MMF : « TANT QUE TOUTES LES FEMMES NE SERONT PAS LIBRES, NOUS MARCHERONS ! »
La Marche mondiale des femmes (MMF), qu’est-ce que c’est ? Depuis quand existe-t-elle ?
Nelly Martin — L’idée a été lancée fin 1998 par des féministes québécoises. Elles proposaient de créer un mouvement féministe mondial antipatriarcal, antilibéral et anticapitaliste. Vu le nombre de pays qui ont répondu à cet appel (82 en 2000) et le succès des marches de 2000 et 2005, cela correspondait à un vrai besoin, je crois. Pour nous, être en marche exprime l’idée d’avancer librement, sans contraintes ni empêchements. Nous sommes en marche pour dire la force des femmes organisées de manière collective, avec des expériences, des cultures politiques, des origines différentes, mais qui poursuivent un objectif commun : dépasser l’ordre actuel injuste qui engendre violences et pauvreté. Notre marche exprime également notre solidarité internationale et le fait que nous sommes vigilantes vis-à-vis des situations vécues par les femmes dans toutes les régions du globe.
Quelles sont les thèmes de la Marche en 2010 ?
Cette année, nous avons travaillé sur quatre champs d’action : biens communs et services publics ; paix et démilitarisation ; travail des femmes et autonomie financière ; violences envers les femmes. La diversité de nos thèmes prouve que la MMF souhaite partager ses
préoccupations avec des associations et organisations moins acquises a priori à la question du droit des femmes. Nous travaillons ensemble sur des textes et des propositions de revendications.
Quelles sont les spécificités et les enjeux de la MMF cette année en France ?
Il y a la crise, bien sûr, dont le système capitaliste se fait fort de profiter pour rogner un peu plus nos acquis. Les prétendues solutions que veulent y apporter nos gouvernements pourraient rendre la situation des femmes encore plus critique qu’elle ne l’est aujourd’hui, en aggravant la précarisation, le chômage et la privatisation des services publics, notamment.
Nos droits acquis sont en très grand danger ! Pensons aux fermetures de centres d’IVG qui menacent le droit des femmes à avorter dans de bonnes conditions et dans les délais. Pensons aux essais de casse du service public de la petite enfance : crèches, maternelles... Pensons aux attaques sur les retraites, déjà bien maigres pour une majorité de femmes abonnées aux emplois les moins bien payés et les plus précaires. Combien de femmes pauvres en plus, à faire les fins de marché, alors qu’elles auront travaillé toute leur vie, dans et hors la maison. Pensons aussi aux violences faites aux femmes, alors qu’une loi est en passe d’être votée à l’Assemblée nationale, une loi poussée par le Collectif national Droits des femmes, qui représente sans doute une avancée mais oublie les moyens financiers permettant son application. Nous devons aussi nous battre contre la montée des intégrismes religieux en réaffirmant notre attachement à la laïcité, seule capable de garantir le respect des droits et des libertés des femmes.
Quelles sont les échéances prévues ?
En France, nous aurons un évènement en trois parties à Paris les 12 et 13 juin : un forum national « Femmes en marche, femmes en luttes », à la salle des fêtes de Montreuil, du samedi matin au dimanche après-midi ; une manifestation nationale le samedi à 16 heures, place de la République ; un concert et banquet féministe à partir de 18 h 30, place de Stalingrad.
L’action européenne de la MMF se tiendra le 30 juin, à Istanbul, en Turquie. Il y aura un forum de discussion traitant des quatre champs d’action de la Marche, des expositions sur les luttes des femmes turques et kurdes, des actions auprès des médias et une manifestation à 19 heures dans les rues d’Istanbul.
La mobilisation mondiale de clôture se tiendra en Afrique, à Bukavu en République démocratique du Congo (RDC), un pays rongé par les conflits guerriers et où la situation des femmes a depuis longtemps atteint l’intolérable. La coordination congolaise propose deux journées consacrées à des débats sur les quatre thèmes, une journée de foire pour la souveraineté alimentaire, une journée de marche contre la guerre et pour la paix. Les activités comprendront la plantation d’arbres et l’inauguration d’un mémorial en hommage aux femmes victimes de la violence en RDC, surtout à celles enterrées vivantes dans le territoire de Mweda (Kasika). Des délégations limitées par pays se rendront au Congo pour atteindre environ 1 000 femmes, mais il semble maintenant qu’il pourrait y avoir plus de monde. La délégation européenne est de 40 femmes dont six françaises.
Propos recueillis par Lisbeth Sal et Odile Cointet