Bilan de ce premier tour ?
Carlos Bittencourt : Malgré l’immense
popularité de Lula, le fait qu’il faille un
deuxième tour est une déroute des
attentes des supporters les plus optimistes du gouvernement. Mais cela
ne doit pas induire en erreur : le PT est
le parti qui a fait élire le plus de députés, tant sur le plan fédéral que sur
celui des parlements des Etats. Il a
aussi consolidé sa base parlementaire.
Malheureusement, cette hégémonie
pétiste n’est pas synonyme d’un positionnement plus à gauche. C’est la
droite qui fixe l’agenda politique du
second tour ainsi que le montre clairement la croisade contre la décriminalisation de l’avortement. Au
deuxième tour, le PSoL n’appuiera
aucun des deux candidats et s’annonce d’ores et déjà comme l’opposition de gauche au nouveau
gouvernement, quel qu’il soit.
Lors de la première élection de Lula en
2002, il était confronté à l’existence de
puissants mouvements sociaux. Huit
ans de lulisme les ont anesthésiés. Que
va-t-il se passer maintenant ? Comment
les reconstruire pour combattre l’accélération de la modernisation capitaliste
du Brésil ?
Cela dépend de qui va gagner le 31. Si
c’est le PT, il y a des chances que les
effets de la narcose perdurent encore
quelque temps. La gauche socialiste
va probablement rester isolée, mais
sans doute moins que sous Lula. Par
contre, une victoire, peu probable, de
Serra pourrait imposer au PT un tournant vers les mouvements sociaux
avec une logique de confrontations
partielles avec le gouvernement. Mais
il ne faut pas se contenter de ces spéculations : construire une élaboration
radicale, critique du néolibéralisme et
pédagogique, compréhensible pour
les gens, c’est notre tâche la plus
immédiate.
Echec relatif de Dilma, renforcement du
PT, et le PSoL ?
La campagne présidentielle de notre
candidat Plínio Arruda Sampaio a été
une très belle occasion de réaffirmation des valeurs et des propositions
socialistes. Malheureusement, la loi
électorale et la presse ont réduit la
compétition électorale à trois candidats avec Serra et Dilma comme représentants de l’establishment et Marina Silva [ancienne ministre de Lula, porte
parole du parti Vert] dans le rôle de la « troisième force ».
C’est ce qui nous a marginalisés avec un résultat autour
de 1%.
Par contre, au parlement nous enregistrons une petite augmentation de notre représentation. De plus, l’élection à Rio
de Janeiro de notre camarade Marcelo Freixo a une dimension massive. Marcelo est par ailleurs le protagoniste d’un
film Tropas de elite qui relate les relations troubles entre
police et politique dans l’Etat de Rio.
Mais les aspects les plus positifs sont sans doute le respect
populaire que nous avons acquis à travers notre présentation et un processus de multiplication des adhésions militantes. Le PSoL sort de ces élections « plus parti », plus
aguerri, avec une forte confiance dans sa capacité d’agir
malgré les deux défaites importantes que sont la non-réélection de Luciana Genro [députée fédérale du Rio
Grande do Sul] et d’Heloïsa Helena [sénatrice de l’Etat
d’Alagoas].
L’incapacité de la gauche radicale de présenter une candidature
unique a aussi joué un rôle. Et va peser sur la suite.
Oui, certainement. Mais comme nous n’avons pas pu présenter la candidature unifiante d’Heloïsa Helena [qui avait
recueilli presque sept millions de voix en 2006], chaque
petite force de la gauche radicale a choisi de présenter son
propre candidat dans un but d’auto-affirmation. Leurs
scores électoraux ont été infimes et le résultat politique nul.
Une recomposition de ces forces est dans l’ordre du possible, mais tout cela dépendra de la dynamique des luttes
sociales…
En Europe, toute la presse parle du « miracle brésilien », de la
diminution de la pauvreté. Qu’en est-il au juste ?
Il y a réellement eu une forte diminution du nombre des
gens qui vivent dans une misère extrême. Les programmes
d’assistance ont joué un grand rôle pour cela. Nous défendons la nécessité d’une plus forte institutionnalisation de
ces programmes pour qu’ils ne puissent pas être développés ou limités sur simple décision gouvernementale. De
manière générale, il y a une augmentation des revenus, ce
qui n’est pas synonyme de diminution des inégalités. Une
intense concentration des richesses a accompagné cette
augmentation. Je pense que l’amélioration des revenus et
la diminution du chômage résultent d’un repositionne-
ment, y compris au niveau international, du Brésil.
Paolo Gilardi