Austérité ! Alors que la crise capitaliste a rebondi sous la forme d’une crise de dette souveraine, qui s’étend de la Grèce vers les autres pays de l’Union européenne, les gouvernements du noyau dur de cette Union ont décidé d’imposer partout une politique d’austérité sans précédent.
Il s’agit, ni plus ni moins, de démanteler ce qui reste des acquis des « États providence », que le capital européen a dû octroyer à l’issue de la seconde guerre mondiale, craignant la puissance du mouvement ouvrier et cherchant à légitimer ses États en reconstruction. Le but annoncé, c’est une réduction de 20 % du pouvoir d’achat des classes populaires, le démantèlement des droits de retraite, de la sécurité sociale et la dislocation-privatisation des services publics.
Etat, instrument néolibéral
Pour ce faire, le capital utilise ses appareils étatiques et ses appareil para-étatiques internationaux (le FMI, la Banque mondiale, la Banque centrale européenne, la Commission européenne…). Il s’est appuyé pour cela sur les théories néolibérales, qui, contrairement au libéralisme classique, ne considèrent pas que « le marché » et « la concurrence » soient « le cours naturel des choses », mais qu’il s’agit de « quelque chose qu’il faut construire » [1]. Tout en laissant parler leurs propagandistes sur la diminution du rôle de l’État, pour justifier ainsi les déréglementations et construire ce que les néolibéraux considèrent comme l’essence du marché — la concurrence —, les dirigeants néolibéraux se sont attelés à modifier le rôle des États et des structures para-étatiques. Pierre Dardot synthétise ainsi ce tournant, en cours depuis plus d’un quart de siècle : « Ce rôle-là est assez nouveau, dans la mesure où, dans la tradition d’un certain libéralisme, (…) on avait une image qui résumait un peu tout et qui était celle de l’État “veilleur de nuit”. L’État veilleur de nuit a d’abord et avant tout pour fonction d’assurer la sécurité des biens et des personnes privés. (…) Les néolibéraux (…) considèrent que l’action de l’État est quelque chose de très important. Ils assument sans aucun complexe l’idée que l’État a à intervenir dans le domaine de l’économie. (…) Il doit intervenir d’abord pour créer là où elle n’existe pas, et ensuite pour faire respecter là où elle existe, la norme de la concurrence, puisque c’est précisément la norme du marché. C’est un État qui édicte des règles sur le plan du fonctionnement de l’économie, ce n’est pas du tout un État qui reste complètement en retrait et “laisse faire”. » [2] L’objectif des appareils étatiques et para-étatiques ainsi conçus, c’est de « transformer toutes les relations sociales », comme Nicolas Sarkozy l’a dit, à propos de la loi sur l’auto-entreprenariat, devant les mille premiers auto-entrepreneurs qu’il avait invités, ou, comme l’avait formulé Margaret Thatcher bien avant lui, « de changer ou transformer le cœur et l’âme » [3].
Le « consensus de Washington », les traités de l’Union européenne, de Maastricht à Lisbonne, les multiples « réformes » — visant à démanteler las acquis des réformes progressistes, donc en réalité des contre-réformes — votées dans les Parlements nationaux ont permis de préparer le terrain et de commencer la transformation de la société, de créer les conditions pour « que les individus soient placés dans des situations telles qu’ils ne puissent pas faire autre chose que d’agir dans le sens qui est précisément souhaité (…), obtenir des individus par ces incitations qu’ils se conduisent comme on veut qu’ils se conduisent, sans avoir à le leur rappeler sans cesse et sans avoir à leur commander sans cesse ce qu’ils doivent faire. » [4]. Ainsi, il ne s’agit pas de liquider le système des retraites, mais de le vider de son contenu, en réduisant leur montant de façon à obliger les individus à « choisir » le recours à des Fonds de pensions. Non pas privatiser complètement le système de santé, mais supprimer tous les services qui peuvent être rentabilisés de manière à développer le secteur privé que les citoyens devront « choisir ». Ne pas supprimer les logements sociaux, mais en accroître les loyers de manière à pousser tous ceux qui peuvent encore économiser un peu (et même au-delà, comme l’a montré la récente crise de l’immobilier) à s’endetter pour acheter des logements. Non supprimer le droit public, mais en conserver la coquille vidée de sa substance « en faisant en sorte que ce soit le droit privé qui l’emporte de plus en plus, y compris à l’intérieur de l’organisation de l’État et de ses services administratifs (…), de telle sorte que précisément les agents du service public deviennent eux-mêmes des équivalents des auto-entrepreneurs ou plutôt de petits entrepreneurs de soi » [5].
Les tests réalisés
Au contraire de ce que de nombreux observateurs annonçaient fin 2008, les interventions des États venant au secours des profits des banques et des secteurs « stratégiques » de l’industrie, n’étaient nullement une rupture avec cette conception du rôle des appareils étatiques. Il s’agissait d’une intervention dans le domaine de l’économie, au service des secteurs dominants du capital, de manière à reconstituer les conditions de leur fonctionnement. Les appareils étatiques et les institutions internationales prenaient la relève du capital privé en crise, garantissant ainsi les profits des secteurs dominants. Le rétablissement rapide des profits bancaires en 2009 en a été le résultat.
En même temps il s’agissait de tester, d’abord dans les pays périphériques les plus touchés — en Irlande, en Lettonie, en Lituanie, en Hongrie, en Islande —, de nouveaux mécanismes de « gouvernance », des attaques brutales contre les acquis du salariat. Le résultat a été jugé positif. Des centaines de milliers de personnes étaient descendues dans les rues pour protester, mais les États ont tenu bon, même si, ici où là, les gouvernements ont dû passer la main à d’autres, poursuivant la même politique, ou que les partis gouvernementaux ont enregistré quelques échecs électoraux.
Pour la première fois les salaires nominaux dans la fonction publique ont été réduits : dès 2008 (puis à nouveau en 2009) en Irlande de 5 % à 15 %, en Islande (réduction de 5% à 10 %) et en Hongrie (salaires gelés pour deux ans, suppression du 13e mois en octobre 2008), dès 2009 en Lettonie (en septembre, réduction de 50 % des salaires des enseignants) et en Lituanie (réduction de 20 % à 30 %). Depuis les mêmes mesures sont en train d’être imposées en Grèce (réduction des salaires de l’ordre de 25 % toutes mesures déjà annoncées confondues et leur gel pour 5 ans), en Espagne (réduction des salaires de 5 % suivi du gel), au Portugal (gel pour 4 ans), en Roumanie (baisse de 25 %)… Le projet visant en France à augmenter dans la fonction publique les « cotisations » [6] de retraite des salariés n’a d’autre but que celui de réduire les salaires des fonctionnaires.
Dans toute l’Europe l’âge de départ à la retraite et le nombre d’années devant être travaillées ont été augmentés ou sont en cours d’augmentation, pour réduire les pensions versées. En Lettonie le gouvernement a été au-delà, décidant de baisser le montant nominal des pensions de 10 % à 70 % au 1er janvier 2010. La loi votée a été déclarée « illégale » par la Cour constitutionnelle, saisie par 9 000 retraités — à refaire donc, mais la brèche a été ouverte. Le gouvernement roumain a déjà annoncé une baisse des pensions de 15 %, le gouvernement grec les a gelées tout en envisageant de faire passer l’âge de départ à la retraite à 67 ans.
Il en va de même de la TVA. La restauration du capitalisme dans les pays de l’Est avait d’abord permis de tester le mécanisme, dans des conditions, il est vrai, de grande confusion — il était possible d’annoncer une « modernisation » et « une mise à niveau ». Cet impôt indirect et particulièrement inégalitaire — il touche beaucoup plus lourdement les revenus modestes et permet ainsi les réductions considérables des impôts sur le capital (et donc aussi la propagande sur « la baisse des impôts ») sans réduire les recettes budgétaires — a été établi au début des années 1990 dans toute l’Europe de l’Est, augmentant de même les prix (et donc réduisant les salaires réels) de 18 % à 20 %. Dans la foulée la même mesure a été mise en place en Islande (24,5 % en 1990). Un peu plus tard, du fait de la guerre, en Croatie (23 % en 1998), en Bosnie (17 % en 2006) et au Kosovo (16 %). La réussite de l’opération inspire les gouvernements de la « vieille Europe » : depuis 1994 en Allemagne le taux normal de TVA a été augmenté de 4 % (et de nouvelles augmentations se préparent), en France de 1 %, à Chypre de 5 %, en Grèce de 5 %, à Malte de 3 %, au Portugal de 5 %, en Espagne de 1 % (et une nouvelle augmentation est annoncée), en Hongrie de 5 %, en Estonie de 2 %, en Lettonie et en Lituanie de 3 %… Il semble que le taux pour l’instant maximal au sein de l’Union européenne (25%), appliqué au Danemark, en Suède et depuis peu en Hongrie, constitue l’objectif. Les augmentations touchent également les taux réduits (par exemple plus 5 % en République Tchèque depuis 2004, plus 2 % en Grèce en mai), réservés dans certains pays aux produits de première nécessité.
A tout cela il faut ajouter les réductions des allocations sociales, les réductions de l’emploi dans les services publics, les transferts sur les budgets locaux des dépenses centrales sans les accompagner d’un transfert équivalent de recettes… Autrement dit, au nom de la « lutte contre la crise », il s’agit de poursuivre, en passant à une vitesse supérieure, ce qui a été à l’origine de la crise actuelle : le déclin de la part du travail dans les revenus globaux depuis 1980 [7]. Les choix du gouvernement irlandais sont de ce point de vue exemplaire. La cure d’austérité a préservé un seul acquis, celui du capital : l’impôt ultra-réduit de 12,5 % sur les bénéfices a été préservé ! Le 8 juin le gouvernement hongrois de Viktor Orban, qui a récemment remplacé le gouvernement social-démocrate impopulaire après les précédentes mesures d’austérité, a suivi l’exemple : le nouveau plan d’austérité, qui comprend le gel des salaires de la fonction publique et de nouveaux impôts de 16 % pour tous, prévoit également de réduire de 19 % à 10 % les impôts sur les bénéfices inférieurs à 1,77 million d’euros !
Attaques coordonnées, réponses éclatées
Cependant, toutes ces attaques n’ont pas été simultanées au cours des dernières années. Dans un cadre commun, déterminé à l’échelle de l’Union (par exemple au travers du dit « Pacte de stabilité et de croissance »), chaque gouvernement européen pouvait adapter sa politique aux conditions particulières de son pays, agissant à son rythme sur des leviers des impôts, des dépenses sociales, des salaires et de l’emploi public, etc. Cela correspond à des contraintes objectives :
* L’Union européenne n’est pas un État achevé au sens classique et les choix qui ont orienté la construction de cet appareil supranational tiennent compte du fait qu’il y a « des capitalismes européens », des intérêts de chaque classe capitaliste au plan national et au plan international, mais pas « un capitalisme européen » en tant que tel. La mondialisation capitaliste a projeté directement au plan mondial les économies et les projets de chaque bourgeoisie. Les plus grandes entreprises et les banques européennes se sont croisées avec des entreprises américaines ou de pays émergents dans le transport aérien, l’automobile, l’industrie pharmaceutique… S’il existe quelques grands groupes proprement européens, tel EADS, ils font exception. Les classes dominantes européennes se sont saisies du marché unique pour conquérir de nouvelles parts de marché dans le monde globalisé plutôt que pour construire une Europe économiquement, socialement et politiquement intégrée.
* Après le début des mobilisations européennes — les marches européennes lors du sommet de l’UE à Amsterdam en 1994, suivies de plusieurs manifestations syndicales au cours des années qui ont suivi, ainsi que la grève de décembre 1995 en France — et l’échec de la tentative de légitimer une orientation politique néolibérale à l’échelle de l’Union au travers du Traité constitutionnel européen, les gouvernements européens se sont gardés de susciter une réponse sociale généralisée.
La crise capitaliste mondiale a cependant accéléré le processus. Après avoir exigé que la Grèce, le Portugal et l’Espagne pratiquent une austérité brutale, Angela Merkel vient d’annoncer de nouvelles mesures en Allemagne dont la réduction des emplois dans la fonction publique (10 000 à 15 000 emplois supprimés d’ici 2014), de nouvelles taxes et la réduction des prestations sociales (allocations familiales, allocations de chômage, etc.), pour ne pas « défavoriser la compétitivité » de l’industrie allemande. Le nouveau gouvernement conservateur britannique prépare une baisse draconienne des dépenses publiques. En France, le gouvernement Sarkozy, devant tenir compte de son impopularité, a choisi le terrain des retraites pour passer à l’attaque, tout en préparant aussi en catimini un budget d’austérité pour 2011. La norme néolibérale de la concurrence est ainsi une spirale descendante sans fin : d’abord on exige que les clients se serrent la ceinture, puis il faut la serrer à ceux qui produisent et ainsi de suite. Si la politique d’austérité annoncée en Allemagne n’est pas défaite, elle s’étendra aux autres pays du centre, puis justifiera de nouvelles coupes sombres dans les pays périphériques.
La faiblesse de réponses du salariat à l’échelle de l’Union européenne aux coups de butoir successifs en Irlande, en Hongrie et dans les pays baltes, puis en Grèce, en Espagne et au Portugal a changé la donne. On assiste à une généralisation simultanée des attaques contre les travailleurs. La gestion de cette crise est un révélateur : l’Europe néolibérale est un carcan, et l’euro un instrument de discipline salariale et sociale, réalisant son projet commun de manière éclatée, pays par pays.
Adaptées à la réalité socio-économique et politique de chaque pays, les grandes lignes des plans d’austérité reprennent les mêmes axes : réduction des déficits, gel des dépenses, réduction du nombre d’emplois publics, baisse des salaires, baisse des retraites, allongement de la durée du travail en différant l’âge légal de départ à la retraite. L’objectif de réduction des déficits va jusqu’à l’exigence allemande — relayée par la France — de faire contrôler les budgets de chaque État par les institutions européennes, en fait par l’Allemagne.
Au sommet de l’UE, malgré les tensions persistantes entre les dynamiques divergentes de chaque classe capitaliste sur le plan national et international, du fait de la place occupée dans l’économie mondiale et dans la division du travail — la puissance financière du capital britannique, le rôle du capital allemand sur le marché des biens d’équipement industriels, les spécialisations du capital français adossé à l’État dans le nucléaire, l’industrie d’armements, l’aéronautique ou les transports… —, les intérêts de classe immédiats prévalent. Nous avons affaire à une politique coordonnée, une guerre de classe du capital contre le travail.
Reprendre l’initiative
Il n’en va pas, pour le moment du moins, de même du côté des travailleurs. Dans les pays baltes, puis en Grèce, en Roumanie, au Portugal, en Espagne les attaques gouvernementales ont provoqué des mobilisations populaires importantes, souvent des manifestations d’ampleur historique. Mais elles restent éclatées, dans le temps et dans l’espace. Et les batailles menées ne se signalent pas (encore ?) par la capacité de formuler une réponse revendicative à la hauteur de la crise et des agressions des plans d’austérité.
En Europe, la nouvelle simultanéité, même relative, des attaques du capital, devrait aider à la coordination des résistances. Les plans d’austérité convergent, suscitent des mobilisations dans chaque pays, il ne manque que la volonté ou l’imagination pour réaliser un « tous ensemble ! » européen. La Confédération européenne des syndicats (CES) s’est pour le moment limitée à proposer une manifestation à Bruxelles, le 29 septembre prochain — un mercredi, c’est-à-dire qu’en absence d’un appel à la grève à l’échelle de l’UE il s’agirait d’un énième déplacement dans la capitale européenne de quelques milliers de permanents syndicaux. Pourtant les plans d’austérité annoncés mettent en danger y compris les avantages acquis des bureaucrates syndicaux… Et les syndicats de l’État espagnol appellent à une grève générale ce même jour…
« Du côté du mouvement social, la crise a des effets contradictoires », écrit Michel Husson [8]. « D’un côté, elle donne raison aux critiques d’un système dont les fondements mêmes sont percutés par une crise dont l’ampleur démontre l’instabilité chronique et l’irrationalité croissante. Mais, d’un autre côté, elle contraint les luttes à une posture de défense souvent éclatée. Cette tension a toujours existé mais elle est portée à son paroxysme par la crise : il faut à la fois se battre pied à pied contre les mesures de “sortie de crise“ et ouvrir une perspective alternative radicale. »
Sortir de la crise implique une modification significative de la répartition des revenus, au détriment du capital et en faveur du travail. Il faut réduire les inégalités : d’un côté par l’augmentation de la masse salariale, tant les salaires directs que les salaires socialisés (la protection sociale), de l’autre par une modification de la fiscalité au détriment des dividendes, qui n’ont aucune justification économique ni utilité sociale. La réduction des déficits budgétaires n’est possible que par la fiscalisation de toutes les formes de revenus qui ont été dispensées d’impôts à la suite des « réformes » néolibérales. « Les justifications, aussi bien techniques que politiques, d’une nationalisation du système bancaire sont à nouveau apparues avec force : le plan de sauvetage de l’euro est en fait un nouveau plan de sauvetage des banques européennes, qui détiennent en grande partie la dette grecque et celle d’autres pays menacés de spéculation. Pour mettre à plat toutes ces dettes entremêlées, la meilleure solution serait une nationalisation intégrale, permettant une fois pour toutes de compenser, rééchelonner ou solder ces dettes. Les dettes publiques, outre l’impact mécanique de la crise sur les recettes, correspondent pour l’essentiel au cumul des cadeaux fiscaux aux entreprises et aux rentiers. La logique voudrait qu’elles soient annulées, ou largement restructurées. » [9]
Pour répondre à la « crise de la dette » il faut donc des solutions radicales. Des propositions dans ce sens existent : « Annulation de la dette publique, audit citoyen pour annuler cette dette, expropriation des banques pour les transférer au secteur public, nationalisation des banques ou service public bancaire unifié sous contrôle des travailleurs et des peuples », voilà quelques revendications qui sont avancées par le Comité d’annulation de la dette du tiers- monde (CADTM) ou des appels internationaux soutenus par la gauche révolutionnaire britannique, le Bloc de gauche portugais, le Parti polonais du travail ou le Nouveau parti anticapitaliste de France [10]. De telles revendications constituent « un pont », ouvrent un passage, entre les mobilisations défensives contre les mesures visant le démantèlement des acquis et les aspirations à « un autre monde possible ».
Tant la radicalité des solutions à la crise capitaliste que l’ampleur de l’offensive lancée par les représentants du capital en Europe imposent la construction d’un rapport de forces social. A la fois la faiblesse des traditions de mobilisations européennes et les postures éclatées des mobilisations défensives actuelles dans divers pays, comme le conservatisme « national » qui domine les organisations ouvrières, politiques et syndicales, et l’affaiblissement relatif des forces altermondialistes en Europe [11], impliquent que les anticapitalistes fassent preuve d’imagination et de capacité d’initiative en s’attelant à cette tâche. Cela signifie à la fois oser prendre l’initiative d’actions européennes, regroupant celles des forces politiques, syndicales et associatives déjà prêtes, même si de telles actions seront au début minoritaires, afin d’indiquer la voie d’une mobilisation possible [12]. Mais aussi saisir toutes les occasions — même si elles apparaissent routinières, comme la manifestation à l’appel de la CES en septembre prochain — pour en faire des mobilisations les plus massives et les nourrir de revendications radicales que la situation impose, en particulier l’exigence de l’annulation de la dette publique [13] et de la socialisation du système bancaire et de crédit, une revendication que la justification par les gouvernements des plans d’austérité et le caractère illégitime de la dette aux yeux des masses rend aujourd’hui naturellement compréhensible.
Cela implique aussi pour les anticapitalistes d’établir des liens de solidarité et de coopération entre les mobilisations nationales contre les plans d’austérité qui se développent dans divers pays, dans le but de lutter ensemble contre les plans d’austérité de l’Union européenne. Car si, comme l’indiquent les sondages, la grande majorité des travailleurs européens est hostile aux diverses mesures d’austérité, elle est aussi désorientée et manque de confiance dans la possibilité de s’y opposer. Les expériences des mobilisations éclatées et éparpillées des dernières années, menées de manière routinière par les directions syndicales, qui n’ont en général pas permis de bloquer la politique néolibérale — à l’exception, significative, de la mobilisation contre le payement de la dette en Islande, qui après avoir imposé l’organisation d’un référendum a vu 93,2 % des votants rejeter le projet gouvernemental — pèsent aujourd’hui. En sortant de la routine, des initiatives européennes de lutte peuvent aider à changer ce climat. ■
Jan Malewski
Le 8 juin 2010