L’accord de Cancún entérine l’« accord » de Copenhague, qui n’était légalement qu’un texte parmi d’autres même s’il avait été proposé par les États-Unis et la Chine et soutenu par les grands pays. Il est désormais un texte des Nations-Unies et un pas de plus vers la fin du protocole de Kyoto. Si, comme le prévoit le protocole, une seconde période d’engagements contraignants pour des réductions d’émissions de gaz à effet de serre est notée, aucune date n’est retenue. Les pays seraient libres de choisir l’année de référence pour les calculs de leurs engagements et, pour tous ceux qui ne choisiraient pas l’année 1990 fixée à Kyoto, ils ne seraient pas soumis au cadre contraignant du protocole. En ce sens, l’accord de Cancún est le prolongement juridique du texte de Copenhague qui avait déjà ouvert cette possibilité.
Le texte adopté est même en deçà : même si les travaux du GIEC sont évoqués, aucun objectif chiffré en matière de réduction des émissions n’y figure. La demande de nombre de pays africains, des états des petites îles, de nombreux pays du Sud, en accord avec les travaux scientifiques récents, de fixer l’objectif à 1,5°C n’a pas été retenue. Le fonds vert est certes créé, mais sans aucune garantie que les financements soient apportés et avec la Banque mondiale comme acteur essentiel. Quels financements pour l’adaptation, mise en avant par les pays les plus pauvres, alors que les capitaux s’orientent prioritairement vers les activités lucratives de l’économie verte ? Aucun financement public nouveau n’étant retenu, ni par le biais de la taxation du transport maritime, ni par le biais du transport aérien, ni bien sûr par le biais de taxes globales. Seuls 15% des financements seraient publics, le reste étant fourni par les marchés du carbone et la contribution propre des pays du Sud. En revanche, le texte ouvre la porte à l’extension des marchés du carbone : c’est la carbonisation de la terre, des forêts, un « CO2lonialisme », selon l’expression des mouvements sociaux, le carbone devenant une sorte de monnaie d’échange universelle, gérée par la banque mondiale. Tout y est !
Autant dire que cette « victoire » est un recul par rapport à la conférence de Bali, qui, en 2007, avait fixé une feuille de route devant conduire à une nouvelle phase d’engagements contraignants ! Et on ne pourra pas ici invoquer l’attitude de la Chine, qui a clairement annoncé qu’elle était prête, comme pays émergent, à accepter des engagements contraignants.
Nous apportons notre soutien à la position exprimée par la délégation bolivienne, qui s’est battue jusqu’au bout pour faire valoir les droits des humains et des peuples et les propositions des mouvements sociaux ; elle a donné à cette conférence une tenue politique contre l’affairement des lobbies et la démission des États. La Bolivie a rappelé son refus sans appel du contenu de l’accord, qu’elle a souhaité voir notifier. Elle a montré son attachement au processus onusien et affirmé que le multilatéralisme, tant vanté par les puissants, ne saurait signifier alignement, chantage et soumission.
D’ici la prochaine étape à Durban, en Afrique du Sud, nous avons à construire, avec des coalitions comme CJN ! (Climate Justice Now !) à laquelle appartient ATTAC avec le fédération internationale des Amis de la Terre et l’internationale paysanne Via Campesina, les mobilisations et le rapport de force nécessaires pour sortir de l’impasse un processus qui, en l’état, ne répond pas aux défis de la crise climatique et de ses conséquences, sociales, écologiques, politiques.
Attac France,
Cancún, le 11 décembre 2010
http://www.france.attac.org/spip.php?article12040
Cancún à la veille de la fin des négociations
Accord ou pas accord ? La question ne se pose plus exactement ainsi, tant les choses sont diluées, bloquées, engluées dans des discussions techniques. Le protocole de Kyoto sera certainement formellement maintenu : sont évoqués ici un éventuel prolongement de la durée de la première période au-delà de 2012 ou bien un marchandage avec le Japon et ceux qui ont animé le front du refus pour introduire le nucléaire et le stockage du carbone dans les mécanismes de développement « propre » ou encore quelques arrangements de dernière minute.
Le G77 plus la Chine, qui avait porté les exigences des pays du Sud à Copenhague s’est retrouvé plutôt aphone. Les pressions pour la signature de « l’accord » de Copenhague et les marchandages qui les ont accompagnées (voir Wikileaks), menacent l’accord fragile entre pays émergents, pays les moins développés, États des petites îles et pays refusant cet accord - signé actuellement par 139 pays plus l’Union européenne sur les 193 de la COP-. La Chine, qui enchaînait ses conférences de presse à Copenhague, est restée publiquement silencieuse. Son annonce d’engagement sur des objectifs contraignants pour 2020 enlève des arguments à ceux qui refusent le protocole de Kyoto au prétexte que la contrainte s’applique aux seuls pays industriels. Le Brésil, qui vient de voter une loi remettant en cause ses avancées précédentes en matière de déforestation, enchaîne des conférences de presse pour ne rien dire. Autant dire que le résultat final va dépendre de l’attitude de ces pays regroupés dans le BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde, Chine) : pour des motifs divers, ils exigent une seconde période d’engagement sous le protocole de Kyoto.
Les mouvements sociaux présents ici dans l’espace mexicain du « Dialogo climatico » ou dans celui de la Via Campesina ou du Klimaforum expriment leur refus d’un accord passé au dessus des peuples. Ils rendent visibles des alternatives concrètes qui nécessiteraient, pour s’étendre, un véritable soutien des États et des instances internationales.
Après Copenhague, au delà du piteux résultat obtenu, le processus onusien a été menacé. Les Nations unies sont pourtant la seule arène dans laquelle les pays les plus faibles peuvent faire entendre leur voix. À Cancún, ce processus n’a pas été enterré. Mais avant le prochain sommet à Durban en 2011, l’étape du G20 en France, un mois avant le sommet onusien, sera déterminante. Le changement climatique est à son ordre du jour en lien avec la régulation financière et ce G8 élargi se proclamerait bien volontiers nouveau directoire de la « gouvernance climatique ». Nous aurons à manifester le plus massivement possible pour empêcher que le G20 ne se substitue à la convention des Nations unies sur le changement climatique.
Attac France,
Cancún le 9 déccembre 2010