Le titre est à double sens : « un honorable Sicilien », puisque le
mot « onorevole » désigne un député. Camilleri y recueille et commente
les plus importantes interventions, à la Chambre des Députés, de Leonardo
Sciascia, qui siégeait entre 1979 et 1983 dans les rangs du Partito Radicale.
Il s’agit de la séance du 10 août 1979, où Sciascia analyse et critique la politique
du gouvernement Cossiga lors de l’enlèvement et du meurtre d’Aldo Moro.
Camilleri rappelle le contexte, et précise :
On ne peut pas ne pas constater comment la gestion et la conduite des
enquêtes durant l’emprisonnement de Moro furent souvent inefficaces,
lacunaires, contradictoires et parfois réellement peu transparentes si non
parfaitement équivoques. Un seul exemple, mi-bouffon mi-tragique, suffira.
Un jour Romano Prodi se présenta au quartier général de Cossiga, peut-être
bourré de trop de gens de la P2, affirmant que durant une séance de spiritisme
avec le pendule (sic !) était apparu que Moro était tenu prisonnier en un lieu qui
avait un rapport avec le nom, de Gradoli.
Tout de suite magistrats, carabiniers et policiers, rapidement envoyés dans la
localité de Gradoli, à quelques kilomètres de Rome, foullèrent chaque mètre
carré de la zone, avec des chiens et des plongeurs, mais ne trouvèrent rien.
Mais à personne, et la chose semble quand même bien bizarre, ne vint l’idée
de consulter un quelconque répertoire des rues de Rome : on aurait ainsi
découvert qu’il y avait à Rome une via Gradoli, où, détail non négligeable, le
SISDE, une branche des Services, possède quelques appartements de fonction.
Et voici une autre bizarrerie.
Le matin du 18 avril, quelqu’un habitant au 96 de la rue Gradoli appelle les
plombiers parce qu’il est inondé par une fuite venue de l’appartement au
dessus. Les vigiles forcent la porte et découvrent, dans la salle de bains de
l’appartement abandonné, que la douche a été laissée ouverte exprès et disposée
de façon à ce que l’eau passe à travers le sol.
Non seulement, mais dans l’appartement, qui résulte loué depuis trois ans à
l’ingénieur Mario Borghi et à sa compagne, sont retrouvés des documents
des Brigades Rouges, des armes et jusqu’à un appareil radio. On découvre
ainsi que via Gradoli se tenait la principale base d’opérations des BR, et que
l’introuvable ingénieur Borghi n’est autre que Mario Moretti, chef des BR de
Rome stratège du rapt Moro et que sa compagne est la brigadiste Barbara
Balzarani.
Une plaisanterie des BR qui justement dans ces pièces avaient tenu quelques
temps Moro prisonnier ?
Et donc, quand tous les enquêteurs furent déroutés vers la localité de Gradoli,
comment ne pas soupçonner un dépistage délibéré ?
* Andrea Camilleri, Un onorevole siciliano, Bompiani, Milan, 2009, 12 euros.