Le « remplacement » du contrat première embauche (CPE) a constitué une victoire importante pour les jeunes mobilisés. La mobilisation qui a commencé il y a deux mois s’est essentiellement développée autour de l’exigence du retrait de cette mesure. Mais les étudiants se mobilisent aussi pour obtenir le retrait du contrat nouvelles embauches (CNE) et de l’intégralité de la loi sur l’égalité des chances (LEC), dont le CPE faisait partie. Il est évident pour les jeunes qui participent aux assemblées générales (AG) que le CNE nous touche autant que le CPE, puisque de nombreux jeunes cherchent du travail dans de petites entreprises, et que la LEC contient des attaques inadmissibles contre les jeunes, en termes de répression et de conditions d’entrée sur le marché du travail.
La mobilisation a connu un net recul depuis le retrait du CPE : les salariés et beaucoup de jeunes considèrent que l’essentiel est gagné. Mais la mobilisation continue dans certaines universités. À Bordeaux, par exemple, les campus de Bordeaux I et II ont arrêté le blocage, mais il s’est maintenu à Bordeaux III. Des assemblées générales massives (plus de 1 000) se sont maintenues. Une action a été organisée sur le plateau de France 3 régionale, où une AG a été organisée. À Nancy, même si le blocage a été suspendu, les AG regroupent encore 1 000 à 1 500 étudiants. À Toulouse, l’université du Mirail a été bloquée jusqu’au 18 avril. Dans certaines universités et IUT, la mobilisation s’est arrêtée. C’est aussi et surtout le cas dans les lycées : les lycéens n’ont, pour l’immense majorité, aucune connaissance du CNE et de la LEC. Ils se sont mobilisés uniquement contre le CPE. Cependant, une activité est maintenue dans plus de la moitié des universités. Dans les universités en vacances, des débats sont organisés. Sur la région parisienne, par exemple, des débats ont lieu tous les deux jours à Jussieu. Un forum social universitaire est co-organisé par Javelot, Censier et Tolbiac, avec des débats quotidiens, sur le mouvement social, les médias, la précarité, le féminisme, etc. Cela permet de réfléchir aux suites à donner à la rentrée.
Certains étudiants mobilisent aussi leurs forces pour aller voir les lycéens et les salariés et faire la démonstration que la lutte peut et doit continuer. Des « commissions externes » ou « commissions entreprises » fleurissent et organisent des distributions de tracts dans les réfectoires, à l’entrée des entreprises, des interventions dans des AG, des rencontres avec des syndicalistes. L’écho est toujours extrêmement positif. L’objectif est, en profitant notamment du 1er Mai, de discuter avec les lycéens et les salariés de la possibilité, après la victoire contre le CPE, de gagner rapidement contre le CNE et la LEC.
Après avoir obtenu le retrait du CPE, la question qui se pose au mouvement est de savoir s’il pourra franchir un cap, malgré l’abandon de la plupart des courants politiques et syndicaux : le mouvement est-il capable de passer d’une mobilisation défensive à une lutte offensive ? C’est notre objectif. De plus, les étudiants ont deux choses fondamentales supplémentaires à gagner pour éviter que la victoire ait un goût très amer. Il y a eu probablement 5 000 arrestations et 50 peines de prison ferme pendant le mouvement. Nous ne pouvons pas l’accepter. La coordination nationale appelle à ce qu’un collectif national se mette en place pour réagir. Il y a aussi la question des examens : nous exigeons des conditions de passage des examens qui ne pénalisent pas les jeunes qui se sont mobilisés.
Antoine Larrache
RÉPRESSION
Solidarité indispensable
Il est difficile, aujourd’hui, de dire ce que sera l’avenir du mouvement. Une chose est sûre : après les différentes luttes de ces dernières années, du mouvement altermondialiste aux grèves des précaires et jusqu’au mouvement lycéen contre la loi Fillon, une nouvelle génération politique s’exprime dans les combats de la jeunesse. Alors que chaque mouvement est plus fort que le précédent, la répression, seule réponse du gouvernement à l’affirmation d’une génération de plus en plus déterminée, s’accentue.
Le mouvement lycéen de l’an dernier s’était soldé par une quarantaine de procès et de mises en examen, certaines affaires étant toujours en cours. Mais, cette année, il faut ajouter deux zéros pour avoir une estimation de l’étendue de la répression. La loi sur l’égalité des chances (LEC) est la réponse du gouvernement aux révoltes des banlieues de novembre. C’est pourquoi le mouvement a immédiatement pris position pour l’amnistie des « émeutiers » et de tous les réprimés des mouvements sociaux.
Alors, que le mouvement passe ou non les vacances, qu’il gagne ou non sur les revendications de retrait de la LEC, du contrat nouvelles embauches (CNE) et de la réforme du Ceseda, il aura au moins permis à des milliers de jeunes de vivre une expérience de lutte victorieuse. Ce sont ces jeunes qu’il faut défendre aujourd’hui de toute urgence.
Pour cela, des collectifs se créent localement et la coordination nationale étudiante de Nancy appelle « à la création d’un comité national contre la répression ». Elle appelle « toutes les organisations syndicales, politiques et associatives à y participer ». Toutes les initiatives locales (rassemblements tous les vendredis à 15 h devant le tribunal de Lille, actions « péage gratuit » dans plusieurs villes...) ne suffisent pas à défendre tous les réprimés : aujourd’hui, c’est une loi d’amnistie qu’il faut, et nous pouvons la gagner.
Jean-Baptiste Pelé