Magnifique ouvrage choral, ce recueil de portraits-entretiens, joliment illustré, est dû à l’initiative de l’AFASPA (Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique). Ouvert sur une série de poèmes rendant hommage à la femme africaine, il place en exergue un très beau texte de Thomas Sankara. Eclairage nécessaire sur des femmes courageuses qui n’hésitent pas à relever des challenges, souvent au prix de leur liberté, de leur vie parfois.
Qu’elles soient syndicalistes, artistes, magistrates, citadines ou rurales, elles font part de cette réflexion personnelle qui les a menées à la prise de conscience puis au combat contre l’intolérable des préjugés et pesanteurs, au terme d’un parcours de tous les dangers, économiques, politiques, sociaux ou encore liés au poids d’une tradition paradoxalement défendue par d’autres femmes. Elles s’illustrent dans les domaines les plus variés pour mettre leurs compétences, leurs talents au service de l’évolution de la société toute entière. Education, car « c’est l’ignorance qui permet l’absence d’existence de la démocratie » (Angélique Kidjo), santé, environnement, culture, sports, politique, droit, c’est en investissant ces secteurs clés qu’elles mènent la lutte pour l’émancipation.
Ce livre témoigne de l’énergie de ces femmes remarquables et pleines d’humilité, à l’image d’Aïsha Dabale, qui milite à Djibouti contre les mutilations sexuelles et l’impunité des crimes viols dans les conflits armés. Ou encore d’Aminatou Haidar, figure emblématique du combat du peuple Saharaoui, lauréate en 2009 du Civil Courage Prize. C’est avec plaisir qu’on retrouve Madjiguène Cisse, animatrice charismatique et intègre du mouvement des sans -papiers de Saint Bernard en 1996-1997. Revenue au Sénégal en 2000, cette enseignante d’allemand, marxiste, féministe, mère de 3 filles, met toute son énergie au service du Réseau des Femmes pour le Développement durable en Afrique. Et on se souvient de la bouleversante Miriam Makeba, légende de la musique, succombant à une crise cardiaque lors d’un concert en 2008. Mama Africa, comme elle a été affectueusement surnommée, militante de la lutte anti-apartheid, qui attendra 62 ans avant de pouvoir profiter du droit de vote pour lequel elle s’est battue. Femme de convictions, compagne de Stokeley Carmichaël, leader du Black Power, elle a consacré la fin de sa vie à sortir de la rue et de la violence des adolescentes en grande difficulté en les initiant à la musique, la danse et au théâtre.
31 pays, 73 femmes, autant de bonnes raisons de parcourir ce livre vivifiant. Anonymes ou médiatiques, ces actrices de leur destin délivrent une parole forte, émouvante, sensible et audacieuse, en toute confiance avec leurs interlocuteurs, dont la délicieuse et infatigable Michèle Decaster, secrétaire nationale de l’AFASPA. En annexe de l’ouvrage figure le Protocole relatif aux Droits de la Femme en Afrique, intégré en 2005 à la Charte des droits de l’Homme et des Peuples.
Très loin des clichés folkloristes empreints de nostalgie coloniale, dans le refus de l’ignorance, des réflexes obscurantistes et de toute posture victimaire, les femmes mises à l’honneur dans cet album démontrent l’essentialité de leurs actions au quotidien et l’urgence de leur participation dans tous les lieux de décision.
Gisèle Felhendler
Editions Tirésias 25 euros.