La Manche, où est annoncé l’EPR, est la zone la plus nucléarisée du monde et l’un des départements les plus frappés par le chômage. C’est que, contrairement aux idées reçues, l’atome crée peu d’emplois. Le réseau Sortir du nucléaire publie d’ailleurs une étude (1) qui montre que, avec les 3 milliards d’euros de l’EPR, on peut créer 15 fois plus d’emplois tout en produisant et économisant au total deux fois plus d’électricité. Il serait intéressant que les syndicats s’emparent de ces données.
Sur le plan technique, l’EPR est un vieux réacteur (conçu il y a quinze ans !) qui, s’il est construit, produira des déchets radioactifs pour lesquels aucune solution acceptable n’existe ; pourra occasionner un accident nucléaire ; ne résisterait pas à un crash suicide. Or, pour résister aux terroristes, nous devons réduire notre vulnérabilité et non l’accroître.
Rappelons aussi que toutes les centrales nucléaires ont été construites à grand renfort de CRS, réprimant les populations locales. Aujourd’hui, rien n’a changé : la Commission européenne a publié le 25 janvier dernier un grand sondage (2) qui montre que, face à la crise énergétique, il n’y a que 12 % des Européens et seulement 8 % des Français qui proposent d’investir encore dans l’atome. L’EPR ne pourra être qu’un nouveau déni démocratique appuyé par les forces de police. Belle perspective. De plus, vingt ans après Tchernobyl, la vérité est toujours étouffée tant sur le plan international (l’ONU concède 56 morts !) qu’en France (affaire du nuage).
On lit ici ou là que le nucléaire, émettant peu de gaz à effet de serre, permettrait de lutter contre le réchauffement climatique, de remplacer le pétrole, de subvenir aux besoins des pays pauvres (en les mettant toutefois sous tutelle technologique et politique : pas très progressiste !).
Mais ces véritables miracles sont totalement hors de portée de l’atome, lequel ne couvre que 6 % de l’énergie consommée dans le monde : une part marginale et sur le déclin. En effet, elle ne sera plus que de 4 % en 2030 d’après l’Agence internationale pour l’énergie (AIE). À cette date, 250 des 440 réacteurs actuellement en fonction sur terre auront été fermés car arrivés en fin de vie.
Et, même s’ils se concrétisent, les projets annoncés avec fracas ces temps-ci - par des « démocrates » nommés Chirac, Blair, Berlusconi, Bush, Hu Jintao, Poutine ! - ne suffiront même pas à compenser les fermetures de réacteurs.
De toute façon, les réserves d’uranium - le combustible des centrales - seront épuisées dans quatre-vingts ans, et encore plus tôt si de nouveaux réacteurs sont construits. La France n’a d’ailleurs pas d’indépendance énergétique avec le nucléaire puisqu’elle importe 100 % de son uranium, en particulier du Niger où la population est honteusement exploitée et la région d’Arlit gravement contaminée. C’est le volet radioactif de la Françafrique.
Il n’y aura jamais de « grand retour du nucléaire ». Alors pourquoi s’alarmer ? Parce que tout réacteur produit des déchets radioactifs et peut causer un nouveau Tchernobyl. Aussi, pour laisser aux générations futures une terre habitable, il faut lutter contre le réchauffement climatique et sortir (vite) du nucléaire. Pas facile ?
Certes, mais c’est la seule option d’avenir. Il faut un développement à grande échelle des économies d’énergie - principalement dans les pays riches - et des énergies renouvelables, partout sur la planète. Cela commence par ne pas construire le réacteur EPR, réacteur du passé et dépassé.
(2) http://europe.eu.int/comm/public/opinion/archives/ebs-247-fr.pdf