CANCUN (MEXIQUE), ENVOYÉ SPÉCIAL - « Il reste moins de 48 heures aux négociateurs pour écrire l’histoire et sécuriser l’avenir de nos enfants », a prévenu Kumi Naidoo, le médiatique directeur de Greenpeace, jeudi 9 décembre, à Cancun. Alors que les ministres et les diplomates réunis pour la conférence sur le climat ont entamé le sprint final de ces négociations, enfermés jour et nuit dans des salles à l’atmosphère plus que tendue, les dirigeants des grandes ONG mondiales de l’environnement ont tenu une conférence de presse commune pour leur demander de rehausser leurs ambitions.
« L’atmosphère est plus constructive qu’à Copenhague en 2009, de nombreux pays sont déterminés à remettre la négociation sur les rails », a estimé le directeur d’Oxfam, Jeremy Hobbs, même si de nombreux points restent à éclaircir. L’Australien a regretté que « les Etats-Unis continuent à prendre la négociation en otage », tandis que le directeur de Climate Network International, l’Américain David Turnbull, a condamné l’« attitude inflexible et impardonnable » du Japon, qui refuse de s’engager dans une deuxième période du protocole de Kyoto. « Ne nous décevez pas ! », a exhorté Yolanda Kakabadse, la présidente équatorienne de WWF.
SÉVÉRITÉ DU DISPOSITIF DE SÉCURITÉ
Malgré cet appel solennel aux 194 pays réunis dans les salles et les couloirs du Moon Palace, les ONG sont apparues très discrètes pendant ces négociations, comparé à la débauche de manifestations spectaculaires qui avaient accompagné la conférence de Copenhague.
La sévérité du dispositif de sécurité déployé par les Nations unies et le Mexique n’y est pas étrangère. En cantonnant les stands des délégations non gouvernementales à plus de 7 km du lieu de la conférence et en empêchant toute manifestation d’approcher, au moyen d’un impressionnant déploiement militaire et policier, les organisateurs ont privé la société civile d’une partie de sa visibilité – quitte à recourir à la force.
Une vingtaine de militants de l’organisation paysanne Via Campesina qui scandaient des slogans au pied du Moon Palace, mardi 7 décembre, se sont vu confisquer leurs accréditations avant d’être fermement expulsés en bus par un service d’ordre très nerveux.
Les ONG ont ainsi renoncé à jouer les trouble-fête dans l’enceinte du Moon Palace, se concentrant sur un intense travail de lobbying auprès des délégations. Même Greenpeace, réputée pour ses mises en scène médiatiques, ne s’y est pas frotté. L’ONG avait un temps imaginé recourir à ses bateaux présents dans le Golfe du Mexique depuis la marée noire pour adresser un message aux négociateurs depuis la mer. La flotte de guerre déployée par la marine mexicaine au large de la plage du Moon Palace l’en a dissuadée.
RELATIF RETRAIT
Mais la discrétion des ONG a une autre raison : elles ont intégré, comme les négociateurs, que la conférence de Cancun porterait des ambitions et des enjeux plus modestes qu’à Copenhague. Ainsi, la délégation de Greenpeace compte une cinquantaine de personnes, dont une vingtaine de Mexicains. Un effectif divisé par cinq par rapport à l’année dernière. « C’est une étape importante mais pas décisive, qui ne peut déboucher que sur des accords institutionnels », explique Karine Gavand, de Greenpeace France. « Faut-il investir toutes ses forces pour déplacer une virgule ? On ne veut pas créer de déception en invitant le public à se mobiliser... »
Quel sera l’effet de ce relatif retrait ? « L’éloignement des ONG contribue à apaiser l’atmosphère, l’absence de pression facilite plutôt la négociation », juge l’ambassadeur francais chargé du climat, Brice Lalonde. On saura, vendredi soir, si l’issue de la conférence lui donne raison.
Grégoire Allix