Aérogénérateurs et chiroptères ne font pas bon ménage. Les pales des éoliennes constituent, pour les chauves-souris, de redoutables sabres qui les fauchent en plein vol. Plus grave encore, le choc causé par la variation brutale de la pression de l’air près des hélices provoque des hémorragies internes chez les petits mammifères, victimes d’un phénomène redouté des plongeurs : le barotraumatisme.
« En France, les suivis de mortalité au pied des éoliennes laissent penser que certaines machines peuvent tuer jusqu’à une centaine d’animaux par an », note le bureau d’études sur l’environnement et les milieux naturels Biotope. Ce dernier a imaginé une solution qui pourrait assurer une cohabitation aérienne sans heurts. Le système, baptisé Chirotech, a reçu le Prix idée pour la biodiversité du concours Entreprises et Environnement, au Salon Pollutec de Lyon.
« Les chauves-souris ne volent pas tout le temps, explique Hubert Lagrange, directeur de recherche à Biotope. La plupart évitent les vents supérieurs à 6 m par seconde. » Une vitesse en dessous de laquelle, au contraire, les éoliennes n’ont qu’un faible rendement : elles ne tournent à pleine puissance qu’à des vitesses de vent bien supérieures, jusqu’à 25 m par seconde, seuil au-delà duquel elles s’arrêtent pour des raisons de sécurité. « Les chauves- souris ne sont en outre actives que durant quelques heures après le coucher du soleil et pendant une courte période avant l’aube, ajoute le chercheur. Enfin, en dehors de la belle saison - de mai à octobre -, elles hibernent. »
Hémorragies fatales
Moduler l’activité des aérogénérateurs en fonction de ces rythmes de vie réduirait donc le risque de collisions ou d’hémorragies fatales. Le procédé mis au point par Biotope, à partir de plusieurs centaines de milliers d’observations, intègre ces données dans un logiciel informatique qui permet le pilotage à distance - et l’arrêt temporaire - des rotors.
Le système, dont le développement a coûté 376 000 euros en partie financés par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), bénéficie du soutien du groupe Nordex, l’un des leaders mondiaux de l’éolien. Expérimenté depuis un an à Bouin, en Vendée, il permet, d’après le bureau d’études, « une réduction de la mortalité des chauves-souris de 54 % à 74 % », au prix d’une baisse de la production d’électricité « inférieure à 1 % ». Son installation représente un investissement de 50 000 euros, marginal par rapport au prix d’une éolienne, chiffré en millions d’euros.
« L’idée est bonne. Elle n’empêchera pas tous les accidents, mais elle peut limiter la casse », estime Jean-François Julien, de la Société française pour l’étude et la protection des mammifères. Même si les éoliennes font surtout des ravages parmi les espèces migratrices, qui volent plus haut, et par vent plus fort. En France, on dénombre 34 espèces de chauves-souris, toutes protégées.
Pierre Le Hir