À l’occasion du 8 mars, pouvez-vous nous rappeler quels sont les grands sujets sur lesquels planchent les mouvements féministes ?
Presque toujours les mêmes. Mais les violences faites aux femmes restent une question très actuelle et traverse toutes les couches de la population. Le grand problème de la domination de l’homme sur la femme n’est toujours pas résolu, et celle-ci s’exerce dans tous les domaines de notre société : travail, foyer...
La violence est une sorte de contrôle social sur les femmes. Nous travaillons depuis 2006 à une loi qui soit plus complète que celle qui existe actuellement. Notre proposition est d’insister sur la prévention, l’information... Expliquer aux hommes que l’on vivrait dans une plus grande démocratie s’ils n’exerçaient pas leur pouvoir de domination sur les femmes, si elles étaient plus libres. C’est aussi dans leur intérêt.
Plus libres et plus représentées dans la société tout entière ?
Bien sûr. Politiquement, il faut une vrai parité. Nous sommes en France au 54e rang mondial de la représentation politique pour les femmes. On a très peu de femmes maires dans ce pays. Peu exercent le pouvoir exécutif, ou alors elles sont cantonnées dans des dossiers typiquement féminins, comme l’enfance ou le social.
Les femmes chefs d’entreprise sont sous-représentées. Pourtant, la situation économique n’est pas bonne pour les femmes. Elles sont plus nombreuses au chômage, à temps partiel...
La double journée est encore le fait des femmes. Regardez les chiffres : on a gagné seulement 10 minutes sur les travaux ménagers depuis les années 1960 !
Pourtant, les femmes sont entrées en masse sur le marché du travail. Là, on peut dire qu’elles ont gagné leur autonomie financière. Et c’est une des premières libertés. La France est le pays européen qui a le taux le plus élevé de salariés femmes, mais elles sont sur-représentées dans le travail à temps partiel et nombreuses parmi les travailleurs pauvres.
La première des libertés est aussi le droit à disposer de leur corps. La lutte pour la contraception et l’avortement a été un rude combat pour les femmes. Pensez-vous qu’il y aura un retour en arrière, notamment avec cet arrêt de la Cour de cassation qui offre la possibilité de donner un état civil au fœtus mort avant l’accouchement ?
Le droit des femmes à disposer de leur corps est un combat éternel. On le voit d’ailleurs avec le retour du religieux dans notre société et le discours de Sarkozy qui martèle que les religions sont le socle de notre civilisation. De ce fait, il ouvre la voie aux courants réactionnaires. L’arrêt de la Cour de cassation remet en cause le statut de l’embryon. Nous allons être très vigilantes dans les mois à venir, car tout ce que nous avons obtenu, comme l’allongement des délais de l’Ivg de 10 à 12 semaines, la possibilité de pratiquer l’Ivg médicamenteuse dans les centres de planification et les centres de santé, la suppression de l’autorité parentale pour les mineures pour se faire avorter... a été obtenu dans la lutte. Toujours. Regardez chez nos voisins européens : en Italie, ça va mal, on va sans doute vers un moratoire contre ; en Espagne, la situation n’est pas très bonne...
Nous ne sommes jamais à l’abri d’un retour en arrière. Même quand les lois sont votées en France, il faut plusieurs années pour que les décrets soient appliqués. C’était vrai pour la loi Neuwirth de 1967, dont les décrets sont parus en 1972. La loi de 2001, il a fallu attendre trois ans ... Il faut toujours rester mobilisées.
Marilyn Perioli