Pékin Correspondant
Ils font plusieurs kilomètres carrés de superficie, une vingtaine de mètres de profondeur et peuvent passer, vus de l’extérieur, pour des retenues d’eau. En réalité, ce sont des dépôts à cendres, résidus toxiques de la quantité colossale de charbon consommée par la Chine. Ces parcs à suie recueillent les restes de la combustion du charbon par les centrales thermiques du pays, ceux issus notamment du filtrage des particules, du nettoyage des cheminées et des poussières qui contribuent au réchauffement climatique. Le laxisme qui entoure leur gestion en fait un problème écologique majeur, dont l’impact sur l’environnement et la santé humaine est totalement sous-estimé, selon un rapport publié mercredi par Greenpeace Chine.
Une équipe de militants et d’experts de l’ONG a visité pendant huit mois 14 sites disséminés dans le pays. Le constat est accablant : dans plus de la moitié des cas, des villages sont situés à quelques dizaines de mètres seulement des dépôts de « carbocendres », alors que ceux-ci sont censés être éloignés d’au moins 500 mètres de toute zone d’habitation. Ainsi, dans le Jiangxi, les eaux de ruissellement qui proviennent de l’arrosage des cendres s’écoulent directement à travers les maisons et à proximité d’une école. Dans le Shanxi, les paysans qui vivent en bordure du site très mal entretenu de Shentou voient mourir leurs animaux et s’affaisser leurs maisons en raison des infiltrations d’eau. En Mongolie-Intérieure, des troupeaux de vaches ainsi que des centres de collecte de lait sont situés en contrebas d’un dépôt.
Sans protection
Sur ces immenses carrières de poussière blanche qui font penser à des paysages lunaires, les ouvriers, souvent recrutés dans les villages voisins, travaillent sans aucune protection. « Dans la plupart des cas, les cendres sont stockées sous forme sèche, elles sont extrêmement volatiles. On en retrouve dans les tempêtes de sable, par exemple (...). Quand il y a de l’arrosage, ou que les cendres sont sous forme de boue, les déversements se font directement dans les champs ou les rivières », témoigne Xingmin Zhao, l’une des responsables de l’enquête. « Les sites devraient être imperméabilisés, et ces eaux traitées comme sur n’importe quel site industriel, ce qui n’est pas le cas », poursuit-elle.
Les 14 dépôts visités par Greenpeace ne représentent que 4 % de la capacité totale installée de production d’électricité des centrales thermiques du pays. La Chine, premier utilisateur mondial de charbon, a consommé 3 milliards de tonnes de charbon en 2009, soit trois fois plus que les Etats-Unis, deuxième utilisateur mondial, et généré, selon Greenpeace, 375 millions de tonnes de « carbocendres », soit deux fois la quantité de ses déchets ménagers urbains. Or ces cendres contiennent des métaux lourds, très toxiques. « Ce problème est en dehors du champ de vision des autorités. Les centrales électriques ne sont pas contrôlées, et font croire à un taux de recyclage élevé, de 60 %. Mais les planificateurs et les autorités de supervision s’en satisfont, car ils sont focalisés sur le concept d’efficacité énergétique », explique Rashid Kang, un autre contributeur du rapport. Greenpeace estime que le taux de recyclage réel des cendres de charbon ne dépasserait pas les 30 %.
Brice Pedroletti