On échange les rôles. Dans les meetings contre la réforme des retraites, d’habitude, les socialistes jouent en terrain hostile : salles bourrées de militants de la gauche radicale, accueil sceptique, voire très critique… Hier, c’était à Olivier Besancenot de jouer à l’extérieur. Tombé de l’avion - et reparti dans la foulée - avec Pierre Laurent (PCF) et Jean-Vincent Placé (Verts), le porte-parole du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) était invité par Benoît Hamon et Henri Emmanuelli à Vieux-Boucau (Landes) pour l’université de rentrée de leur courant, « Un monde d’avance », et un meeting matinal contre la réforme des retraites. Besancenot devant des socialistes : une première. « C’est les journées du patrimoine donc c’est journée portes ouvertes », plaisante-t-il à son arrivée, petit livre de Rosa Luxembourg dans la poche arrière du jean.
Dans la salle, un millier de jeunes militants scandent des appels à l’« unité ».« Nous avons des différences, peut-être même des incompatibilités, débute Henri Emmanuelli. Mais nous avons une extraordinaire responsabilité devant ce peuple de gauche, qui attend qu’on soit rassemblés. » « A ceux et celles qui demandent encore ce que je fais ici, Je voudrais dire que je me sens à ma place », interloque Besancenot. Sa « place » ? Pas au PS ! Mais celle qu’il tient dans les meetings unitaires organisés par Attac et la fondation Copernic contre la réforme des retraites. Le leader du NPA poursuit : « Si on marche séparément, on frappe ensemble sur le même clou ! » A fond pour « la défense de la retraite à 60 ans, à taux plein », Besancenot prévient : « Je vous le dis fraternellement : arrêtons un peu de regarder 2012 ! La situation ne sera pas du tout la même si Sarkozy fait passer sa réforme. »
La salle est conquise. Comme un capitaine à la mi-temps d’un match, il y va de sa causerie : « On peut encore gagner mais à une condition camarades, c’est de ne plus trembler […] l’unité c’est aussi ça. » Carton plein. Besancenot futur allié des socialistes ? « Nos programmes ne sont pas compatibles », tranche-t-il. Peu importe pour Hamon : « Il y a des cultures différentes de gouvernement à promouvoir, dont celle qui ne conçoit pas la mobilisation sociale comme un adversaire du changement. » Le porte-parole du PS compte, au lendemain d’une éventuelle victoire en 2012, sur des mobilisations sociales pour aider la gauche politique. Et de lancer à ses troupes : « L’unité, ce n’est pas l’aile gauche du PS qui la veut, mais tout le PS ! » Avant lui, Verts et communistes avaient, eux aussi, vanté les vertus de l’unité : proposition d’un « accord d’alternance avant l’été prochain » pour Placé ; mise en garde de Pierre Laurent contre « le spectacle du bal des présidentiables ».
Seul absent de cette gauche rose rouge rassemblée : Jean-Luc Mélenchon, non-invité. Mais dans l’entourage de Benoît Hamon, la présence du président du Parti de gauche chez Ségolène Royal samedi amusait : « Il est parti en pensant que Royal allait prendre le parti. Et la première qu’il va revoir au PS c’est elle… » L’unité, d’accord, mais pas encore au point de surmonter les rancœurs.
Lilian Alemagna
* Paru dans Libération du 20 septembre 2010.
NPA : L’UNITÉ DANS LA LUTTE SEULEMENT
« Marcher séparément mais frapper ensemble sur le même clou. » Olivier Besancenot répète inlassablement le même refrain depuis le début de la bataille contre la réforme des retraites. C’est l’argument qu’il brandit pour justifier sa présence, dimanche, à Vieux-Boucau (Landes), au « meeting commun » sur les retraites, organisé au sein de l’université de rentrée de Benoît Hamon et Henri Emmanuelli.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, les gènes du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) et de son leader n’ont pas muté : « Nos programmes ne sont pas compatibles », affiche clairement Besancenot, dont le parti considère que « le fossé entre une gauche d’adaptation et une gauche de résistance existe toujours ». Puisque les socialistes « inscrivent leur orientation dans l’économie de marché », il ne peut y avoir d’alliance électorale - sauf pour battre la droite - et encore moins de participation à un gouvernement avec des socialistes. « Et ceux qui veulent faire croire qu’on peut convertir le PS à l’anticapitalisme, je leur souhaite bien du courage », sourit-il. Manière, pour le NPA, de pointer les contradictions du Front de gauche entre communistes et Mélenchon : « Pour ceux qui se réclament de l’anticapitalisme, soit on assume une indépendance totale vis-à-vis du PS pour donner un débouché radical aux mobilisations sociales, souligne Besancenot, soit au nom de « l’unité, l’unité, l’unité » et parfois malgré soi, on ressert de caution de gauche à une énième alternance, quel que soit le nom qu’on trouvera. » Besancenot a fait son choix.
Lilian Alemagna
* Paru dans Libération du 18 septembre 2010.