contre l’oppression et les droits bafoués. L’argument posé comme un slogan par notre porte parole « on peut être féministe, laïque et voilée » est incompréhensible pour cette majorité de gens qui nous entoure. Ilham n’est pas non plus « l’image de notre intégration dans les quartiers ». C’est là encore procéder à des raccourcis préjudiciables pour l’ensemble de ces habitants : qu’en est-il de tous ceux et toutes celles qui ne se reconnaissent pas dans la candidature d’une jeune fille voilée ? Quel message politique a-t-on choisi de leur adresser ?
Nous sommes le parti des opprimés, et « opprimés » se conjugue aussi au féminin. A ce titre, nous devons rendre des comptes à toutes les femmes qui ne veulent pas du voile et nous devons le combattre avec elles. Ce n’est pas parce qu’une partie des positions antivoile à l’extérieur n’est pas guidée par un attachement au principe de l’égalité des sexes qu’il nous faut cesser la lutte. Ce n’est pas parce que pour certaines femmes en France, le port du voile est présenté comme assumé voire comme une forme de résistance que nous devons nier le combat libérateur de tant d’autres qui refusent de le subir. Or en avançant l’idée que l’on peut être « féministe et voilée » c’est ce que nous faisons.
Le port du voile n’est pas une affaire de culture. Il ne s’agit pas non plus de défendre le droit de s’habiller comme on l’entend car alors on fait le choix de faire passer la question de l‘assujettissement des femmes au second plan. Il est bien avant tout un signe d’asservissement pour les femmes : il symbolise le contrôle de leur corps, leur sexualité, leur fécondité et leur comportement. Dans le monde entier, il donne un statut de second rang à toutes celles qui sont obligées de le porter. En accepter le principe au nom d’un relativisme culturel, c’est en accepter la pratique : l’obligation de se cacher les yeux, le corps ; de ne pas pouvoir se faire soigner par un homme, de ne pas serrer la main des hommes, ne pas pouvoir se baigner… c’est en accepter toutes les formes de ségrégation sexiste.
Certains camarades, pour affirmer que tout ça n’est pas si grave, nous présentent des arguments sociologiques qui sont censés faire preuve : « Nous avons tous eu des grand-mères corses, polonaises, arabes, comoriennes ….qui portaient un foulard ». Le voile est présent dans toutes les cultures et toutes les religions. Plutôt que de chercher à expliquer pourquoi certaines portent le foulard, regardons ce que signifie de ne pas porter ce signe. Les cheveux des femmes ne sont pas un problème. Ne pas porter un foulard est un signe qui dit :
« mes cheveux et mon corps ne sont pas un danger, ne sont pas une tentation »
« montrer mes cheveux ne doit pas me mettre en danger »
« mes cheveux et moi ne sommes pas un problème, ni pour ma religion, ni pour la société »
Voilà ce que signifie dans toutes les cultures de refuser le port du foulard. Présenter une candidate qui porte un foulard encourage les significations inverses.
Pour conclure, nous rejetons l’idée qu’une candidate voilée nous représente. Comme l’ont déjà dit d’autres camarades, il y a des critères pour représenter notre organisation. Le féminisme est une de ces valeurs fondamentales hérité des mouvements politiques et associatifs et qui a pris toute sa signification dans les années 70. Dans ce sens, il n’y a pas de rupture générationnelle qui tienne face aux combats passés. Au contraire, il y en a un à poursuivre et plus que jamais : celui pour l’égalité. Arborer un voile qui affiche la ségrégation des sexes est un mauvais signal pour nous représenter politiquement. Il n’y a qu’à voir la réaction des gens qui nous entourent depuis cet épisode malheureux pour le comprendre.
Et si le foulard avait un autre sens ?
John Mullen (NPA 47), Marie Geaugey (NPA 78, candidate régionales)
Le FN remonte, le gouvernement est décidé à faire un drapeau de l’islamophobie avec leur loi anti-voile, et la gauche, dont le NPA, est paralysée sur le sujet. Suite à la candidature d’Ilham Moussaïd, on a été attaqués. Les principaux porte-paroles ont bien réagi, mais timidement. On aurait dû en profiter pour dénoncer l’islamophobie dans un contexte où il y a de plus en plus d’attaques racistes : contre les mosquées, par des graffitis islamophobes, lorsque Moreno fait l’amalgame entre chômeurs, banlieusards, jeunes et musulmans, ou lorsque l’UMP se réjouit de préparer une loi contre le niqab, sachant que la gauche ne fera aucune sérieuse campagne contre.
L’incompréhension à gauche concernant l’islam en France nous empêche de réagir face à une islamophobie montante. Les anticapitalistes doivent s’organiser aux côtés des groupes d’opprimés contre l’oppression, mais l’essentiel du NPA n’envisage pas de travailler avec des groupes de musulmans pour faire campagne contre l’islamophobie. Le mot même « islamophobie » n’a fait que trop récemment son apparition dans nos publications.
Au centre de ces positionnements se trouve l’idée que le port du foulard est une action visant à renforcer l’oppression des femmes. C’est un préjugé, comme en témoigne le fait que si peu de militants précisent leur pensée. Pensent-ils que les femmes qui portent le foulard sont plus opprimées que les autres (davantage de violences familiales ? moins d’autonomie ?) ou que ces femmes défendent l’oppression (sont-elles contre l’IVG ? pour les différences de salaire ?).
On voit tous les éléments de préjugés enracinés : pas besoin d’entendre la voix des femmes concernées (combien de ces camarades ont lu le recueil d’entretiens Les filles voilées parlent ? Pourquoi aucune interview de femme voilée dans notre journal pour enrichir le débat ?) Pas besoin non plus de lire les ouvrages des sociologues qui tordent le cou à bien des idées reçues sur « les grands frères » et les pressions familiales supposées systématiques. Refus de comprendre que l’essentiel est le libre choix – choix de porter ou ne pas porter le foulard ; procès d’intention ridicules à la pelle ; incapacité d’imaginer le musulman comme français plutôt que saoudien (au sein du NPA on en a entendu des « mais dans leur pays... »). Pas besoin de s’informer, nous savons tous « comment sont ces gens-là ».
Quelques sections du NPA ont déclaré que, malgré elle, Ilham soutenait l’oppression des femmes. Dire aux groupes opprimés que nous comprenons mieux qu’eux ce qu’ils font, fait partie une longue tradition, mais c’est une tradition ni anticapitaliste ni progressiste.
Les symboles n’ont pas un sens permanent. La tête rasée du moine bouddhiste et celle du skinhead n’ont pas la même signification. Toutes les cultures recommandent aux hommes et aux femmes de couvrir des parties de leurs corps dans la vie courante – combien d’autres habitudes faudrait-il rejeter si on condamnait tout ce qui était sexué dans notre société (maquillage, jupe, couvrir les seins ...) C’est l’obligation de se couvrir la tête, ou de ne pas la couvrir (pour aller à l’école ...), qui constitue une oppression. Les préjugés contre ces musulmanes sont si fortes que nous avons vu – sans doute une première mondiale – des opprimées réduites dans l’édito de notre journal anticapitaliste à un statut d’animal (« ces oiseaux de mort ») ! (Essayez un peu le discours « Je suis en solidarité avec toi contre le racisme, mais ta mère est un oiseau de mort » !)
Personne ne veut interdire le vœu de silence des moines trappistes, bien plus nocif à la vie sociale que le niqab, et ces moines sont plus nombreux en France que les femmes qui portent le « voile intégral ». Le célibat des prêtres ou des bonnes sœurs ne sera pas interdit non plus. C’est la religion perçue comme « arabe » qui est visée !
Si couvrir les cheveux est un signe de soumission, les femmes qui portent le voile disent que c’est une soumission devant Dieu. Tout rituel religieux comporte une part de soumission devant Dieu (s’agenouiller, jeûner, circoncision ...). Et si nous voulons que nos analyses matérialistes avancent, il faut d’abord qu’il y ait liberté totale de conscience dans l’espace public. Personne ne s’émancipe dans la répression. Il faut au contraire encourager les travailleurs croyants à s’exprimer, pour permettre un vrai débat.
L’extrême droite en France et ailleurs a compris que de nos jours il vaut mieux s’attaquer aux musulmans qu’aux « arabes » directement. La droite française comprend que l’islamophobie, à travers la loi contre le niqab, est une occasion en or, parce que la gauche et l’extrême gauche sont incapables de s’y opposer activement.
Le NPA saura-t-il s’opposer à l’islamophobie, en alliance avec les musulmans, y compris les non-révolutionnaires ? Ou les préjugés, allant de la simple ignorance à l’attitude franchement coloniale seront-ils les plus forts ?
La femme immigrante arabe emprisonnée dans le harem capitaliste
Jamalat Abu Youssef (Agen)
La lutte des femmes arabes a toujours eu un lien fort avec la lutte contre le projet colonialiste aujourd’hui représenté par l’Etat sioniste.
Participer à la résistance, c’est pour les femmes lutter pour la fin de l’état colonialiste qui bloque le mouvement vers plus d’égalité et plus de libertés. Pour un peuple opprimé, seule la résistance incarne la sphère publique réelle et la participation des femmes les aide à y trouver le respect approprié à leur rôle spontané.
Les femmes sont sorties de leurs maisons avec leurs vêtements quotidiens, elles n’ont pas réfléchi à choisir des vêtements différents.
D’autres portent des vêtements « à l’occidental », un choix qui exprime une révolte contre le mélange de la domination patriarcale et de la tradition.
Etant toutes exposées à la même charge d’oppression et de soumission, le fait de s’habiller différemment n’a jamais été un facteur de division au niveau populaire. Ce ne fut pas non plus un obstacle pour la participation à la lutte contre l’occupation qui les opprime sans tenir compte des apparences extérieures.
En revanche, les patrons font la différence !
Il y en a qui refusent d’embaucher les femmes ne couvrant pas leurs têtes, mais d’autres croient que les femmes non voilées sont des femmes faciles. Les opportunités de travail étant limitées, la solution pour les femmes c’est de porter un foulard, soit pour protéger leur corps soit pour obtenir du travail.
J’ai toujours refusé de couvrir ma tête. Dans un institut d’Hébron ce fut le motif du refus de m’embaucher. Plus tard j’ai été licenciée par l’Autorité pour syndicalisme.
En Palestine comme dans d’autres pays arabes, il y a des femmes peu exposées à l’exploitation et aux discriminations.
Ce sont les femmes d’une fraction compradore de la bourgeoisie. Elles pensent être les représentantes de la culture et de la mode occidentales.
Parmi elles, il y a des féministes d’abord préoccupées par la libération de leur corps et qui développent l’idée que la libération des femmes est séparée de la libération des peuples.
Leur discours pour enlever le voile n’est pas orienté vers les femmes pauvres exploitées mais s’adresse à l’Occident, relayé par des médias promptes à expliquer combien ce discours moderne mais minoritaire prouve que l’immense majorité des femmes de culture arabe sont archaïques : la femme arabe voilée se sépare elle-même du monde extérieur et participe à son oppression !
Le capitalisme justifie ainsi la poursuite de ses projets colonialistes et de sa politique raciste envers les immigrantes arabo musulmanes.
En France, ceci se fait au nom de la laïcité mise en danger par les musulmanes, puisque l’Etat considère que le foulard est d’abord un symbole religieux et que certaines féministes en font LE symbole de l’oppression.
Ilham couvre sa tête et a été candidate du NPA. Cette situation a déclenché un déchainement de l’élite politique blanche, vaguement teintée par des non blancs bien assimilés.
Le foulard d’Ilham était une menace pour cette élite constituée de « la gauche républicaine » et de certaines féministes : ce foulard mettait en danger les acquis de « leurs » luttes.
Les femmes arabes peuvent-elles participer aux luttes pour leurs droits et quelles sont les conditions posées à cette participation ?
Ne pas se couvrir la tête est-elle la première condition ?
Est-ce là la liberté du corps et aussi celle du cerveau ?
L’entreprise capitaliste qui dicte que le style occidental est le symbole de modernité doit il aussi décider ce qui est le symbole de la libération ?
En France, dans les banlieues et quartiers marginalisés, dans l’isolement et souvent la pauvreté, qui sont les femmes arabes ?
Des mères bloquées dans des tours dans les ghettos, des ouvrières et des chômeurs.
Cette arabe est aussi une femme qui fait des ménages à l’extérieur et qui couvre sa tête : là, personne ne proteste contre son foulard parce qu’elle n’y menace pas l’élite.
Au delà, elle ne doit pas exprimer son identité culturelle. Si elle a envie de sortir de l’isolement, on lui en rappellera les conditions, sinon elle doit rester enfermée dans son harem capitaliste.
La gauche et certaines féministes ne sont pas encore guéries de leur complexe de supériorité. La modernité et la laïcité ne peuvent être produites que par leur culture : les femmes arabes resteront isolées et marginalisées.
Il est certain que la femme arabe ne trouvera pas sa place avec cette gauche, mais elle doit lutter pour sa libération avec d’autres, vraiment contre le racisme et l’exploitation capitaliste, vraiment avec la libération des femmes.Avec elles on peut construire une force considérable contre le capitalisme et le patriarcat.
J’espère que le NPA sera cette chance.
Moi qui ne couvre pas ma tête, j’ai la même espérance qu’Ilham qui porte le foulard, mais quand j’entends la même voix de supériorité au sein du parti, j’ai peur que cette opportunité ne dure pas longtemps.
La religion : une affaire privée ?
Mohamed (Paris XX centre)
Êtes-vous choquée par les femmes qui portent la burka ?
« Non je ne suis pas choquée à partir du moment où c’est un choix personnel. » _ (Ilham Moussaïd au Dauphiné Libéré du 19 fév.).
« La foi est une question privée qui ne saurait faire obstacle à la participation à notre combat dès lors que les fondamentaux laïcs, féministes et anticapitalistes de notre parti sont sincèrement partagés.”
(Communiqué NPA du 3 fév.)
« Celui qui ne combat pas la religion est indigne de porter le nom de révolutionnaire […] Peut-être allez vous dire que la religion n’a pas d’importance politique ? Que l’on peut être un homme religieux et, en même temps, un communiste conséquent et un combattant révolutionnaire ? Vous ne vous hasarderiez pas à une affirmation aussi téméraire. […] nous conservons une attitude de toute prudence à l’égard des préjugés religieux d’un ouvrier arriéré. S’il veut lutter pour notre programme, nous l’acceptons dans notre parti mais en même temps notre parti l’éduquera obstinément dans l’esprit du matérialisme et de l’athéisme ».
(Léon Trotski, lettre à Burnham, janv. 1940)
Une erreur préjudiciable au parti, insultante pour le combat des femmes et contraire au marxisme
La décision de présenter une candidate arborant un signe religieux explicite sur la liste NPA 84 a été une grave erreur :
– La campagne du NPA a été parasitée par cette affaire qui a eu des implications, difficilement quantifiables mais indéniables, sur nos sympathisants et sur notre électorat, sans parler du trouble interne.
– La décision de l’état-major du parti d’assumer cette candidature constitue une insulte au combat des femmes qui, dans les banlieues, en Algérie, en Iran, etc. luttent, parfois au péril de leur vie, contre ce symbole d’oppression que constitue le voile.
– Cette décision est aussi un reniement de l’attitude marxiste sur la religion.
Des arguments de mauvaise foi
Quels sont les arguments des défenseurs de la candidature d’Ilham ?
– Il y a un climat de racisme et de haine contre NPA qui n’est pas le seul à avoir présenté des candidats arborant des signes religieux.
– Des situations telles que celles d’Ilham sont inévitables dès lors que le parti s’ouvre à des jeunes ou des travailleurs issus des quartiers populaires.
– La religion est une affaire privée.
Difficile de répondre dans le cadre étriqué de 5000 signes.
Oui, il y a eu une campagne hypocrite, raciste et NPA-phobe de certains media bourgeois, de l’UMP, du FN et certains dirigeants de gauche. Mais, force est de constater que c’est le NPA lui-même qui a fourni le gourdin qui a servi à le frapper. Ce climat ne peut constituer un argument. La différence entre toutes ces forces et le NPA c’est que ce dernier entretient (?) un lien avec le marxisme révolutionnaire.
La réponse au racisme ne saurait être l’islamophilie. De même le port de signes religieux ne saurait être un passeport pour les quartiers populaires.
Abordons un peu plus en détail la question du caractère privé de la religion.
La religion : une affaire privée ?
Les avocats de la candidature d’Ilham ont invoqué Marx ou Lénine à l’appui de leur point de vue. Qu’en est-il ?
Dans ses textes sur la religion, Lénine rappelle que la religion ne saurait être une affaire privée que par rapport à l’Etat et non par rapport au parti :
« La religion doit être déclarée affaire privée ; c’est ainsi qu’on définit ordinairement l’attitude des socialistes à l’égard de la religion. Mais il importe de déterminer exactement la signification de ces mots, afin d’éviter tout malentendu. Nous exigeons que la religion soit une affaire privée vis-à-vis de l’État, mais nous ne pouvons en aucune façon considérer la religion comme une affaire privée en ce qui concerne notre propre Parti. L’État ne doit pas se mêler de religion, les sociétés religieuses ne doivent pas être liées au pouvoir d’État. Chacun doit être parfaitement libre de professer n’importe quelle religion ou de n’en reconnaître aucune [...]. L’État ne doit accorder aucune subvention ni à l’Église ni aux associations confessionnelles ou religieuses ..]. La séparation complète de l’Église et de l’État, telle est la revendication du prolétariat socialiste à l’égard de l’État et de l’Église modernes. […]
Par rapport au parti du prolétariat socialiste, la religion n’est pas une affaire privée. Notre Parti est une association de militants conscients d’avant-garde, combattant pour l’émancipation de la classe ouvrière. Cette association ne peut pas et ne doit pas rester indifférente à l’inconscience, à l’ignorance ou à l’obscurantisme revêtant la forme de croyances religieuses. …) notre association, […] s’est donné pour but, entre autres, de combattre tout abêtissement religieux des ouvriers. Pour nous, la lutte des idées n’est pas une affaire privée ; elle intéresse tout le Parti, tout le prolétariat. » (Lénine, Socialisme et religion, déc. 1905)
Bien entendu, cela n’épuise pas le débat, loin de là.
Pourquoi le foulard serait-il un problème ?
Antoine Boulangé
Des camarades, des sympathisant-e-s ont été choqués par la candidature d’Ilham Moussaïd. Il est évident que ce débat aurait du être mené plus tôt au sein du NPA mais maintenant qu’il est posé, il faut y répondre clairement car la question de l’islam en occident est une des questions majeure pour le mouvement ouvrier dans son ensemble.
A l’occasion de la candidature d’Ilham, on a vu des prises de positions à gauche se référant au marxisme pour la dénoncer. La religion est vue de manière figée comme le seul « opium du peuple », alors que Marx en soulignait la nature contradictoire. La religion n’est pas un monolithe. Elle peut également devenir un vecteur de lutte et de révolte pour de larges couches de la population, comme l’histoire l’a largement démontré avec Malcolm X, Martin Luther King, la théologie de la libération, ou les niveleurs au 17e siècle...
La polémique s’est faite au nom de la religion et de la laïcité mais en réalité, c’est surtout le fait qu’elle soit musulmane qui a posé « problème ». Les mêmes qui nous ont critiqué ne font pas grand chose au quotidien contre la principale religion en France. La gauche qui nous donne des leçons de laïcité est la même qui vote dans les conseils régionaux des subventions à l’enseignement privé catholique ! Le NPA doit être un des fers de lance de l’opposition à l’islamophobie et au racisme, même si cela n’est pas populaire à certains moments.
Toutes les religions ne sont pas à égalité. L’islam en France est clairement une religion discriminée et l’islamophobie est une forme importante du racisme, qui se développe au niveau international depuis le 11/09. Le débat sur l’identité nationale a renforcé le climat raciste dont le FN a été un des principaux bénéficiaire. Une grande partie de la gauche a renoncé à mener ce combat lorsque la droite a utilisé la candidature d’Ilham pour renforcer le racisme, croyant pouvoir en profiter pour critiquer le NPA.
La question de l’islamophobie est comparable au développement de l’antisémitisme à l’époque de l’affaire Dreyfus. En 1897, en Russie, face à la vague d’antisémitisme, des milliers de travailleurs fondaient un parti « socialiste et juif », le Bund. Il est évident que cela était possible parce que les juifs étaient discriminés. Il n’y aurait pas pu y avoir de parti « othodoxe et socialiste » ! En France, Guesde s’abstenait de soutenir Dreyfus, sous prétexte que c’était un bourgeois et que cela détournait l’attention des travailleurs de la lutte des classes. Le NPA doit justement être un lien entre la lutte contre l’exploitation et les oppressions. Loin d’opposer lutte anticapitaliste, antiraciste et féministe, nous devons construire un parti qui réussisse à les faire converger.
La conclusion de la contribution « Féminisme et religions » propose une orientation qui se trompe de combat « Il faut au contraire affirmer que le foulard n’est pas un vêtement comme un autre et qu’il faut en faire reculer le port ». C’est oublier complètement sa nature contradictoire et l’essentialiser comme symbole de l’oppression des femmes. Cela revient à refuser de comprendre que sa signification est double. C’est aujourd’hui un symbole identitaire pour une population discriminée au quotidien en occident. Il est évident que notre position sur le foulard doit être le libre choix, ce n’est pas à l’Etat de décider comment les gens doivent s’habiller. Le NPA doit continuer de s’opposer clairement à toutes les tentatives de stigmatisation des musulmans à travers des lois comme l’interdiction de la Burqa.
Le NPA devrait refuser de faire du foulard un problème. L’histoire nous a montré les dangers de l’instrumentalisation par l’impérialisme de prétendues valeurs universelles, progressistes comme la laïcité. En 1960, l’Etat français mettait en scène « la libération de la femme algérienne » au nom justement du droit des femmes, soutenu par la gauche qui défendait le colonialisme comme moyen moyen de « civiliser le monde, lui apporter la démocratie », contre le FLN, présenté comme « arriéré, réactionnaire et musulman ». Aujourd’hui, l’islam est devenu en occident une menace qu’on agite, aussi bien ennemi de l’intérieur que de l’extérieur, qui permet de justifier nombre d’attaques socialles, de diviser pour règner. Les musulmans ont remplacé dans l’idéologie la menace communiste de la guerre froide. Dans un contexte de crise profonde, cette menace vise à souder de larges couches de la population en occident derrière une politique raciste et nationaliste, afin de soutenir la politique des ouissances impérialistes.
Le NPA ne doit pas mettre d’autre préalable à l’adhésion qu’un accord général sur la politique anticapitaliste, les principes fondateurs et les actions à mener ensemble. L’athéisme ne peut pas être un préalable, et il ne peut encore moins y avoir un traitement différent des femmes portant un foulard. Le NPA doit être un parti ouvert, où luttent ensemble des athés, des prêtres ouvriers (même s’il n’en reste plus beaucoup...) ou des femmes portant le foulard. Si le parti est ouvert à toutes et tous, il ne peut pas y avoir de statut différent pour les femmes qui portent le foulard. Si elles peuvent militer au NPA, elle peuvent également le représenter, à partir du moment où c’est pour défendre la politique d’ensemble du parti. Au delà de l’aspect discriminant au sein même du parti, une quelconque « limitation de la représentation du parti aux élections » révèle une vision bien étrange de la représentation. Et si une militante portant le foulard se met à mener une lutte de soutien à la Palestine, contre des licenciements dans un centre d’appels, contre des fermetures de classe... peut-elle continuer à représenter le parti dans le mouvement, peut-elle revendiquer son appartenance au NPA ? Le problème posé par la candidature d’Ilham n’était pas sa légitimité (elle me semble indéniable) mais l’absence de débats en amont au sein du NPA. Dans ces conditions, nous n’avons pas su défendre collectivement clairement cette candidature face à l’offensive raciste du gouvernement.
C’est faire un procès d’intention à Ilham de croire qu’on ne peut pas être « anticapitaliste, féministe et porter le foulard ». Il me paraît essentiel de juger les gens sur ce qu’ils font, et non seulement ce qu’ils sont. A travers les luttes, le militantisme, nous devons faire le pari que les gens peuvent changer. Il ne s’agit pas de taire notre critique de la religion mais bien avoir conscience qu’elle ne pourra disparaître que lorsque les conditions matérielles de son existence aurons été remises en cause.
Revendiquons l’indifférence
Gérard Vaysse (Rhône, CPN)
Les réactions ultra majoritaires face à « la candidate voilée du NPA » ont délimité le sens que l’idéologie dominante place dans le combat contre ce signe : Il faut stopper l’invasion de l’islam dans la société française. Ce type de réactions a pris place dans la rafale d’opérations médiatique (une par semaine) de la campagne des régionales que la droite a inscrites dans la foulée de « l’identité nationale » : Le Quick halal, la burka, la candidate voilée du NPA, le candidat noir délinquant... Et ça aurait continué si la dernière opération n’avait pas foiré.
Face à ce tir de barrage, il était sain de marquer un point d’arrêt, de dire publiquement que l’appartenance à la religion musulmane, même si ça se voit, ce n’est pas un problème. C’était juste de le faire. Nous ne l’avons pas très bien fait et nous avons, de fait, pris des coups très rudes ; mais quoi que nous ayons fait dans ce sens nous aurions quand même pris des coups.
Ce que nous aurions dû faire si nous avions mieux anticipé et collectivisé cet acte politique :
Du côté du parti : Refus de tout commentaire sur « le foulard ». Les militants et les candidats du NPA croient à ce qu’ils veulent et s’habillent comme ils veulent. Et surtout éviter toute tentative de justification sur la représentativité de telle croyance ou la représentation d’on ne sait qui.
Du côté de la candidate concernée : Refus de s’exprimer sur sa tenue ou sur sa religion. En tant que candidate du NPA, elle n’a rien à dire là dessus. Par contre elle peut s’exprimer sur le chômage ou la protection sociale. Et si alors des journalistes continuent quand même à s’intéresser à elle, ils sont les bienvenus. (ça se serait vite calmé)
Sec, net, précis. Et laisser dire.
Mais ce n’est pas la ligne de conduite qui a prévalu, ni dans l’expression publique du parti, ni dans l’expression de la candidate, ni dans l’expression de ses camarades du Vaucluse. Nous avons cherché des raisons, nous avons présenté des justifications, et nous nous sommes exprimés, toutes tendances confondues, sur la religion. Chaque expression publique nous attiré des coups supplémentaires et répondre à la polémique nous a mis dans une situation chaque jour pire. Certains de nos sympathisants ont même cru que nous avions décidé d’en faire une campagne nationale : quelqu’un m’a dit « tu crois qu’après l’identité nationale, nous les arabes, on avait besoin de ça »...
On pourrait rêver d’une situation meilleure : une candidate connue pour son engagement militant, au point que cet engagement voilerait le voile. Cet argument a été parfois évoqué comme condition préalable. Mais si nous pouvons souhaiter avoir parmi nous une telle personne, il n’est pas très raisonnable d’exiger ni pour être candidate, ni pour adhérer au NPA , qu’une catégorie particulière de gens (les femmes musulmanes avec foulard) ait fait au préalable quelque chose d’exceptionnel.
Ilham est une militante ordinaire du NPA, comme les autres. Son appartenance religieuse nous est indifférente et le sens qu’elle met à sa tenue vestimentaire ne regarde qu’elle. C’est la bataille qu’il faut mener, qu’elle coûte ou qu’elle rapporte.
L’appartenance religieuse n’entre pas en ligne de compte dans les critères d’adhésion au NPA. A plus forte raison, nous ne pouvons pas avoir un point de vue de parti sur le type de pratique religieuse qui serait selon nous la bonne : ça nous mènerait dans des territoires idéologiques un peu périlleux. Quant aux signes religieux nous aurons toujours du mal à faire la distinction entre ceux qui sont « acceptables » ou pas. (aucun, dites vous ? Allons donc, on a l’air malins nous qui faisons férié le jour où la sainte vierge est montée au ciel...) Enfin, reconnaissons qu’un signe religieux, spécifique aux femmes, qui barrerait l’engagement politique seulement aux femmes, c’est pour le moins un problème...
Ils veulent désigner les musulmans : menons la bataille pour l’indifférence.
« Parti laïc » ou parti pour l’émancipation ?
Jean-François CABRAL (CPN, 93)
Dans ce texte, forcément très court, je voudrais insister sur les aspects qui concernent plus spécifiquement notre programme et notre projet d’émancipation.
Le voile est bien sûr un instrument d’oppression sur les femmes. Dans toutes les sociétés patriarcales, on trouve généralement le même réflexe de cacher le corps des femmes dans l’espace public parce que ce n’est pas le lieu « naturel » où elles devraient être.
Mais c’est aussi un symbole religieux car toutes les religions sont venues légitimer cette discrimination, et cet héritage pèse encore lourd dans nos sociétés. Les dimensions féministes et religieuses sont donc suffisamment imbriquées pour ne pas chercher à évacuer à tout prix la question religieuse.
C’est d’autant plus vrai qu’il y manifestement un point commun entre ces deux dimensions dans les réflexions que l’on entend chez beaucoup de camarades : c’est de les aborder sous un angle individuel, personnel, et au bout du compte très affectif.
On nous dit par exemple que ce n’est pas très important si une camarade porte le voile, puisque le plus important est qu’elle soit vraiment féministe. Sauf que le voile n’est pas qu’un bout de tissu et sa signification ne dépend pas que de l’intention individuelle de celle qui le porte. Sinon, on ne comprend pas comment se manifeste l’oppression à l’échelle de toute la société. Et au lieu de faire de la politique, on fait de la morale et la pire qui soit : celle qui pose les problèmes en terme de sincérité personnelle, avec le risque de pousser très vite les camarades à vouloir prouver que les uns ne seraient pas de vrais féministes et que les autres ne seraient pas de vrais antiracistes.
C’est un piège qui explique bien des passions dès que l’on aborde cette question. Il faudrait s’en dégager au plus vite et placer le débat sur un tout autre terrain, plus exigeant sur le plan intellectuel mais plus sûr au bout du compte.
Il en est de même avec la religion, surtout si on commence par confondre le cadre de la société avec celui du parti. La religion est certes une affaire privée face à l’Etat, et c’est le droit de chacun de croire ce qu’il veut. Mais dans le cadre d’un parti, ce n’est pas une question de « droit » ni de respect individuel comme on le pose parfois en terme très moraliste. C’est une question politique qui exige une vraie réflexion sur les fondements y compris philosophiques de notre démarche.
Personne n’est obligé d’adhérer à tel ou tel parti, c’est le libre choix de chacun. Mais un parti c’est un programme, un projet, et parfois même une méthode et un outil pour comprendre et changer le monde – c’est du moins la prétention du marxisme. La seule question pertinente est donc de savoir si on peut prétendre construire un projet émancipateur sans le marxisme et sans lutter en même temps contre les préjugés religieux : pas dans un avenir lointain, dans le cadre d’une autre société, mais dès aujourd’hui, pour intervenir dans la lutte de classe et lutter contre l’emprise idéologique de la bourgeoisie, et surtout pour comprendre les fondements d’un projet socialiste ou communiste qui ne sont pas simplement une aspiration vague, un peu éthérée, à plus d’égalité et à plus de justice, mais qui reposent sur des fondements autrement plus solides qui excluent y compris les croyances religieuses.
Il est vrai qu’aujourd’hui au NPA, on entend souvent dire que cela n’aurait pas beaucoup d’importance : l’important nous dit-on serait de transformer le monde, non de l’interpréter. Curieuse façon de paraphraser Marx, surtout si on oublie l’essentiel : pour Marx, cette affirmation est d’ordre philosophique, c’est le problème de l’idéalisme et du matérialisme, pas une question pratique doublée d’un soupçon de démagogie anti-intellectuelle où l’on voudrait faire croire aux camarades que la seule chose qui compte serait de rassembler à priori et sans préalable tous les anticapitalistes pour agir immédiatement et tous ensemble, les autres questions ne servant qu’à nous diviser inutilement.
On voit aujourd’hui que c’est plutôt l’inverse : d’une diversité non maîtrisée nait beaucoup de confusion si on n’aborde pas sérieusement les questions qui dérangent. C’est en allant jusqu’au bout de certains raisonnements sans avoir peu de choquer, et en interprétant correctement le monde qu’on a une toute petite chance de le transformer.
C’est pour cela qu’un parti qui lutte pour l’émancipation ne peut pas être un parti laïc. D’abord parce qu’on confond deux choses, la religion face à l’Etat et dans le cadre du parti. Mais aussi parce que les fondements y compris philosophiques d’un programme communiste ne sont pas des artifices intellectuels, et que tout autre choix ferait de nous des révolutionnaires dont la seule boussole serait la sincérité et la volonté d’en finir avec cette société, ce qui est sans doute très estimable mais pour le moins léger.
Evidemment cela ne veut pas dire que le parti ferme ses portes aux croyants ou qu’il affiche son athéisme en en faisant une question à part, ce serait complètement stupide. Mais pour paraphraser Lénine, c’est aux croyants d’assumer cette difficulté, avec tout le respect qu’on leur doit. Ce n’est pas aux révolutionnaires d’expliquer que cela n’a aucune importance.