En réaction aux violences à l’égard des femmes de Hassi-Messaoud, naissance du collectif Défense et solidarité
"L’objectif est d’interpeller les pouvoirs publics pour “protéger les citoyens, quels que soient leur sexe et l’endroit où ils se trouvent, pour que ces femmes soient protégées par les lois de leur pays”.
Une quinzaine d’associations et d’organisations de la société civile, dont la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH), le réseau Wassila, l’association Djazaïrouna, le collectif Femmes printemps noir et l’association de défense des libertés syndicales, ont fondé récemment un collectif Défense et solidarité (CDS), à la suite des agressions commises contre des femmes travaillant à Hassi-Messaoud. “Nous interpellons les pouvoirs publics pour protéger les citoyens, quels que soient leur sexe et l’endroit où ils se trouvent, pour que les femmes soient protégées par les lois de leur pays”, a déclaré hier la porte-parole du CDS, Chérifa Bouatta, lors d’une conférence de presse à Alger, au siège de la LADDH.
Cette dernière, se référant aux lois sur la liberté de circulation, a déploré que des femmes soient vues comme “des citoyennes de seconde zone qu’on peut lyncher”. Mme Bouatta a également observé que les personnes ciblées à Hassi-Messaoud sont pour la plupart des femmes de ménage qui travaillent pour venir en aide à leur famille. “Elles sont punies pour avoir eu cette liberté de travailler dans une autre région, parce qu’elles essaient de gagner leur vie”, a poursuivi la psychologue. Pour cette dernière, ce qui se passe à Hassi-Messaoud est “le symptôme de ce que vivent les femmes en Algérie”. Plus encore, la porte-parole du CDS a laissé entendre que la chasse faite aux femmes par des hommes armés de couteaux, barres de fer, sabres et bâtons, qui attaquent leurs domiciles, les frappent, les humilient et volent leurs biens, “peut se reproduire n’importe où”. C’est la raison pour laquelle les pouvoirs publics doivent intervenir, selon elle, pour mettre fin à “l’impunité et la banalisation des violences contre les femmes”. “La loi et les sanctions doivent s’appliquer devant ce type de délits”, a insisté Mme Bouatta.
La base pétrolière de Hassi-Messaoud, un des endroits les plus sécurisés du pays, pour rappel, est le théâtre de violences, depuis mars dernier, contre 12 femmes travailleuses, venues des différentes régions d’Algérie et vivant dans des habitations précaires. Dans une lettre ouverte interpellant le wali de Ouargla, les victimes ont fait part de “l’absence de sécurité” et demandé à ce dernier de “prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des citoyennes de Hassi-Messaoud et celle de leurs biens”.
Profondément choqués par ces événements qui s’inscrivent en porte-à-faux avec la Constitution sur le chapitre de la sécurité des citoyen(ne)s, les membres du collectif Défense et solidarité ont assuré, dans une déclaration transmise à la presse, que le martyre subi par ces travailleuses est “la répétition macabre des événements de 2001”, lorsqu’une horde de 300 hommes avait attaqué une centaine de femmes, dans le quartier populaire El-Haïcha, à Hassi-Messaoud, en leur faisant subir les pires atrocités. Pour le CDS, ce lynchage des femmes rappelle étrangement “les viols collectifs des femmes” perpétrés par les terroristes, durant la décennie sanglante. Pis, cette “répétition et continuité de violation des droits de la personne humaine” sont rendues possibles par “l’absence de l’État et des institutions censés protéger les citoyennes et les citoyens”. Hier, Chérifa Bouatta a déclaré que son collectif veut s’inscrire dans la durée et reste attaché à l’idée de constitution d’un “observatoire pour produire des études et de la solidarité, en matière de respect des femmes en Algérie”.
“Le collectif s’intéresse à ces femmes et réfléchit à des actions avec ces femmes”, a-t-elle expliqué, en précisant que le CDS veut être “une instance de veille”, ouvert à d’autres associations et structures, pour interpeller l’État sur ses devoirs en matière de protection des femmes. Cela même si les pesanteurs sociologiques et les pressions sont bien réelles dans la région de Hassi-Messaoud.
Hafida Ameyar
* Source : Lundi 26 avril 2010, Liberté.
Algérie : nouvelles initiatives après les agressions d femmes dans le Sud
Affaire des femme agressées à Hassi Messaoud : Vers un observatoire de veille pour alerter sur les dénis de droit.
Le comité de solidarité avec les femmes violentées à Hassi Messaoud annonce son intention de se restructurer en instance ou observatoire de veille pour alerter sur les violences à l’égard des femmes et les dénoncer. Composé d’une quinzaine d’associations de défense des droits de l’homme en général et des droits des femmes en particulier, ce comité exige de l’Etat qu’il assume son devoir de protection des travailleuses…
Réunies autour d’un collectif de soutien aux femmes violentées à Hassi Messaoud, une quinzaine d’associations ont décidé de se restructurer en une instance de veille chargée d’alerter sur les violences à l’égard des femmes. C’est ce qu’a annoncé Mme Cherifa Bouatta, de l’Association de défense et de promotion des droits des femmes (ADPDF), porte-parole du comité, lors d’une conférence de presse animée hier au siège de la Ligue algérienne des droits de l’homme à Alger. « Choqués par les violences subies par les femmes travailleuses et par l’inertie des forces de l’ordre qui n ’ont pas protégé les victimes, nous avons tenu d’abord à exprimer à celles-ci notre entière solidarité et estimé qu’il était important d’inscrire notre action dans la durée et la pérennité », a déclaré Mme Bouatta.
Ces femmes, sans défense, a-t-elle souligné, ont été lynchées, battues, volées, violentées, terrorisées et leurs maisons saccagées. Dans leur majorité, elles travaillent comme femmes de ménage ou secrétaires dans les compagnies pétrolières et habitent seules ou avec leurs enfants dans des quartiers périphériques. « L’impunité qui a régné en 2001 (lors des attaques qui ont ciblé des femmes à Al Haïcha, toujours à Hassi Messaoud), a engendré la récidive en 2010. Ces femmes sont des citoyennes à part entière et elles ont le droit d’aller où elles le veulent. L’Etat a le devoir de les protéger. Elles vivent dans la terreur juste parce qu’elles ont eu le courage d’aller à la recherche d’un emploi et d’arracher leur liberté d’aller travailler ailleurs que chez elles », a déclaré la conférencière.
Elle a noté, cependant, que depuis que les policiers font des rondes dans les quartiers, les attaques ont cessé et les femmes ont retrouvé leur quiétude. « Pour nous, il est important que la sécurité soit assurée pour tous les citoyens, quels que soient leur sexe ou leur statut. Il n’est pas dit que les femmes ne doivent pas aller travailler à Hassi Messaoud. Les victimes sont issues de familles très pauvres et elles-mêmes vivent dans des conditions très précaires. Nous avons l’impression que les femmes sont considérées, dans toute la société algérienne, comme des citoyennes de seconde zone. Pourtant, leurs droits à un travail et à la libre circulation sont garantis par la Constitution. » Mme Bouatta a précisé en outre que les victimes « sont encore sous le choc », subissant « de graves pressions psychologiques » et refusant d’être exposées de peur de perdre leur poste de travail. « Ce qui nous a poussés à lancer d’abord un comité et à le restructurer en instance ou observatoire de veille pour alerter sur les violences à l’égard des femmes où qu’elles surviennent, les dénoncer et interpeller les pouvoirs publics, auxquels il appartient d’assurer la protection de tous les citoyens. Il ne faut plus revivre de telles violences. Les rescapées d’Al Haïcha vivent toujours, neuf ans après, le traumatisme de ces agressions », a relevé la conférencière. Celle-ci s’est interrogée sur le silence de certains médias et surtout de l’Etat, en dépit du fait que l’affaire est devenue une actualité internationale.
« Notre ambassadeur à Paris a été saisi par écrit à la suite d’une manifestation de solidarité avec les victimes, la commissaire des droits de l’homme auprès de l’Onu a, elle aussi, été interpellée, alors que le Bureau international du travail (BIT) a été saisi et aucune réaction ici, en Algérie, comme si la question ne concernait pas nos responsables », a souligné Mme Bouatta, précisant que les associations et la presse ont le devoir d’alerter et d’informer et non de protéger les citoyens, une tâche que doit assumer l’Etat. « Nos actions seront axées surtout sur l’alerte et la solidarité envers les victimes, afin que plus jamais ce genre de violences ne soient commises », a conclu la conférencière.
A signaler que ce comité est composé des représentants du réseau Wassila, de l’Association pour la défense et protection des droits des femmes (ADPDF), de l’Association pour l’émancipation des femmes (AEF), de l’Association du planning familial (APF), de l’Anadde, de l’Atustep, d’Amusnaw, de l’Association d’aide aux victimes de violence femmes et enfants (Avife), du Centre d’information et de documentation des droits des femmes et des enfants (Ciddefe), du Collectif des femmes du printemps noir, de Djazaïrouna, de Femmes en communication (FEC), des Femmes PLD, de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH), de Rachda, de SOS Femmes en détresse, de Tharwa Fatma n’Sumer, de l’Association de défense des libertés syndicales. Une liste qui reste ouverte, y compris aux personnalités, selon son porte-parole.
Par Salima Tlemçani
* Source : El Watan, 26 avril 2010.