Tenon a tenu bon !
La grève à l’hôpital Tenon (Paris 20e) a tenu plus de douze semaines. Pendant trois mois, les quotidiens nationaux et les télévisions se sont fait l’écho des suppressions de lits par manque de personnel, des conditions de travail de plus en plus insupportables, des fermetures des services des urgences ou de néphrologie quand les personnels, confrontés à des situations mettant en danger la vie des patients, exerçaient leur droit de retrait.
Le 16 décembre, sur mandat de l’assemblée générale des salariés de l’hôpital, l’intersyndicale SUD-CGT-CFDT a pris acte des propositions des directions de l’hôpital et de l’AP-HP (l’organisme en charge des hôpitaux publics en Île-de-France), tout en refusant de signer le protocole de fin de conflit que celles-ci lui soumettaient.
Des engagements d’embauches immédiates (dont 59 infirmières et 33 aides-soignantes) ont notamment été arrachés mais, comme le souligne l’intersyndicale, « face aux besoins réels, ces avancées ont un côté un peu dérisoire d’autant plus que l’application concrète ne se fera sentir au plus tôt que début janvier. Un réel bilan des entrées/sorties ne pourra être établi qu’au mois de mars 2011. »
Il est peu probable que la situation s’améliore réellement, indique cette même déclaration, tant que les causes profondes des difficultés perdureront : le manque de financements, les plans dits « efficience » qui ont conduit à la suppression de 160 postes de travail entre 2007 et 2010, et l’organisation du travail basée sur la planification en « grande équipe » qui aggrave à la fois l’exploitation des personnels et la désorganisation des services. « La direction générale ne voulant pas s’attaquer aux questions fondamentales, notre hôpital risque fort de se retrouver à moyen terme dans une situation pire qu’il y a trois mois ! »
Ces questions fondamentales renvoient bien sûr à la politique de santé menée globalement en Île-de-France et dans le pays, aux orientations décidées et appliquées par le gouvernement. Mettre cette politique en échec était au-dessus des seules forces des salariés de Tenon. C’est une mobilisation générale et unitaire de tous les travailleurs de la santé, appuyés sur la solidarité de la population, qui sera nécessaire.
À Tenon en tout cas, les secteurs qui ont fait grève sont tout sauf démobilisés, et l’idée que l’on pourrait bientôt relancer la lutte est bien présente. C’est sans doute la raison pour laquelle la direction de l’hôpital a cru bon de se lancer dans une politique de représailles antisyndicales. Au moment même où elle proposait un accord de fin de grève, elle utilisait un incident tout à fait mineur pour porter plainte contre un des animateurs du mouvement, le responsable CGT, Patrice Lardeux. Les syndicats de Tenon appellent à un rassemblement devant l’hôpital, lundi 10 janvier à 9h30, pour exiger le retrait de cette plainte et marquer le refus de toute sanction disciplinaire. Comme il l’a été jusque-là, le NPA 20e sera naturellement présent.
Correspondants
Carhaix : défendons l’hôpital public !
Le 29 novembre, à Rennes, six jeunes défenseurs de l’hôpital de Carhaix étaient jugés en appel sous l’accusation de « violence volontaires », après avoir été justement relaxés des mêmes faits en première instance par le tribunal de Quimper. Ils avaient reçu à l’occasion de leur relaxe la médaille de la ville de Carhaix pour leur détermination à défendre l’hôpital.
Las, ce verdict de bon sens n’a pas plu en haut lieu. Mieux, le procureur a fait appel des six relaxes alors même que son représentant avait demandé à l’audience la relaxe pour trois des accusés.
Le lundi 30 novembre, plus d’une cinquantaine de personnes, des élus, dont le maire de Carhaix, des militants du NPA de Carhaix et de Rennes, ainsi que Anne Leclerc qui représentait la direction du NPA, se sont déplacés pour exprimer leur solidarité avec nos camarades.
Le ministère public a tenté de faire passer des jeunes qui n’ont fait que défendre leur hôpital pour des criminels, quitte pour cela à utiliser le témoignage d’un gendarme mobile qui ne se rappelait pas grand-chose. Mais toute l’accusation repose sur la déposition plus que floue de ce témoin.
Malgré tout, l’avocat général n’a pas hésité, à la stupeur générale, à demander deux mois de prison avec sursis et 1 000 euros d’amende pour chacun. En précisant que pour l’un d’entre eux cela signifie la prison ferme. Des réquisitions supérieures à celles du parquet de Quimper.
L’avocat des six a replacé les faits dans le contexte où ils se sont déroulés. Des femmes, des enfants et des élus gazés, des violences policières innombrables et surtout la violence de l’État qui a mis en danger la vie de la population comme l’a spécifié le tribunal administratif1 dans ses attendus.
À la fin de l’audience, l’un des six a rappelé au juge que la plainte déposée par le collectif des femmes enceintes en décembre 2008 contre l’État pour mise en danger de la vie d’autrui est toujours au point mort et n’a pas connu le début d’une instruction.
Le jugement a été mis en délibéré au 17 janvier. Personne ne comprendrait que le juge ne confirme pas la relaxe tant est vide le dossier d’accusation.
Le combat continue pour la défense de nos services publics en général et de nos services de santé en particulier. La liste est longue des hôpitaux en danger, malades de la politique de marchandisation de la santé que mène ce gouvernement inféodé aux intérêts du capital.
Le combat continue pour obtenir le retrait de la loi HPST, pour les personnels des hôpitaux dont les conditions de travail ne cessent de se dégrader, pour empêcher les financiers de mettre un prix à nos vies.
Correspondant
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 81 (09/12/10).
Communiqué du NPA. La relaxe pour les défenseurs de l’hôpital de Carhaix
Le 29 novembre, aura lieu, à Rennes, le procès en appel de 6 jeunes carhaisiens qui avaient participé à la défense de l’hôpital de Carhaix, menacé de fermeture.
Accusés de violences volontaires contre les gardes mobiles, ils avaient été relaxés, en février 2009, par le tribunal de Quimper, tant les charges étaient inconsistantes et les témoignages à charge fragiles.
Deux mois plus tard, le parquet faisait appel de cette décision.
Cet acharnement à l’égard de citoyens qui s’étaient mobilisés pour défendre le service public hospitalier montre à quel point le pouvoir veut criminaliser et punir ceux et celles qui résistent à la politique libérale qui s’attaque aux services publics, en particulier à l’hôpital public.
D’aiileurs, suite à cette lutte, de nombreux défenseurs de l’hôpital public ont été convoqués par la police ou suite à une plainte du député UMP de la 6e circonscription du Finistère.
Le NPA qui avait soutenu activement la lutte pour le maintien de l’hôpital de Carhaix et les militants poursuivis, exprime sa totale solidarité avec les six jeunes qui vont être rejugés en appel le 29 novembre.
Une seule décision s’impose : la confirmation de la relaxe.
Le 25 novembre 2010.
Non à la fusion des hôpitaux de Creil, Senlis, et Liancourt
Entretien avec Paul Cesbron, gynécologue-obstétricien retraité, ancien chef de service de la maternité du centre hospitalier de Creil et fondateur du comité de défense de l’hôpital de Creil.
Le 5 novembre à Senlis (Oise), vous avez tenté de rencontrer le directeur de l’ARS, Christophe Jacquinet, pour lui parler de la fusion entre les hôpitaux de Creil, Senlis et Liancourt. Comment cela s’est-il passé ?
On n’a pas pu lui parler mais on était là pour l’accueillir ! Il y avait du personnel CFDT de Senlis, des gens de l’hôpital Paul-Doumer de Liancourt et le Comité de défense de l’hôpital de Creil. On était une quinzaine mais il est passé à travers nos mailles, il ne nous pas reçus.
Le but était essentiellement de rencontrer les travailleurs de l’hôpital de Senlis, de faire converger nos luttes qui s’opposent, tant pour le personnel de Creil, de Senlis ou de Paul-Doumer, à la fusion de ces trois établissements. Cette fusion est en route, elle a commencé, l’ARS a été très claire à ce sujet, en attendant d’ailleurs la suite, la fusion éventuellement d’autres établissements.
Dans le cadre de notre territoire de santé, ça va se limiter à Creil, Senlis et Paul-Doumer. L’hôpital de Clermont-de-l’Oise sera certainement avalé par Beauvais. Voilà la situation, qui est grave et qui est celle de toute la France aujourd’hui.
La fusion a été votée par le conseil de surveillance, notamment par Jean-Claude Villemain, maire de Creil…
Soyons clairs, il n’y avait pas possibilité pour le conseil de surveillance et sur le plan réglementaire d’une opposition réelle sur ce plan. Mais on regrette le vote du conseil de surveillance qui facilite le travail de l’ARS. Surtout au regard des travailleurs de l’hôpital de Creil qui ont le sentiment que si le maire a voté cette convention, c’est sans doute pour le bien de la population…
Pour nous, c’est un recul très dommageable, d’autant plus que nous avions huit membres du conseil sur quinze qui sont membres du comité de défense. Le maire de Creil a pris une décision contraire à ses engagements antérieurs, il a d’ailleurs donné sa démission du comité de défense.
Apparemment, il a négocié une maternité en échange ?
Je pense que c’est une négociation régionale qui nous échappe totalement. On n’en possède pas les éléments. Ce n’est que par déduction, sur la base des menaces qui pèsent essentiellement sur Noyon et Clermont, à l’échelle du département, qu’on devine que des négociations se font dans les cabinets de l’ARS et éventuellement du conseil général (CG). Le président du CG est aussi président du conseil d’administration et de surveillance de l’hôpital de Clermont. Il sait que cet hôpital est très menacé. La volonté de l’ARS est de le faire disparaître. C’est-à-dire les services de médecine, de chirurgie et d’obstétrique. Restera vraisemblablement un service de gériatrie, de rééducation, de soins palliatifs, peut-être d’alcoologie.
Le président du conseil régional, Claude Gewerc (PS), apparaît aux yeux de la population comme un défenseur de l’hôpital général et ne souhaite pas sa mise en pièces. Il a obtenu théoriquement la possibilité d’une construction d’un hôpital à Clermont. Ce projet s’intègre au projet d’aménagement de l’hôpital psychiatrique de Clermont et de la construction d’une grande infirmerie qui prendra en charge les pathologies somatiques des malades psychiatriques qui sont très nombreux.
Donc, on en est à des supputations sur le plan régional, et je ne parle là que de l’Oise, mais la Somme et l’Aisne sont également concernées (Péronne et Chauny sont menacés de fermeture, Abbeville a fait l’objet d’une OPA du privé sur le public). Ce qui est en cause, c’est purement et simplement la suppression de tout le service public, à l’exception du CHU d’Amiens. Ce sont de grosses manœuvres, lourdes. Il est tout à fait évident que pour défendre nos hôpitaux de proximité, il faut des mobilisations locales. Les batailles au niveau régional ne suffisent pas, il faut des batailles de proximité. Ce sont là les vraies batailles, démocratiques, qui mettent au travail une réflexion de terrain sur les besoins de la population et la nécessité de ces hôpitaux. Voilà ce que nous souhaitons.
Vous êtes bien soutenus par la population ?
Le comité de défense est constitué d’environ 350 adhérents, depuis un peu plus de deux ans d’existence. Cela représente un réel soutien. On le voit d’ailleurs dans les débats, la population est très attachée à cet hôpital. La difficulté pour nous à Creil, c’est qu’elle n’a pas le sentiment d’une menace réelle contre l’hôpital puisqu’il fait l’objet d’une extension. Cela paraît contradictoire de défendre l’hôpital contre des mains qui n’apparaissent pas clairement.
Un des objectifs du maire de Creil, je pense, est de sauver l’hôpital de Creil en faisant le sacrifice de celui de Senlis. Mais il est parfaitement conscient que la disparition de l’hôpital de Senlis va laisser le terrain libre au secteur privé. Une opération de privatisation importante fragiliserait l’hôpital de Creil lui-même, qui connaît déjà de réelles difficultés. D’une part, le manque de lits ; les urgences sont en permanence en surcharge. L’extension devait amener 100 lits supplémentaires, il n’y en aura que 50. D’autre part, le personnel est extrêmement serré et doit même être réduit, ce dont se défend l’ARS. La réduction du personnel est déjà en route à Senlis. Le directeur, Duval, qui était directeur-adjoint à Amiens, avait pour fonction de casser toute forme de riposte du personnel de Senlis et de le réduire, par le biais d’un incitation au départ, du non-remplacement des départs en retraite et de la réduction, dans un premier temps, du personnel administratif et technique des hôpitaux de Creil, Senlis et bientôt Paul-Doumer. Dans un deuxième temps, l’ARS souhaite réduire le personnel soignant d’abord à Senlis puis à Creil.
Comment se positionne le maire UMP de Senlis, Jean-Christophe Canter ?
Il a une position très faible sur le plan politique. Son nom apparaît en permanence dans des affaires pas claires… Il était opposé à la fusion mais il l’a laissée faire, théoriquement réduite à la fusion administrative des deux hôpitaux. Il s’agissait évidemment d’une stratégie de dissimulation de la part de l’ARS qui disait ne vouloir fusionner que les administrations. Donc ceux qui sont en situation de faiblesse disent « Ce n’est pas très grave, c’est même une attitude raisonnable qui consiste à mutualiser les administrations des hôpitaux… » Mais ça veut dire augmentation du chômage des personnels. Et on sait bien que, dans toute la France, toutes les fusions administratives sont le point de départ d’une fusion des services d’hospitalisation.
Propos recueillis par Gilles Pagaille et Iris Ben
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 77 (11/11/10).
Hôpital Béclère (Clamart, 92) : la lutte du personnel contre les conséquences d’une fusion absurde
Depuis le début du mois d’octobre, le personnel de l’hôpital Antoine Béclère de Clamart, qui emploie 1500 personnes, est mobilisé contre les conséquences du projet de restructuration de Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP)*.
Il est prévu de le fusionner l’hôpital Antoine Béclère avec l’hôpital Paul Brousse (Villejuif) et l’hôpital Bicêtre (Kremin-Bicêtre), situés dans un autre département (Val-de-Marne). Cette fusion sans cohérence médicale menace 102 emplois à Béclère, essentiellement administratifs.
Le personnel s’est mis lutte avec l’intersyndicale (SUD, CGT, FO) et des assemblées générales bien suivies ont lieu tous les matins. Il n’y a aucune perturbation dans le service des soins mais les services administratifs sont bloqués.
Selon la comptabilité bureaucratico-libérale imposée par le ministère de la Santé, l’hôpital Béclère est en excédent financier de six millions d’euros pour 2009, contrairement à de nombreux autres hôpitaux de l’AP-HP. Cet excédent est essentiellement dû au fait que l’hôpital est depuis des années en sous-effectif de 120 emplois. Les conditions de travail y sont donc difficiles, si bien que l’hôpital a du mal à recruter du personnel. La fusion des trois hôpitaux, en plus de sa lourdeur administrative, permettra à l’administration de noyer cet excédent artificiel dans le déficit des autres hôpitaux et de faire perdre à l’hôpital Béclère son droit à recrutement des emplois manquants.
La lutte a payé car le directeur de l’hôpital a négocié avec les organisations syndicales un protocole qui donne en partie satisfaction au personnel. Si la fusion n’est pas remise en cause, le service financier, la gestion locale administrative, le service de DRH et les labos de Béclère seront conservés et garderont leur autonomie. C’est une victoire qui lève en grande partie, pour l’instant, les inquiétudes.
Mais le personnel est toujours en lutte car il veut négocier les conditions de sortie du conflit alors que la direction cherche à intimider le personnel en le menaçant de sanctions et en refusant de payer des journées qu’elle considère comme des jours en grève. Pourtant, durant tout le conflit, avec le soutien des médecins, le personnel a veiller à ce que tous les soins soient normalement et correctement assurés. La lutte consiste en des assemblées générales et des actions de blocage de services administratifs.
Jacques Radcliff, Clamart, vendredi 5 novembre 2010.
* Le projet de l’AP-HP prévoit la fusion de plusieurs hôpitaux de la région parisienne, dans la cadre d’un plan d’austérité lancé par le gouvernement pour la période 2011-2014. Les 37 hôpitaux doivent être regroupés pour en former 12 ce qui implique de fermer et de détruire des services entiers et des hôpitaux, comme Trousseau ou Bichat. La direction compte par cette opération supprimer 4 000 postes d’ici à 2012. Le déficit de l’AP-HP est de 95 millions d’euros ne représente que 1, 4% de son budget.