Deux éminentes femmes défenseurs du genre et des droits humains arrêtées en Gambie.
Deux éminentes militantes du genre et des droits humains, Dr. Isatou Touray et Amie Bojang Sissoho ont été interpellées le lundi 11 octobre 2010 par les forces de sécurité gambiennes, gardées à vue sans inculpation au commissariat de police de Banjul, puis envoyées en prison le mardi 12 octobre 2010.
Dr. Isatou Touray et Amie Bojang Sissoho ont été interpellées lundi 11 octobre par un agent du National Intelligence Agency (NIA : service des renseignements des forces de sécurité) pour se présenter devant le chargé des relations publiques de l’agence nationale en charge de la drogue. Sur les lieux, elles ont été dirigées vers la direction de la police et détenues sans inculpation. Elles ont ensuite été acheminées au tribunal qui a décidé de la détenir jusqu’au mardi 12 octobre 2010. Le mardi 12 la demande de liberté provisoire introduite par les avocats des prévenues a été rejetée par le tribunal. Le juge a envoyé les deux dames à la prison centrale de Mile Two pour 8 (huit) jours pendant que les enquêtes se poursuivent.
Dr. Isatou Touray, Directrice Exécutive et Amie Bojang Sissoho, Coordonnatrice des programmes pour le Gambia Committee for Traditional Practices (GAMCOTRAP) sont depuis plusieurs années actives dans la promotion du genre, des droits de la femme et de l’enfant, particulièrement dans la lutte contre les mutilations génitales féminines et autres pratiques discriminatoires. Dr Touray est également Secrétaire Général du Comité Interafricain sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants (IAC), une ONG internationale qui compte des comités nationaux dans 28 pays africains, 8 en Europe, aux USA, au Canada, au Japon et en Nouvelle Zélande.
GAMCOTRAP est l’une des organisations leaders travaillant pour la promotion des femmes et des jeunes filles, l’abandon des mutilations génitales féminines et autres pratiques néfastes aux femmes et aux filles en Gambie. Des années de lutte et d’efforts immenses de GAMCOTRAP ont contribué substantiellement au développement des femmes et des jeunes filles en Gambie et a par ailleurs convaincu près de 100 exciseuses à jeter publiquement leurs couteaux et abandonner cette pratique.
Les deux femmes ont été arrêtées et détenues depuis Lundi pour un prétendu détournement de 30 000 euros. Elles ont passé la nuit du Lundi au mardi dans les locaux de la police et leur demande de mise en liberté provisoire qui devait être étudiée mardi a été rejetée. Elles ont finalement été emprisonnées pour huit (8) jours.
Expliquant sa décision, le magistrat en charge du dossier, M. Emmanuel Nkea a précisé qu’il lui était difficile de trancher, du fait que la défense n’a pas donné suffisamment de gage prouvant qu’elle n’influencerait pas l’enquête de police en cours, raison pour laquelle, il a rejeté la demande de liberté provisoire et envoyé les prévenues pour huit (8) jours à la prison de Mile Two. Elles comparaitront de la cour à la fin des huit jours. Le procureur avait demandé un délai de quatorze (14) jours pour boucler l’enquête.
Cependant, des sources proches de la Présidence ont révélé que la détention des deux femmes est un ordre venant du pouvoir exécutif.
Pour rappel, en mai 2010, la Présidence avait mis en place une commission d’enquête de la GAMCOTRAP sur la gestion des fonds du bailleur espagnol YALOCAMBA SOLIDARIDAD. Après une enquête minutieuse, des différents rapports et documents, la commission avait conclu que les allégations de détournement étaient non fondées. Mais, après avoir présenté ses résultats, la commission a été dissoute et certains de ses membres licenciés par le gouvernement gambien. Une deuxième commission fut ensuite mise en place, mais pendant que le GAMCOTRAP attend les conclusions de cette deuxième enquête, les deux femmes ont été arrêtées et emprisonnées.
Ce n’est pas la première fois que GAMCOTRAP est dans le viseur du gouvernement de Yaya Jammeh. En 1999, la sécurité de ses membres fut menacé quant le Président avait publiquement déclaré qu’il ne pourrait pas garantir la sécurité des activistes qui mènent une campagne contre les mutilations génitales féminines (MGF). Cela fut suivi d’une directive au Directeur de la Radio Télévision de Gambie interdisant au personnel la diffusion de messages qui s’opposent aux MGF ou mentionnant des risques médicaux. Seuls des messages appuyant cette pratique étaient autorisés dans les médias d’Etat GAMCOTRAP avait alors été la première organisation de la société civile en Gambie à réagir en envoyant une lettre ouverte au Président.
Il faut également rappeler que le Président Jammeh a systématiquement proféré des menaces directes aux activistes et défenseurs des droits de l’homme. L’année dernière, il avait menacé d’arrêter les militants des droits de l’homme. En Septembre 2010, le défenseur des droits de l’homme et directeur « Africa in Democracy and Good Governance », Edwin Nebolisa, a été emprisonné pour 6 mois assortis d’une amende de 10 000 dalasis (environ US $ 300) par le Tribunal de Banjul qui l’avait déclaré coupable pour « diffusion de fausses nouvelles » concernant la Présidence de la République. Nebolisa avait été arrêté en mars 2010 suite à la publication d’une lettre qu’il aurait écrite à la présidence pour annoncer la nomination de la fille du Président Jammeh comme ambassadrice de bonne volonté en Afrique pour la Démocratie et la bonne gouvernance. Le magistrat avait également demandé la suspension définitive de l’organisation dirigée par M. Nebolisa.
Récemment, le gouvernement a initié un processus pour modifier la réglementation des ONG afin de mieux les contrôler pour leur imposer des restrictions.
La Coalition pour les Droits Humains en Gambie invite le Président Yaya Jammeh et son gouvernement à respecter les Droits constitutionnels de Dr. Isatou Touray et Amie Bojang Sissoho et à laisser libre cours à une justice équitable.
Pour plus d’informations contact : +221 33 867 95 87
ORGANISATIONS SIGNATAIRES :
Réseau Inter Africain pour les Femmes, Medias, Genre et Developpement -FAMEDEV
Fédération Internationale des Journalistes (FIJ)
Syndicat des Professionnels de l’Information et de la Communication du Sénégal (SYNPICS)
Rencontre Africaine pour le Défense Des Droits de l’Homme (RADDHO)
Amnesty International, Section Senegal
Radio Alternative Voice for Gambians-Radio AVG
Article 19
Organisation Nationale des Droits de l’Homme (ONDH)
Réseau Presse et Parlement du Sénégal (REPPAS)
Union des Journalistes d’Afrique de l’Ouest (UJAO).