Proposition de motion sur le NPA et la religion
Les différents textes échangés et discussions autour de cette question nous ont convaincus que la crise ouverte par la présentation d’une candidate voilée aux régionales participait de la crise globale que connaît le projet du NPA, une crise d’identité. Ils nous ont convaincus que traiter cette question sous l’angle statutaire serait une erreur comme de la traiter sous l’angle de réponses formelles qui ne viseraient pas à définir une démarche collective, politique.
La façon dont le congrès doit aborder cette question s’inscrit dans l’objectif central de notre premier congrès, définir une cohérence politique à partir de la confrontation entre les principes fondateurs de notre projet et l’expérience des 18 mois écoulés pour définir une orientation, une démarche politique qui nous réunissent.
La présentation d’une candidate voilée a provoqué une crise parce qu’elle apparaissait comme contraire à notre socle commun, par la méthode de mise du parti devant le fait accompli niant la démocratie et la nécessaire transparence qu’elle exige, parce que contraire à notre combat féministe, à la solidarité internationaliste avec les femmes et les hommes qui luttent pour les droits démocratiques des femmes,pour l’égalité des sexes, parce que contraire aux idées qui fondent le socialisme et le communisme.
Ces principes qui sont à la base de notre projet commun s’inscrivent dans une politique démocratique et de solidarité avec les opprimés contraire à toutes formes de communautarisme, de xénophobie et de racisme.
Nous avons voulu soumettre à la discussion une démarche qui lie nos principes à la politique démocratique et révolutionnaire qui visent à les mettre en œuvre, à les faire vivre dans notre activité quotidienne au sein des classes populaires.
Cathy (93), Isabelle (33), Yvan (91)
Motion sur le NPA et la religion
Lors des dernières élections régionales, la décision du comité des quartiers populaires du Vaucluse de présenter une candidate portant le voile a divisé notre parti, suscité un large désaveu en particulier parmi le mouvement féministe. Le congrès saisi de cette question tient d’abord à rappeler que l’autonomie des comités exige, en même temps, une pleine transparence des décisions à tous les niveaux du parti et désapprouve les manquements à la démocratie qui ont eu lieu à cette occasion à tous les niveaux de directions.
Cette motion obéit à une préoccupation limitée, définir une démarche collective sans chercher, bien évidemment, à trancher les débats autours des questions de l’origine des religions, de leur place dans les sociétés du XXIiéme siècle, des rapports des opprimés à elles…
Le but de notre parti qui conditionne sa politique quotidienne est l’émancipation de l’humanité, le socialisme. Le socialisme renvoie à une conception matérialiste de l’évolution des sociétés humaines, de l’histoire, fruit de la lutte et du travail des hommes pour conquérir la maîtrise de leur vie individuelle et sociale. Il s’inscrit dans un mouvement d’émancipation des préjugés et croyances religieuses, fruit des limites des connaissances humaines, de l’ignorance et de l’oppression. Il place au cœur de sa lutte l’égalité entre tous les êtres humains quelles que soient leurs origines, l’égalité entre les sexes.
La lutte contre l’idéologie et la morale des classes dominantes passe par la lutte contre l’influence des religions, leur instrument essentiel.
La laïcité fait partie intégrante de notre programme. Elle considère la religion comme une affaire privée et s’oppose à toute aide de l’Etat aux religions comme à leurs « appareils » comme à toute ingérence des religions dans les affaires de l’Etat.
Ce principe de laïcité vaut pour la société dans son ensemble, il ne s’applique pas mécaniquement à notre parti, libre association de femmes et d’hommes réunis par une même conception et perspective, le socialisme.
Ceci dit, le NPA est ouvert à des personnes croyantes. Elles peuvent le rejoindre si elles en partagent le programme et en connaissent les fondements. Elles en sont alors membres à part entière à égalité de droits. Ces droits sont aussi les devoirs de la démocratie. Ces devoirs impliquent de respecter les fondements mêmes de ce qui nous réunit. Cela interdit toute forme de prosélytisme religieux ou, pour celles et ceux qui sont appelées à représenter notre parti, d’arborer un signe religieux visible ou le port du voile, non seulement symbole religieux mais surtout d’oppression des femmes.
Notre travail politique, notre intervention dans les quartiers populaires, en particulier au sein des catégories de la classe ouvrière les plus exploitées issues de l’immigration, participe d’une conception démocratique, laïque de la politique, de la vie de la cité. Elle vise à unir les classes exploitées et s’inscrit dans la perspective du socialisme.
NE PAS SE TROMPER DE DEBAT !
Dans un document de travail proposé au CPN, quelques camarades du CE ont rédigé un projet de motion à propos du débat « religion et émancipation » qui « pourrait éventuellement être soumis au vote ». Dans leur texte, il est d’ores et déjà établi que les votes du congrès porteront sur des points « précis et limités ». Nous contestons cette proposition qui, si elle devait être adoptée, ne ferait qu’aggraver les tensions internes au sein du parti et ne permettrait pas d’envisager un débat serein sur la question de la religion. On voudrait, au moyen de quatre votes proposés pour le congrès du NPA, trancher par avance le débat, en poussant vers la porte des camarades qui, déjà en proie à l’islamophobie ambiante, pourraient à juste titre se sentir stigmatisés par l’énoncée même des votes proposés :
– La seule religion dont il est explicitement question dans le texte est l’Islam évoqué dans la deuxième proposition de vote (sens politique du voile islamique). Il n’y aurait donc pour ces camarades que le foulard islamique qui leur pose problème ? Le turban des sikhs, la kippa des juifs ou la croix des chrétiens auraient-ils un sens politique moindre ? De surcroit, cette proposition est doublement discriminatoire puisqu’elle vise exclusivement les femmes musulmanes. Et les hommes alors ? Interdirions-nous l’adhésion au NPA des travailleurs sans-papiers africains, musulmans pratiquants pour la plupart ?
– L’impossibilité de représenter publiquement le NPA pour des militant-e-s arborant des signes religieux visibles : dans la mesure où toutes et tous les militant-e-s du NPA sont amenés à représenter le parti (sur leur lieu de travail, lors d’une diffusion de tracts, lors d’une manifestation, etc.), Il faudrait peut-être déjà nous dire si la question ne porte que sur la représentation aux élections politiques. Si tel était le cas, cela voudrait dire que nous considérons qu’il existe deux statuts au sein du NPA, celles et ceux qui peuvent représenter le parti dans la vie quotidienne de l’organisation : vente du journal, présence aux manifestations et dans les luttes, et une élite qu’on présenterait aux élections. Si une telle proposition était maintenue, et devait se traduire par un article additif à nos statuts, le NPA serait, vérification faite, la première organisation ouvrière à établir des critères discriminants liés à une appartenance religieuse. Nous aurions l’air malins si la HALDE était saisie d’une plainte pour discrimination ! Il ne faut certainement pas entrer dans un tel débat, et se contenter, raisonnablement, des modes de désignation démocratiques qui existent déjà dans nos statuts.
– La volonté d’adopter une analyse sur la religion : voter sur le « sens politique du foulard islamique » ou plus généralement « préciser notre conception de la laïcité » au-delà de celle déjà inscrite dans les principes fondateurs actuels (qui condamnent l’intégrisme, les institutions religieuses, et l’instrumentalisation des religions pas les Etats) reviendrait à faire de ces analyses un préalable à l’intégration du parti, excluantes de fait pour les croyant-e-s.
La seule question que le parti doit donc réellement trancher est la possibilité - ou non - pour des croyant-e-s de militer au NPA, y compris lorsqu’ils portent un signe religieux visible.
En place d’un débat délibérément conflictuel, nous préférerions de vrais échanges dont le NPA a besoin dans la situation politique actuelle, marquée par la montée en puissance des effets de la crise, des risques de replis nationalistes, de racisme et de xénophobie. En France, le racisme prend aujourd’hui la forme d’un développement inquiétant de l’islamophobie et prend pour cible la jeunesse des quartiers populaires. Nous avons un devoir d’analyse de cette réalité qui nous permette de ne pas passer, une nouvelle fois, à côté des explosions sociales à venir comme ce fut le cas en 2005. Pendant deux longs mois, la gauche et l’extrême-gauche, totalement impuissantes, sont restées les spectatrices médusées d’un affrontement entre l’appareil répressif de l’état (flics et juges) et la jeunesse des quartiers populaires sans même se mobiliser réellement contre un couvre-feu qui a duré 45 jours. Nous devons nous mettre au travail…et vite !
Vanina Giudicelli - Danièle Obono - Alain Pojolat.
(membres du Comité exécutif)
Réponse à Alain P. et Vanina, à propos du débat « religion et émancipation »
Par bien des aspects, le texte « Ne pas se tromper de débat » nous semble légitimer la démarche proposée dans le document de travail envoyé dans le BI numéro 1.
Tout d’abord, tout en récusant le mode d’emploi proposé, Vanina et Alain se prononcent en fait, explicitement ou en creux, sur l’ensemble des questions dont nous considérons non seulement qu’elles sont en débat mais encore qu’elles doivent être tranchées au congrès.
Si nous comprenons bien les camarades :
– nous sommes un parti laïc au sens des principes fondateurs qui n’ont nul besoin d’être précisés
– le foulard islamique constitue un signe religieux visible comme un autre
– la possibilité de représenter publiquement le NPA est automatique et non problématique, dès lors, et c’est leur souhait, qu’on accepte l’adhésion de militant.e.s portant des signes religieux visibles.
Nous ne donnons pas tout à fait les mêmes réponses aux questions posées, nous y reviendrons.
D’autre part, sous couvert de ne pas aggraver les tensions internes, la démarche proposée risque de produire l’effet exactement inverse. En effet, la seule manière de résoudre les tensions est d’avoir le débat sur l’ensemble des aspects et de trancher ceux qui engagent la possibilité d’un « vivre ensemble » dans le NPA, sur la base d’une identité militante commune. Or la proposition d’Alain et Vanina signifie en réalité acter ce qui fut, lors de la campagne des régionales, un fait accompli. Alors même que l’adhésion de militant.e.s portant des signes religieux visibles pouvait faire débat, on est passé directement à la représentation publique. Maintenant, il s’agit pour les camarades de résumer le débat à un de ses aspects, celui de l’adhésion. Cette position risque fort de provoquer un net durcissement de la position de celles et ceux pour qui l’adhésion n’est envisageable que si le parti se donne un minimum de garanties collectives empêchant un nouveau scénario à la vauclusienne. Mais surtout, elle repose sur un raisonnement qui à notre avis ne tient pas, et semble vouloir esquiver le débat de fond. Il n’y a pas d’automaticité entre l’adhésion et la représentation publique du parti. Ne s’agit-il pas, dans tous les cas, d’une affaire d’opportunité politique associée à des qualités personnelles ? Enfin, peut-on vraiment prétendre qu’Ilham soit, durant la campagne, demeurée « une candidate parmi d’autres » ? C’est bien en vertu du signe religieux qu’elle porte qu’elle a été mise en avant par certain.e.s camarades.
Sur le fond maintenant. De notre point de vue :
– le NPA est laïque, au sens où les croyant.e.s, agnostiques ou athées doivent pouvoir cohabiter dans la mesure où il y a accord entre tous et toutes sur son programme anticapitaliste, antiraciste, écologiste, internationaliste et féministe. C’est faire le choix d’unifier l’ensemble des exploités et des opprimés des deux sexes, sur ce programme, en refusant les divisions en termes de communautés religieuses. Cela interdit notamment que le NPA fasse le choix d’organiser certaines catégories de la population en tant que membres de telle ou telle communauté religieuse.
– Le foulard islamique n’est pas un signe religieux comme un autre. Il est en tant que tel une manifestation de l’oppression des femmes, quel que soit le sens que lui donnent individuellement les femmes qui le portent. En ce sens il constitue un problème au regard de notre projet féministe.
– Pour ces deux raisons, (laïcité et féminisme) la question de la représentation publique du parti se pose pour le foulard. L’expérience pratique que nous avons faite en a été la preuve. Nous considérons par ailleurs que sauf cas exceptionnel la représentation du parti doit être neutre s’agissant des signes d’appartenance religieuse.
– L’adhésion de militant.e.s portant des signes religieux visibles est possible, dans la compréhension commune du sens que nous donnons à notre combat dans ses dimensions laïque et féministe, y compris sur la signification que nous donnons collectivement au foulard islamique.
Pour finir, nous convenons sans difficulté que les questions posées ne trouvent pas nécessairement leur réponse dans une approche statutaire, la discussion sur la manière dont le NPA peut s’approprier et revendiquer les éléments ci-dessus demeure donc, à cette étape, ouverte.
Ingrid Hayes, Pierre-François Grond
Document de travail proposé au CPN par une partie des membres du CE, à propos du débat « religion et émancipation »
Ce projet de motion pourrait éventuellement être soumis au vote
Le texte constitue un document de cadrage du débat et du calendrier. Il permet d’avancer sans, à cette étape, aller jusqu’à des votes contradictoires au CPN de mai.
Le CPN a lancé le débat de congrès.
L’ordre du jour inclut un débat intitulé « religion et émancipation », qui donnera lieu à des votes des militantEs. Il s’agit cependant d’un débat un peu particulier, d’abord parce que toutes ses dimensions ne doivent pas être tranchées au congrès, d’autre part parce qu’il a pour substrat partiel une expérience pratique, la présentation d’une candidate portant le foulard sur la liste du Vaucluse.
Les votes au congrès porteront sur des points précis et limités :
– Le caractère laïc du parti et le sens donné à cette définition
– Le sens politique du foulard islamique
– La possibilité ou non pour un.e. militant.e. arborant un signe religieux visible de représenter publiquement le NPA
– La possibilité ou non pour un.e. militant.e. arborant un signe religieux visible d’adhérer au NPA
A cette étape, le CPN adopte le présent texte, qui fixe le cadre et le calendrier du débat. Des contributions non soumises au vote et contenant notamment des propositions se rapportant aux points en question peuvent être diffusées aux membres du CPN et seront diffusées ensuite à l’ensemble des comités du NPA au lendemain de la réunion du CPN de mai, l’idée n’étant pas d’ouvrir un nouveau BI sous la même forme que le précédent.
Le CPN de septembre enregistrera par des votes les différentes positions en présence, matérialisées par des motions qui seront ensuite soumises au vote dans les AG de congrès.
[Projet qui n’a pas encore été à l’ordre du jour du CPN]
Thèses sur parti et religion
NB : Ce texte est un travail qui s’appuie sur celui initié par Samy. Il reprend sa structure, le même découpage en dix thèses pour faciliter la discussion, et partage avec lui la thèse générale d’un parti laïc.
Dans cette phase de constitution du NPA, ce qui nous questionne aujourd’hui dans nos rapports à la religion, c’est la compatibilité de la foi en Dieu avec l’adhésion à nos objectifs et donc la place dans nos rangs des croyant-e-s. Sur quels critères voulons-nous construire un « intellectuel collectif » capable d’agir dans la durée et quelle diversité est compatible avec nos finalités ? C’est sur la base de ces finalités que l’on doit déterminer les seuls critères d’adhésion au parti, valables pour tou-te-s, croyant- e- s, athées et agnostiques. L’adhésion à ces fins implique ensuite des droits égaux pour chacun- e car il s’agit là des seules bases viables pour un parti démocratique cherchant l’engagement conscient et durable de chacun-e. Evidemment, cette égalité et notre cohérence reposent sur la critique de tous les régimes, courants ou Etats (athées ou religieux) perpétuant les inégalités et rapports de domination, sur le rejet de toutes les oppressions, y compris celles vécues au sein du parti, des associations, des syndicats où nous militons... C’est le point de départ d’un projet qui doit être radicalement émancipateur.
1/ Le NPA fonde son action sur les convictions fondamentales suivantes qui peuvent être partagées par des athées, des agnostiques ou des croyant-e-s, selon des démarches philosophiques et expériences propres.
a) Aucune différence (d’origine sociale, nationale, de genre, d’identité, de sexualité, de handicap...) ne peut légitimer des rapports d’oppression, d’exploitation de domination, de discrimination. Notre objectif est donc la remise en cause radicale de ces rapports d’oppression croisées (classe, genre, race...), du local au global. Nous rejetons donc toutes les interprétations idéologiques qui légitiment l’ordre existant comme « juste », « fatal », ou « le meilleur possible », qu’elles se revendiquent de la religion ou d’une pseudo « science ».
b) La société que nous voulons sera inventée par les êtres humains elles et eux-mêmes, à partir de leurs luttes sociales : l’émancipation des travailleur-euse-s, hommes et femmes, sera le produit des travailleur- euse-s elles et eux-mêmes, de l’aspiration à la justice sociale et aux libertés individuelles et collectives. Le capitalisme lui-même nourrit de telles aspirations tout en étant incapable de les satisfaire sauf pour une minorité de privilégié-e-s. Il a de redoutables capacités à perpétuer les rapports d’oppression, à diviser pour régner et à intégrer ou criminaliser les résistances.
c) Ces résistances ne peuvent triompher sans organisation et combat dans la durée, critique éthique et pratique du système, organisation d’une mémoire vivante des luttes et de leurs leçons et apprentissage d’autres possibles. Ce sont autant de fonctions auxquelles le NPA veut contribuer qui peuvent être partagées et enrichies par des croyant-e-s, athées et agnostiques.
d) Nous ne proposons pas de modèle achevé de société. Mais nous voulons prendre en compte l’apport de toutes les luttes d’émancipation individuelles et collectives et pour l’égalité, contre des régimes cléricaux ou athées oppresseurs. Nous nous appuierons sur l’analyse critique de toutes les expériences et sociétés qui se sont réclamées d’idéaux d’égalité, de liberté et de fraternité (sur des bases religieuses ou athées). Et nous analyserons les causes historiques, socio-économiques, politiques, subjectives des écarts entre ces idéaux proclamés et la réalité.
2/ Le parti n’est pas athée, parce que l’athéisme n’est nécessaire ni à la définition de ses objectifs et de ses moyens, ni à l’adhésion à ces objectifs. La croyance en un Dieu créateur de l’univers n’est pas contradictoire avec nos objectifs sauf lorsqu’elle est interprétée comme l’acceptation d’un destin préétabli, d’un pouvoir de droit divin, ou de l’ordre et des inégalités existantes. Dès lors que les croyant- e-s rejettent de telles interprétations et croient en leur propre libre-arbitre, c’est l’accord sur les objectifs et moyens qu’il faut rechercher et tester concrètement. C’est cela qui importe pour établir la base programmatique du parti et pas l’athéisme.
Chaque être humain décide de ses actions en fonction d’une éthique (qu’elle ou il associe à un simple humanisme ou à sa croyance en Dieu). Elle ou il est en réalité soumis-e, qu’elle ou il soit croyant-e ou pas, à de multiples déterminants. Le parti n’a pas à sélectionner des cheminements qui conduisent à l’engagement militant, mais à se prononcer sur leur aboutissement et effet pratique. Il ne peut non plus se faire juge des consciences. Il peut simplement discuter des actes quand ceux-ci vont à l’encontre de ses principes.
Il serait par conséquent absurde et contre-productif de rejeter l’adhésion de ceux et celles qui nourrissent leur engagement et partagent nos objectifs sur la base de profondes motivations religieuses. Ou encore de prendre pour critère de rejet les croyances et pratiques religieuses qui n’ont pas de conséquences sur l’engagement militant. Il s’agit de s’efforcer d’unir dans les luttes les déshérité-e-s, les opprimé-e-s, les exploité-e-s, les « humanistes » radicaux, croyant-e-s, agnostiques ou athées, qui rejettent un ordre inégal et injuste.
3/ Notre combat se fonde sur la libre confrontation des idées sans argument d’autorité dogmatique d’où qu’il vienne. Chacun-e est évidemment libre de trouver son inspiration et ses convictions dans ou contre les religions, philosophies et livres de son choix. Mais le fonctionnement démocratique du parti se fonde sur la capacité de convaincre les autres.
Le parti n’est pas le lieu de discussion des exégèses religieuses (même s’il peut être intéressant de les connaître). Nous devons distinguer les débats qui relèvent de la fonction et des tâches du parti, de ses orientations et choix de congrès et ceux qui doivent rester à l’écart de telles procédures de votes : le parti n’a pas de « ligne » à imposer aux scientifiques, aux artistes, aux intellectuel-le-s dans leurs activités professionnelles ou de recherche. Il cherche par contre à les gagner à ses idées et favorise les plus hautes exigences de compétences professionnelles et de savoirs multiples et leur mise à disposition du plus grand nombre dans des formations d’éducation permanente et populaires.
4/ L’état de droit que nous voulons établir dans la société impose évidemment une lutte contre toutes les dictatures et censures (religieuses ou athées) et la défense des victimes de ces dictatures, sur la base de la revendication de droits.
Nous distinguons les institutions et pouvoirs religieux et les croyant-e-s dont les idées et prises de position sont, comme pour les athées, le résultat d’une multiplicité de déterminants (sociaux, culturels, politiques, personnels). Dans le cas le plus général, les institutions religieuses ont partie liée avec l’ordre dominant, dont elles se nourrissent tout en en défendant les bases. Cela dit la lutte des classes parvient régulièrement à détacher des fractions des populations de ces institutions : en bloc, comme lors de certaines révolutions latino-américaines, ou en partie, ou encore au niveau des individus.
5/ D’une manière plus générale, si le développement des connaissances, de l’esprit scientifique et de l’éducation éloignent de l’esprit religieux, et si les pratiques religieuses ont baissé, l’identification du socialisme aux régimes staliniens, les guerres néocoloniales et la misère sociale engendrée par la mondialisation capitaliste ont également redonné force aux religions dans la majeure partie du monde. Unir les travailleur-euse-s par delà leurs divergences religieuses est la voie à suivre, sans qu’on se prononce d’ailleurs sur l’extinction future de toute croyance.
6/ En conclusion, ce sont des critères sociopolitiques et non pas la religion ou l’athéisme qui fondent la possibilité d’alliances entre croyant-e-s, athées ou agnostiques dans des fronts de lutte. De même, croyant-e-s, athées ou agnostiques peuvent se retrouver à égalité dans un même parti si elles et ils en partagent les principes et les bases rationnelles et éthiques sur lesquelles se mènent et se règlent les débats. Les croyant-e-s ne sont pas membres « en dépit » de leurs convictions religieuses, pas plus que les athées n’adhèrent au parti « en raison de » leur athéisme. Le parti peut être leur bien commun si chacun-e y vient avec son intégrité, sa loyauté et sa cohérence. Il est donc absurde de « cacher » ses convictions religieuses ou athées : elles ne sont pas en tant que telles un enjeu de débats d’orientation et de votes, ni une base de recrutement (donc de prosélytisme).
Le parti doit pouvoir afficher sa diversité et son pluralisme interne avec fierté comme une preuve assumée et cohérente que d’autres croyant-e-s, athées ou agnostiques peuvent le rejoindre en partageant des projets communs. En tout état de cause, le fait que l’athéisme ne soit pas la base d’un parti se revendiquant du socialisme n’est pas une innovation. Mais il importe de le « penser » non pas comme une « tolérance » mais comme une cohérence.
7/ La laïcité se définit comme la séparation entre les institutions publiques (supposées neutres) et les institutions religieuses, interdisant aux secondes toute intrusion formelle dans la formation de la décision et des choix politiques. Elle n’est pas une « idéologie » (le laïcisme, qui serait antireligieux) mais un système institutionnel. Elle n’est pas non plus synonyme de démocratie car la séparation des religions ne garantit pas en elle-même la démocratie. Elle n’est pas davantage le garant des droits des femmes : il a fallu plusieurs décennies après la loi de 1905 pour que les femmes obtiennent le droit de vote. Mais elle est utile à toutes ces causes (pluralisme démocratique et féminisme). Historiquement, le combat pour la laïcité a été commun (dans un pays comme la France) à une partie de la bourgeoisie et aux partis ouvriers. Pour la première, ce combat s’est combiné avec la défense d’une soit disant « neutralité » de son Etat (camouflant sa défense d’intérêts de classe), et d’une conception faussement universaliste de ses valeurs républicaines, contredit par la réalité des inégalités (sociales, de genre ou de « race ») et donnant un vernis « civilisateur » au projet bien matériel d’expansion coloniale.
Le NPA se bat pour une société pleinement laïque, mais à partir de ses propres principes. Il combat les « idéologies d’Etat » – religieuses ou athées – et l’illusion d’une neutralité de l’Etat. Mais il défend la laïcité comme séparation entre les institutions publiques et les institutions religieuses. Cette séparation interdit aux secondes tout pouvoir de décision « de droit divin » et tout privilège de contrôle des choix politiques. En même temps, la laïcité garantit la liberté de pensée (dont celle de critiquer les religions), ainsi que le droit au culte et la liberté des diverses religions et celle des croyant-e-s, dans le cadre des débats démocratiques. Ces libertés s’exercent au plan privé dans tous les cas, comme dans la sphère « sociétale » publique (manifestations publiques, églises et minarets, processions, associations et rassemblements, jusque et y compris partis politiques). Ce n’est donc pas dans cette sphère publique-là, ni aux citoyen-ne-s qu’est supposée s’appliquer la neutralité, mais aux institutions publiques : celles-ci doivent observer une stricte séparation avec toute manifestation religieuse, et leurs représentant-e-s doivent observer un devoir de réserve vis-à-vis de leurs croyances personnelles, sans manifestation visible de celles-ci dans l’exercice de leurs fonctions. Mais un-e élu-e politique est élu-e du peuple souverain, pas un fonctionnaire. Elle ou il représente le programme sur lequel elle ou il a été élu-e, pas le mythe bourgeois d’une « République une et indivisible ». Elle ou il n’est donc pas tenu-e au même devoir de réserve (ainsi un parti chrétien démocrate aurait une pleine légalité dans la société pour laquelle nous nous battons).
8/ Le parti est lui-même laïque et n’organise aucune propagande contre les croyances religieuses en tant que telles. Il s’oppose aux institutions religieuses en tant qu’elles se constituent en centres de pensée et d’action réactionnaires. En tant que parti, il dispose de son propre système de référence (ses principes fondateurs) et de sa propre méthode d’approche des questions sociales (le matérialisme historique). En son sein, tou-te-s les membres partagent ces principes de fond, et, croyant-e-s ou pas, disposent des mêmes droits et devoirs. Il s’en suit que les croyant-e-s peuvent se porter candidat-e-s à la représentation du parti.
9/ Ceci est d’autant plus important dans une société comme la nôtre où la sécularisation est la règle générale, dans toutes les parties de la population. Il nous faut à la fois veiller d’un côté à ne pas favoriser le retour aux divisions religieuses et à l’influence d’institutions religieuses toujours promptes à vouloir contrôler nos vies. Mais d’un autre côté, il faut réagir à la réalité sociale et culturelle nouvelle que représentent plus de 6 millions de musulman-e-s en France issu-e-s du regroupement familial après le retournement de la croissance des années 1970. L’islam est donc devenue la deuxième religion de France, avec désormais une population non plus « de passage » mais intégrée et qui se concentre majoritairement dans les catégories et quartiers les plus défavorisés. Les revendications légitimes de conditions décentes de pratique de leur culte sur la base des mêmes droits que les autres sont vite taxées de « communautarisme » alors que la majeure partie de ces populations aspire à sortir des ghettos sociaux, à l’arrêt des discriminations au faciès et au prénom, et à jouir des droits égaux de citoyenneté. Dans une situation de rejet social et xénophobe d’une partie importante du prolétariat éternellement dit « d’origine immigrée » en France, doublée d’islamophobie, se manifestent en réaction diverses affirmations, notamment de caractère religieux. Une partie de ces réactions exprime, chez les jeunes, l’aspiration à être pleinement respecté-e-s comme Français-e-s musulman-e-s, dont la « visibilité » est stigmatisée – notamment les jeunes filles et femmes voilées. Il est important, dans les quartiers populaires où l’influence de la religion demeure particulièrement notable, de ne pas en faire un obstacle à l’entrée dans la lutte anticapitaliste.
10/ Le NPA doit (et devait, avec Ilham) assumer une bataille à contre-courant menée avec vigueur contre les stigmatisations islamophobes renforcées par les campagnes du pouvoir sur « l’identité nationale ». Faire tomber les préjugés, les peurs et les clichés islamophobes est aussi urgent face à la crise et aux enjeux internationaux de « guerre contre le terrorisme » que la lutte contre l’antisémitisme dans les années de Grande crise de l’entre-deux guerre. Cela doit devenir le combat de tout le parti – ce qui n’était malheureusement pas le cas lors de la candidature d’Ilham. Le piétinement des débats sur le foulard a pesé. La médiatisation de la candidature d’Ilham, défavorable pour un débat serein, n’était pas voulue. Mais le NPA tout entier aurait pu s’en emparer pour affirmer, avec force et fierté, comme Ilham le faisait, le rejet de toutes les violences commises contre les femmes (par des hommes, courants, régimes intégristes ou athées dans le monde entier) ; combattre contre les lois stigmatisantes et hypocrites d’interdiction du voile et contre le voile imposé ; affirmer l’égalité des hommes et des femmes contre toutes les pratiques patriarcales – pour l’unité des travailleur-euse-s, hommes et femmes, contre tous les racismes et les boucs émissaires qui permettent au régime de diviser pour régner et mener sa politique sociale destructrice... Un tel argumentaire n’était pas au centre des choix de la campagne. Mais il n’est pas vrai qu’il l’aurait dénaturée ou « déviée » de ses priorités : c’était au contraire revenir vers la centralité des enjeux sociaux en dénonçant les dérivatifs réels des campagnes et lois de Sarkozy...et des médiatisations du voile. Demander à Ilham et aux camarades qui l’entouraient de ne pas répondre à une telle médiatisation aurait signifié donner prise immédiatement à l’accusation d’avoir des candidatures et membres « potiches ». Prendre comme un « coup de force » ce qui était au contraire vécu comme une défense du NPA était un contre-sens. Considérer que le port du foulard par Ilham était un « prosélytisme » pour l’islam est un non sens : ce sont plutôt les courants islamistes qui ont des raisons d’en vouloir à Ilham de faire du prosélytisme pour le NPA.
Nous devons considérer comme une donnée majeure de la période la nécessité de mener des combats à contre-courants. L’accusation de « diviser » ou de « faire perdre des voix » n’est pas recevable pour un parti qui lutte contre les préjugés racistes, homophobes, sexistes...Nous savons qu’aller à l’encontre de perceptions populaires actuelles, pour les faire bouger, est la condition de gagner en force et en unité demain. Mais les préjugés sont réels et ne tombent pas en une campagne. Les meilleures conditions pour qu’ils tombent est le mélange des populations, les rencontres et luttes communes. La lutte contre l’islamophobie se mènera donc d’autant mieux que se développeront des fronts de résistance aux guerres « contre le terrorisme », pour l’égalité des droits, contre les discriminations et contre tous les racismes. De tels fronts, de par leur mixité, permettront de combattre en même temps les courants intégristes qui veulent empêcher la critique de leurs idéologies au nom de la lutte contre l’islamophobie, de même que les sionistes instrumentalisent la lutte contre l’antisémitisme pour empêcher la critique de la politique d’Israël.
C’est en affichant notre diversité que son sens apparaît, et que chacun-e peut lui apporter sa contribution en étant soi-même tout en donnant sa cohérence à notre objectif : l’unité des travailleur-euse-s, hommes et femmes, quelles que soient leurs croyances, origine, identité, couleur de peau, contre toutes les oppressions, inégalités et discriminations.
Alain P. (CE CPN, commission immigration-antiracisme, Paris 13e)
Catherine S. (commission internationale, Paris 18e)
Dan O. (CE CPN, commission quartiers populaires, Aubervilliers)
Fanny G. (CE CPN, commission intervention féministe, Paris 11e)
Marc P. (CPN, commission Moyen-Orient/Palestine, Kremlin-Bicêtre/Gentilly)
Marijke C. (CPN, Toulouse)
Nora B. (CPN, commission quartiers populaires, Avignon)