Nouveau tournant du capitalisme algérien ?
Le gouvernement d’ Ouyahia, par le biais de son ministre de l’énergie et de la promotion des investissements A. Temmar semble vouloir donner un nouveau souffle à sa politique en cours depuis deux ans. Les sociétés de gestion des participations (SGP) seront remplacées par des « entreprises nouvelles ». La première opération réalisée dans ce cadre est l’installation d’une nouvelle entité qui a absorbé les groupes cimentiers et les filiales de l’ex-SGP-GICA. Cette « nouvelle entreprise » est financée totalement par les fonds publics, selon Temmar. Elle devrait donc permettre, selon toujours le ministre, de créer « un leader national d’industrie de ciments et autres matériaux de construction » ; Une manière d’échapper aux spéculations qui touchent ce secteur ?!
Ces fusions d’entreprises se veulent cependant agir sur le long terme dans différents secteurs jugés porteurs à l’instar de l’industrie, de l’électronique, de la construction mécanique… D’ailleurs à-t-on indiquer, après la restructuration du secteur du ciment, de la Société nationale des véhicules industriels (SNVI), de Saidal, d’autres entreprises publiques seront touchées prochainement. La nouvelle vision prônée par le département de l’industrie du ministère de l’énergie comprend aussi un aspect local. Il s’agit de la création de cinq « zones intégrées de développement industriel » (ZIDI), à Annaba, Sétif, Bordj Bou Arréridj, Oran et Blida pour un début, avec à long terme son prolongement à 29 wilaya jugées ayant un potentiel industriel porteur.
Mais pour mener à bon port cette politique, le ministre a besoin de capitaux.
Polémique et contradiction !
Cependant, il y a comme une incohérence ou un manque de cohésion dans les choix de cette politique économique au sein du gouvernement d’Ouyahia. Abdelhamide Temmar a soutenu, lors de sa dernière sortie médiatique, que le pays doit rapatrier une partie des ses réserves placées à l’étranger et la consacrer à des investissements nationaux dans le secteur industriel. Attitude logique ou du moins elle est en diapason avec le tournant que veut prendre la politique économique du gouvernement, à savoir ne plus compter fondamentalement sur l’investissement étranger pour doter le pays d’un tissu industriel à même de réduire la dépendance à l’extérieur en ce domaine. En effet le tournant « patriotique » qu’a pris la stratégie d’Ouyahia, souligné déjà pendant quelque temps, se voit obligé, faute d’investissements étrangers, de compter sur soit. Sa stratégie industrielle a donc besoin pour sa mise en œuvre du financement public. Mais c’est de l’intérieur du gouvernement que cette stratégie est contredite.
Ce sont Karim Djoudi, l’argentier du pays et Mohamed Laksaci, président directeur général de la banque centrale qui s’opposent à cette démarche. Ils défendent pour cela la prudence dans les dépenses publiques. Ils préconisent ne pas toucher aux réserves financières de la nation qui sont sa protection contre d’éventuels coups durs auxquels elle pourrait se trouver confrontée à un moment ou à un autre dans l’avenir.
Nous connaissons la prudence du gouvernement face aux pressions des libéraux qui demandaient, dans un passé récent, l’injection de cette manne financière dans « les fonds souverains ». Si cette précaution avait un sens, la sortie de Djoudi de Laksaci reste problématique. Il y a de quoi se poser des questions sur leur motivation. S’agit-il du même scénario qui a vu le départ de A. Benachenhou du gouvernement suite aux contradictions qui l’ont opposé au chef du gouvernement. Pour rappel, Benachenhou s’opposait au chef du gouvernement de l’époque, Ouyahia, à l’intervention de l’Etat dans la sphère économique et la gestion financière. Il était dans sa logique du libéralisme ambiant et du dogme triomphant en ce moment. Résultat des courses, on a assisté au départ de Benachenhou. Temmar est-il donc la tête visée ? Histoire de donner un os à la campagne contre la corruption !
Trois générations de réformes
Pour rappel, le capitalisme Algérien a engagé des réformes économiques dés les années 80. Il s’agissait à l’époque de réorganiser l’économie d’un capitalisme d’état jugé étouffant. Cela s’est soldé par le dépeçage des entreprises publiques par la création de plusieurs filiales, à l’image de Sonatrach qui s’est vu se démembrer en 09 entreprises. Cette restructuration qui s’assimile plus à une destruction du tissu industriel, faut-il le souligner, a mis en quasi faillite ces nouvelles entités économiques en un rapide laps de temps. Des nouvelles entreprises, appelées filiales, ont été érigées à la place. Mais elles vont vite se noyer dans le passif des entreprises mères endettées et bureaucratiquement gérées.
Après la crise pétrolière et boursière de 1986 et 1987, le capitalisme algérien va engager une nouvelle ouverture à travers le rééchelonnement de sa dette et marque ainsi le début de la soumission aux injections du FMI et de la Banque mondiale. Le gouvernement Hamrouche entame la première génération des réformes en mettant les entreprises nationales sous la tutelle des « Fonds de participations » avec comme crédo la rentabilité. La loi de janvier 1988 stipule de tirer le maximum de dividendes dans la gestion de ces entreprises avec la nécessité d’une entraide entre entreprises, compte tenu des inégalités de richesses et de difficultés existant entre elles.
C’est dans le milieu des années 1990 que le plan de réajustement structurel entre en vigueur, avec en prime la dissolution de 1500 entreprises, considérées comme déficitaires, et le licenciement de prés d’un million de travailleurs. Les entreprises restantes sont destinées à la privatisation. Une ordonnance est promulguée et adoptée dans ce sens au cours de l’année 1995 par le conseil national de transition. Des holdings sont mis en place pour mettre en œuvre cette politique de privatisation, appelée les réformes de la deuxième génération.
En 2003 le gouvernement décide de remplacer les holdings par les sociétés de gestion de participation (SGP). Le but est de finaliser et de mener à terme le processus de privatisation de ce qui reste des entreprises publiques et d’encourager par la même occasion les investissements du captal privé et notamment du capital étranger (IDE). C’est la troisième phase dans la libéralisation de l’économie capitaliste algérienne. Mais ces SGP n’on que peu de pouvoir de décision. Leur prérogatives seront réduite en raison surtout des contradictions et des divergences avec les ministères de tutelles et les contradictions interministérielles qui ont caractérisé les pouvoir de Bouteflika.
L’entrée du capitalisme algérien dans l’économie de marché mondial est totalement chaotique. Ces nouvelles réformes, ces « nouvelles entreprises » qui vont se substituer aux SGP, celles d’une quatrième génération de réformes, peut-on dire, marque le retour dans le giron de l’état. Peut elle donner une certaine stabilité à l’économie capitaliste algérienne, tant revendiquée par le patronat et les milieux d’affaires algériens et tant rêvé par une partie de la population, avec comme avantage une manne financière conséquente ? Mais quand on connaît les contradictions qui traversent aujourd’hui le capitalisme mondial dans la quêtes de nouveaux marchés et de plus d’énergie ; quand on sait que c’est le même ministre Temmar et le même gouvernement sous la même présidence qui ont dirigé la privatisation, qui ont organisé la corruption, qui ont chanté les louanges du libéralisme, qui ont faillit liquider Sanatrach…. !!!!
Nadir Djermoune