C’est donc Éric Woerth, nouveau ministre du Travail, qui donnait lundi 12 avril le coup d’envoi de la contre-réforme libérale des retraites, lors d’une première réunion de « concertation » avec les « partenaires sociaux » reçus successivement rue de Grenelle.On nous dit qu’elle fut « tendue », les organisations syndicales refusant d’emblée le calendrier proposé par le gouvernement. Il est vrai que le Medef et l’UMP piaffent d’impatience et aimeraient bien liquider, au plus tard pour septembre, un des acquis fondamentaux du mouvement ouvrier, misant sur la période des vacances d’été et sur un mois de décervelage de masse à l’occasion de la coupe du monde de football pour faire leur hold up. Sarkozy a l’intention de faire de la contre-réforme des retraites le point d’orgue de son quinquennat.
Sa réélection s’avérant chaque jour un peu plus incertaine, ses jours à l’Élysée sont désormais comptés et il lui reste peu de temps pour mettre en œuvre une politique antisociale de « sortie de crise ». Seule sa capacité à mener à bien le dossier des retraites pourrait rehausser son image au sein d’une majorité lassée par les échecs répétés du gouvernement (travailler plus pour gagner plus, vaccins contre la grippe A H1N1, taxe carbone, bouclier fiscal…).
Mais Sarkozy et son gouvernement, qui viennent d’essuyer une cuisante raclée aux élections régionales, ne disposent pas d’une légitimité suffisante pour prétendre s’attaquer seuls à notre système de retraite. Celui-ci constitue, au-delà des conjonctures économiques, un bien commun à tous les salariés fondé sur la solidarité entre générations. Pour parvenir à ses fins, le pouvoir devra compter sur le ralliement d’une partie de la gauche libérale, notamment du Parti socialiste qui multiplie les discours contradictoires : Martine Aubry déclarait en janvier accepter le principe du départ à 61 voire 62 ans, pour être contredite quelques jours plus tard par Henri Emmanuelli qui voit là « un très mauvais signal, un très mauvais symbole ». Benoît Hamon, porte-parole du PS, récent signataire de l’appel Attac Copernic, s’est vu désavoué par sa direction nationale dimanche 11 avril.
Les déclarations du front unitaire des organisations syndicales – pourtant indispensable au lancement de la mobilisation – cachent mal la fragilité de cette unité et des orientations contradictoires présentes au sein de l’intersyndicale. Il faudra tôt ou tard que chacun exprime sa stratégie et ses exigences revendicatives face aux propositions gouvernementales et à la montée en puissance de la campagne médiatique libérale. C’est à un véritable travail de pédagogie populaire que les antilibéraux, les anticapitalistes et les équipes militantes de la gauche syndicale doivent se livrer sans tarder. Comme en 2005, lors du référendum sur le projet de Traité constitutionnel européen, nous ne devons pas craindre la confrontation avec les prétendus experts et les vrais gougnafiers qui vont polluer le débat !
Oui, nous mènerons de front la bataille d’idées avec une défense intransigeante des principales revendications que sont : le départ à 60 ans à taux plein, le retour aux 37, 5 annuités de cotisation que nous a volées Balladur, un taux de remplacement d’un minimum de 75 % du salaire, et pas de pension inférieure à 1 500 euros net par mois !
L’appel de la fondation Copernic et d’Attac signé par 400 personnalités : chercheurs, enseignants, économistes, philosophes, écrivains, militant-e-s politiques, associatifs, syndicalistes constitue une base solide pour créer partout des structures de mobilisation unitaires. [1]
Le NPA s’active d’ores et déjà à la mise en place de ces collectifs partout où il est présent. Il mettra également toutes ses forces pour faire du 1er Mai une journée de manifestations massives contre Sarkozy et son gouvernement, contre le racisme pour la régularisation des sans-papiers et pour la défense de nos retraites.
Non, nous ne battrons pas en retraite !
Alain Pojolat
* Paru dans Hebdo TEAN # 51 (15/04/10).
COR : UN RAPPORT POUR DÉTRUIRE LA RETRAITE À 60 ANS
COMMUNIQUÉ DU NPA
Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) vient de rendre public son dernier rapport.
A en croire le COR, le déficit du système de retraite va se creuser. En 2030 il manquerait 56 milliards et en 2050 en cumulant les déficit, se serait 77% du PIB soit 2.600 milliards. Ces chiffres sont destinés à alimenter la peur et à justifier les exigences du Medef, le discours idéologique ambiant sur l’urgence d’une réforme qui augmenterait la durée de cotisations, et le report de l’âge légal de départ en retraite. Mais quelle crédibilité peuvent avoir des projections à si long terme !
Le COR confirme que la situation va se dégrader en 2009 et 2010, dégradation due à la crise du système capitaliste. La question est donc de savoir qui va payer la crise. Pour le NPA, ce n’est pas aux salariés, à la population de payer la facture de la crise dont ils ne sont en rien responsables. Oui, il faut augmenter les ressources des régimes des retraites mais le recul de l’âge légal de départ en retraite, comme le veut le gouvernement, ne répondra en rien à ce problème.
Pour le NPA, d’autres choix sont possible. Il faut répartir autrement les richesses. C’est 170 milliards d’euros qui passent chaque année de la poche des salariés dans celle des capitalistes à cause d’une répartition capital-travail dégradé depuis les années 80.
Augmenter les salaires de 300 euros net, c’est 66 milliards d’euros pour la sécurité sociale dont 31 milliards pour les retraites. Augmenter les cotisations patronales, taxer les revenus financiers, les stocks-options, ce qui permettrait de remplir aisément les caisses de la sécurité sociale de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Donner du travail à 5 millions de chômeurs apporterait 65 milliards d’euros à la protection sociale.
Prendre sur les profits pour profiter de nos retraites, diminuer le temps de travail pour permettre aux 5 millions de chômeurs de travailler tous voilà les vraies mesures que nous devons porter dans la confrontation qui s’annonce. Notre retraite, on la veut à 60 ans, à taux plein et pas à moins de 1500 euros nets par mois. Notre retraite, on se battra pour la garder !
Le 15 avril 2010.
CUMUL EMPLOI-RETRAITE, LA DOUBLE PEINE !
Dans le contexte d’aggravation des inégalités au sein de la société, de plus en plus de travailleurs à la retraite voient leur situation se dégrader.
Avec l’augmentation des prix, en particulier de l’énergie, et la stagnation du niveau des pensions, de très nombreux retraités basculent dans la pauvreté. Cette situation a été pointée par des associations caritatives comme les Restos du cœur, qui ont remarqué l’arrivée de cette nouvelle catégorie. Pour pouvoir s’en sortir, ils sont de plus en plus nombreux à reprendre une activité salariée.
Depuis le 1er janvier 2009, les règles qui encadraient le cumul d’une pension de retraite et d’une activité salariée ont été considérablement assouplies. Le nouveau cadre législatif incite fortement les salariés à poursuivre leur activité, en mettant en place une surcote annuelle de 5 % au-delà de 60 ans, et facilite le retour de ceux qui ont déjà liquidé leur pension. Si l’on ajoute à cette libéralisation du cumul emploi-retraite la mise en place du statut de l’auto-entrepreneur et le marché des services à la personne, nous avons là tous les ingrédients d’un scénario à l’américaine pour les prochaines années : des pensions ridiculement basses contraignant la majorité des retraités à travailler, ce qui aura pour effet de renforcer la concurrence sur le marché de l’emploi ! Déjà, de nombreux sites internet se sont spécialisés dans les annonces de jobs pour seniors.
On voit donc combien la prétendue négociation en cours au sujet de la réforme des retraites est un véritable jeu de dupes. En aucun cas le gouvernement et le patronat n’ont l’intention de sauver un système de répartition qui cumule deux fautes impardonnables à leurs yeux : fonctionner sur un principe de solidarité et soustraire des milliards d’euros à la valorisation du capital. Par petites touches, ils sont déjà parvenus à saper les fondements du système, dont le principe élémentaire était de pouvoir vivre après une vie de labeur. Mais pour le capital, il ne doit y avoir aucune pause dans la production de valeur : un bon travailleur est un travailleur qui travaille… jusqu’au bout. Et c’est bien le sens de la proposition du ministre de l’Éducation nationale, Luc Chatel. Lorsqu’il a déclenché la polémique au sujet du recours à de « jeunes retraités » enseignants pour assurer le remplacement de leurs collègues, il l’a fait en connaissance de cause. L’idée avait déjà été évoquée à l’occasion de l’instauration du service minimum dans le primaire. Il ne s’agit donc pas de provocations, mais d’un projet politique : la mise en concurrence généralisée de tous les salariés. Les seuls qui pourront bénéficier d’une retraite seront ceux qui l’auront méritée, c’est-à-dire ceux qui auront confié leurs économies aux multinationales de l’assurance, comme nous le conseille Zinedine Zidane dans une publicité particulièrement touchante !
Mais ce phénomène de reprise d’activité ne s’explique pas uniquement pour des raisons financières. Pour beaucoup de salariés, si le départ à la retraite est un soulagement par rapport à la charge de travail et aux pressions quotidiennes, c’est souvent dans le même mouvement une rupture. C’est tout un cadre social qui disparaît : la pause café, les blagues avec les collègues, l’entraide, la solidarité, un sentiment d’utilité… La discussion doit également porter sur notre vision de la société et sur les alternatives que nous devons construire pour briser l’hégémonie de la condition salariale, qui a envahi l’ensemble de l’espace public. Alors que, dans ce système, la valeur d’un individu se résume à ses capacités physiques et intellectuelles de production, il est essentiel de mettre en avant un projet de société où chaque individu puisse trouver sa place, en dehors des catégories binaires actifs/inactifs. Ce débat doit être au cœur de la mobilisation contre les projets du gouvernement et du Medef.
Henri Clément
* Paru dans Hebdo TEAN # 50 (08/04/10).
PAS TOUCHE AU RÉGIME DE RETRAITE
COMMUNIQUÉ DU NPA
La réforme du système de retraite annoncée pour septembre prochain fait partie du noyau dur des contre-réformes de Sarkozy. Elle n’aura pas le sort réservé à la taxe carbone, à savoir la poubelle. Ce qui veut dire que l’épreuve de force est inévitable si on veut défendre un type de société où les salariés ne soient pas obligés de travailler jusqu’à 70 ans, voire plus, faute d’une pension suffisante.
Actuellement, plus d’un million de retraités vit sous le seuil de pauvreté et 50% d’entre eux touchent moins de 1000 euros par mois.
Les différentes réformes du système de retraite, depuis 1993, ont eu comme conséquence une baisse significative du montant des pensions versées aux retraités, notamment pour les femmes.
L’argument démographique et le problème du financement ne sont utilisés que pour justifier une augmentation de la durée de cotisations, et un report de l’âge légal de départ en retraite.
Les fonds de pension sont à l’affut. Ils intriguent pour que la capitalisation individuelle se substitue à la répartition fondée sur la solidarité intergénérationnelle.
La question fondamentale c’est celle de la répartition des richesses. Celles-ci vont doubler en 40 ans et passer de 1700 à 3400 milliards d’euros. Du travail pour les 5 millions de chômeurs et 300 euros d’augmentation de salaires c’est plus de 30 milliards d’euros pour les retraites.
C’est pourquoi, il est possible de maintenir la retraite à 60 ans, avec un taux de remplacement de 75% pour 37, 5 annuités pour tous et toutes.
Le 23 mars a été une première riposte. L’appel « Faire entendre les exigences citoyennes sur les retraites » à l’initiative de la Fondation Copernic et d’Attac, qui refuse cette nouvelle contre-réforme annoncée, a été signé par près de 400 personnalités politiques, syndicales, associatives, des économistes, des intellectuels.
Les échéances politiques se rapprochent.
Il est plus que temps de mettre sur pied un plan de mobilisation générale sur la durée pour défendre la retraite par répartition, refuser le report de l’âge légal de départ en retraite et toute allongement supplémentaire de la durée de cotisation.
Le 9 avril 2010.
RETRAITES : URGENCE
La course de vitesse est lancée pour la contre-réforme des retraites. Le 12 avril, Éric Woerth commencera les réunions bilatérales avec les confédérations syndicales et le Medef. Le 14, le Conseil d’orientation des retraites (COR) rendra public son rapport.
Réunies une nouvelle fois le 29 mars, la CGT, la CFDT, Solidaires, la FSU, l’Unsa, la CGC et la CFTC ont décidé d’interpeller les salariés et le gouvernement sur les questions des salaires, de l’emploi et des retraites au travers d’une journée nationale de mobilisation le 20 avril. Sûr que Sarkozy et Fillon ne vont en pas en dormir...
Et pourtant il y a urgence. Depuis des années, patronat et gouvernement martèlent l’idée que le déficit des caisses de retraites et l’allongement de la durée de la vie rendent inévitables l’augmentation de la durée de cotisation et le report de l’âge légal de départ en retraite. Il faut donc à la fois convaincre que l’augmentation des salaires et la suppression du chômage permettent de résoudre la question et que seule la mobilisation permettra de stopper un gouvernement qui fonce malgré son discrédit.
Encore faut-il en être convaincus. Ce qui n’est pas le cas de la CFDT, la CGC et la CFTC qui ne sont pas contre une modification du système de répartition en introduisant différentes formes de capitalisation. Encore faut-il être convaincant. Ce qui n’est pas le cas de la CGT, de FO ou de la FSU qui, tout en acceptant le débat anesthésiant voire mortifère dans le COR, ne préparent pas, ne construisent pas la mobilisation indispensable.
Il est inacceptable de laisser les structures syndicales locales prendre seules des initiatives décentralisées. Il faut se fixer l’objectif d’une vingtaine de gros meetings ou rassemblements à l’initiative de toutes les organisations, partis, associations, militants décidés à s’engager dès maintenant dans l’indispensable « tous ensemble », vers une mobilisation et une grève générales. Le refus de l’allongement de la durée de cotisation et du report de l’âge légal de départ constituent une base minimum de construction de cette mobilisation.
Robert Pelletier
* Paru dans Hebdo TEAN # 50 (08/04/10).