Le gouvernement a beau distiller au compte-goutte les différents éléments de sa « réforme » des retraites, on en connaît maintenant l’essentiel : recul de l’âge légal au-delà de 60 ans, dès 2011. À quoi s’ajoutera une nouvelle augmentation du nombre d’annuités nécessaires pour percevoir une retraite complète. En fait, si l’on prend en compte l’âge de rentrée effective sur le marché du travail, toucher une retraite complète va devenir, pour une masse grandissante de salariés, un objectif de plus en plus difficilement atteignable. Et c’est bien là le but réel de la réforme !
Le gouvernement bavarde sur l’emploi des seniors, mais n’évoque aucune mesure concrète. Quant à la reconnaissance de pénibilité afin de pouvoir déroger aux nouvelles dispositions prévues, Éric Woerth, le ministre du Travail, a indiqué clairement qu’il s’agira d’examen individuel et non de droits collectifs basé sur la définition de métiers pénibles ou à risques. En gros, ceux qui seront jugés ne plus avoir que quelques années à vivre auront la « chance » de pouvoir partir…
Décidément, avec Sarkozy et son équipe, on touche assez vite au sordide. Mais cette droite de combat reste prudente, écartant les régimes spéciaux de la réforme.
Pour l’instant… Face à cela, le Parti socialiste réaffirme son attachement à la retraite à 60 ans et son engagement à annuler cette réforme s’il revient au pouvoir. Mais, en même temps, il confirme qu’il ne reviendra pas sur l’augmentation du nombre d’annuités, causée par les réformes Balladur (1993) et Fillon (2003) et qui a en grande partie vidé la retraite à 60 ans de tout contenu réel. Et, dénonçant le « dogme » des 60 ans, Dominique Strauss-Kahn apporte son concours au gouvernement.
En mai 2008, à propos de la retraite à 60 ans, Nicolas Sarkozy déclarait : « Je n’en ai pas parlé pendant ma campagne présidentielle. Ce n’est pas un engagement que j’ai pris devant les Français ; je n’ai donc pas de mandat pour faire cela. »
Ainsi, de l’aveu même de son auteur, cette attaque contre les conquêtes sociales est aussi une arnaque contre la démocratie ! Raison de plus pour se dresser contre…
François Coustal
* Paru dans Hebdo TEAN 58 (03/06/10).
RETRAITES : L’ÉPREUVE DE FORCE....
Après la journée du 27 mai qui a été réussie, la bataille pour les retraites est à la croisée des chemins. Les collectifs unitaires qui se constituent dans beaucoup de villes sont la voie pour construire le puissant mouvement d’ensemble qui permettra de gagner.
Les détails de la réforme des retraites ne seront annoncés que le 20 juin. Mais le gouvernement, à la veille de la journée de grève et de mobilisations du 27 mai, avait déjà proclamé la fin de l’âge légal de départ à 60 ans et son report à 62, 63 ans voire plus. Il confirme que la prétendue concertation n’est que du flan pour endormir l’ensemble du mouvement ouvrier et qu’il a fermement décidé de faire payer la facture de la crise à la majorité de la population. La réforme des retraites fait partie d’un vaste plan d’austérité qui consiste à nous faire travailler plus longtemps.
Nous en savons suffisamment pour comprendre que l’épreuve de force est engagée. Ou plutôt qu’elle est engagée du côté du Medef, du gouvernement et de l’UMP. Malheureusement, en face, les salariés, les chômeurs, les retraités et les jeunes sont loin d’être en ordre de bataille.
La journée de grève et de manifestation du 27 mai a été réussie. La grève a été bien suivie et les manifestations plus nombreuses que le 1er Mai. Mais des doutes sont apparus sur la possibilité de faire reculer le gouvernement et des questions sont posées sur les suites. Plus que des questions se posent sur la volonté des directions des grandes organisations syndicales d’organiser véritablement la résistance à la hauteur de la guerre sociale engagée non seulement en France mais à l’échelle de l’Europe contre les retraites, les salaires et les droits sociaux.
Dans toutes les villes, départements, régions, se construisent des collectifs unitaires sur la base de l’appel, initié par la fondation Copernic et Attac, des chercheurs et des responsables politiques et syndicaux. Des centaines de militantes et militants d’origines diverses, syndicales, associatives ou politiques, se mettent à agir ensemble, à distribuer des tracts, coller des affiches, discuter, convaincre, organiser des débats, des meetings, à militer contre la destruction du droit à la retraite. Ce réseau s’étend et prend de l’ampleur.
Patronat et gouvernement veulent nous imposer une société qu’on peut résumer en trois slogans : « travailler plus pour gagner moins », « malheur aux pauvres, aux plus âgés, aux plus usés », « jeunes, abandonnez tout espoir ». La construction d’une mobilisation générale qui prenne à contre-pied leur modèle de société est à l’ordre du jour. Il est clair qu’une seule journée de mobilisation ne suffira pas. Il faut trouver le chemin des convergences et des luttes. Comme nous l’avions fait contre le Contrat première embauche (CPE). Le travail de mobilisation à la base peut changer le rapport de forces, réchauffer le climat dans les entreprises, dans les quartiers, dans la jeunesse et convaincre qu’on peut se battre et gagner. Il faut aussi que cette résistance se voie, s’entende et se mesure dans la rue et sur les lieux de travail.
Au lieu de sauter de journée en journée – une nouvelle journée de mobilisation est annoncée par les organisations syndicales le 24 juin – un puissant mouvement de grèves et de manifestations doit être construit pour faire reculer ce gouvernement. Une démonstration de force dans une énorme manifestation nationale serait aussi un pas dans ce sens. Aujourd’hui, il y a deux possibilités : soit Sarkozy passe en force et, comme l’a fait Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, casse le mouvement social pour des années, soit il se prend un retour de boomerang grâce à une large mobilisation populaire. La partie reste ouverte.
Sandra Demarcq
* Paru dans Hebdo TEAN 58 (03/06/10).
RETRAITES : LE NPA EN CAMPAGNE
Après la peu visible campagne de rentrée sur les licenciements et les fermetures de sites et la difficile campagne pour les élections régionales, c’est un parti hésitant, doutant de ses capacités qui s’est engagé dès le mois de mars dans la bataille pour la sauvegarde du régime de retraites par répartition.
Dès fin mars, une assemblée en région parisienne a réuni une cinquantaine de militants pour une formation sur les enjeux de la contre-réforme gouvernementale et la mise en place d’un premier planning de campagne. Dossier dans les pages centrales de Tout est à nous ! n°52, engagement dans la rédaction et le lancement de l’appel Attac-Copernic, mises à disposition de fiches de repères et tract de quatre pages pour la manifestation du 23 mars : le NPA n’a pas attendu la concrétisation des graves reculs prévus par le gouvernement pour engager la bataille.
Confronté à de grandes disparités entre les différentes générations militantes de formation et de connaissance de la question que beaucoup s’attachent à rendre technique et compliquée, il a fallu multiplier les formations sur la répartition, le financement, l’historique des reculs.
D’abord, pour être en capacité de répondre aux interrogations des salariés abasourdis par le rouleau compresseur des médias et des partis politiques : tous tentent de nous convaincre qu’à « problème démographique, il faut une solution démographique », c’est-à-dire l’allongement du temps de travail ! Mais aussi pour construire les réponses et les mots d’ordre pour que la mobilisation s’engage.
Depuis, le NPA s’est engagé dans la construction de cette riposte. Des dizaines de comités de défense des retraites se sont construits dans toutes les régions qui regroupent partis politiques, associations et parfois des organisations syndicales locales. Plusieurs importants meetings unitaires dans la foulée de celui de Paris du 6 mai sont prévus (ou se sont déjà tenus) à Marseille, Clermont-Ferrand, Bordeaux, Toulouse et dans des dizaines de villes.
Dans le même temps les comités NPA de Paris, banlieue, régions multiplient distributions de tracts et réunions publiques.
Avec l’annonce quasi officielle des mesures gouvernementales (report de l’âge légal, allongement du nombre d’années cotisées, mise à contribution des retraités pour payer les retraites, élargissement homéopathique des sources de financement), et en l’absence d’engagement de riposte clair des organisations syndicales, il s’agit maintenant d’intensifier la campagne. Pas question d’attendre le mois de septembre : un nouveau dossier est paru dans Tout est à nous ! n°56, un dossier dans Tout est à nous ! la Revue n°10 et une brochure est en préparation. Nous préparons activement les manifestations du 27 mai et les prochaines initiatives de juin. Il s’agit maintenant de passer des débats à la mobilisation. Les confédérations syndicales et les partis de « gauche » se contentent de débattre et de marquer des points en attendant 2012. Pour le NPA, la mobilisation doit s’amplifier, sans attendre septembre, dans les entreprises, sur tous les lieux de travail, dans la jeunesse et dans la rue.
Robert Pelletier
* Paru dans Hebdo TEAN 57 (27/05/10).
RETRAITES : LES FAUSSES AUDACES DU PS
Malgré les attaques de la droite contre la prétendue démagogie des propositions du PS, celles-ci entérinent bien les précédentes contre-réformes qui ont déjà vidé de son contenu la retraite à 60 ans.
Le Parti socialiste a donc fini par annoncer ses propres propositions sur les retraites. Elles vont de l’amélioration de l’emploi des seniors, à la retraite « à la carte » et à l’accroissement des recettes par l’augmentation des cotisations et la taxation de certains revenus du capital, des bonus, des stock-options, de la participation et de l’intéressement. Mais, bien sûr, ce qui a perturbé les conditions du débat public naissant sur les retraites est le maintien proclamé de l’âge légal de la retraite à 60 ans et le report au-delà de 2020 d’une éventuelle augmentation du nombre d’annuités de cotisation nécessaires. Il n’en fallait pas plus pour que la droite dénonce la démagogie du PS et son goût immodéré pour les augmentations d’impôts. La contre-offensive gouvernementale a immédiatement été lancée sur le thème : le PS prétend « taxer le capital », mais comme cela ne suffira pas, ce sont les « couches moyennes » qui vont payer…
Les propositions du PS sont loin de constituer, du point de vue du monde du travail, une réponse à la hauteur. En particulier, préconiser la retraite « à la carte » ne peut conduire qu’à individualiser les situations et, donc, à ruiner les garanties collectives. La création d’un compte retraite individualisé est d’ailleurs l’un des moyens préconisés par les experts patronaux pour saper les bases d’un système solidaire fondé sur les droits collectifs.
Mais le refus de toucher à l’âge légal – laborieusement obtenu par l’aile gauche du PS – constitue une brèche dans le dispositif prévu par le gouvernement et le Medef et montre l’absence de consensus à ce sujet, même parmi les « partis de gouvernement ». Et, du coup, cela légitime le débat et la recherche d’autres solutions : si même le PS dit qu’on peut éviter de modifier la limite des 60 ans… Or, bien que le gouvernement ait choisi de distiller au compte-goutte les éléments de sa « réforme » dans l’espoir de désamorcer tout mouvement social, il apparaît de plus en plus que ses principales « solutions » sont bien le report de l’âge légal et une nouvelle augmentation du nombre d’annuités.
Pour autant, il ne faut pas se tromper sur l’objectif réellement visé : compte tenu du niveau de chômage global et, plus particulièrement, de celui des seniors, le but d’un report de l’âge légal de la retraite et, surtout, de l’augmentation des annuités n’est pas principalement de faire « travailler plus longtemps », mais de laminer les pensions via le système de décote. Cette remarque permet de relativiser quelque peu le caractère radical des propositions du PS ! En effet, pour justifier son report au delà de 2020 de toute mesure d’âge, les dirigeants socialistes évoquent l’augmentation d’ores et déjà prévue des annuités.
Intéressant ! Ils entérinent donc définitivement les réformes Balladur (1993) et Fillon (2003) qu’ils avaient – très mollement ! – combattues. Et dont ils continuent, à juste titre, de dénoncer les effets sur « le niveau des pensions qui ne cesse de se dégrader ». Mais, on l’aura compris, il n’est plus question de revenir sur les dispositions imposées par les différents gouvernements de droite qui ont déjà vidé le droit à la retraite à 60 ans d’une grande partie de son contenu…
Mais, c’était encore trop pour certains responsables socialistes, toujours prompts à débusquer ce qui, dans le discours tenu par le PS, pourrait s’écarter de l’orthodoxie social-libérale. Et Dominique Strauss-Kahn s’est donc rappelé au bon souvenir de ses camarades en fustigeant le « dogme » de la retraite à 60 ans…
François Coustal
* Paru dans Hebdo TEAN 57 (27/05/10).
CONTRE LA « RÉFORME » DES RETRAITES, EN MASSE DANS LA RUE LE 27 MAI.
COMMUNIQUÉ DU NPA
Le gouvernement Fillon a fait de la duplicité une méthode de gouvernement. Après avoir voulu endormir l’ensemble du mouvement social et politique avec de soi-disantes concertations, E. Woerth, ministre du Travail, a reconnu que la fin de la retraite à 60 ans était programmée, à l’occasion d’une interview dans un magazine. Bel exemple de dialogue social !
On se doutait bien que le recul de l’âge légal de la retraite et l’allongement de la durée de cotisations étaient les deux mesures phares de cette réforme qui vise à liquider un des principaux droits sociaux des salariés mais qui ne répondra en rien, comme le révèle le dernier rapport du COR, au financement des retraites.
Mais cet aveu à la veille de la grève du 27 mai est clairement un défi lancé au mouvement syndical, aux associations et organisations politiques qui avaient pris position pour le maintien de la retraite à 60 ans.
Ce sont les salariés, les travailleurs qui paieront les dégats causés par la crise du système capitaliste. Aux banques, les subventions publiques, aux classes populaires, l’addition etv les restrictions sociales.
Il n’y a pas d’autre solution que d’organiser un vaste mobilisation pour mettre en place un barrage social face à cette politique de régression qui est la marque de fabrique du gouvernement Sarkozy.
La grève et la manifestation du 27 mai doit donner le coup d’envoi d’un mouvement d’ampleur sur la durée en capacité d’organiser grève générale, manifestation nationale et toutes formes de mobilisations pour faire échec à la « réforme » Woerth.
Le NPA sera présent dans les manifestations du 27 mai pour exiger le maintien de la retraite à 60 ans, le retour aux 37, 5 annuités, 75 % du meilleur salaire et une autre répartition des richesses.
Le 26 mai 2010.