Cher Camarade,
Nous avons vu que tu as signé un appel pour la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim [1].
Ce n’est pas à nous de te dire ce qu’il faut signer ou pas et pour tout dire nous sommes plutôt content quand des syndicalistes se soucient aussi de ce qui se passe derrière les murs de leurs (ex) usines. Donc, ne partons pas sur de faux débats. Si nous souhaitons débattre avec toi, ce n’est pas de ta signature qui t’appartient, mais du contenu de cette pétition et des actions prévues à Fessenheim.
Dans cette pétition, il n’y a pas un mot sur le sort des travailleurs de Fessenheim.
Tu es bien placé pour savoir que pour n’importe quel travailleur, une fermeture d’usine c’est la perte de son travail avec des inquiétudes sur son salaire, mais c’est aussi et surtout une perte de son collectif de travail de son utilité sociale.
Tu étais dans une usine qui ne participait pas à la protection de l’environnement, où les travailleurs y laissaient sans doute pas mal de leur santé, (là aussi pas de faux débat, une centrale nucléaire est bien plus nocive qu’une usine de pneumatiques).
Et pourtant, tu sais très bien que ce si une manifestation était venue devant Conti pour en exiger la fermeture, cela aurait été sans doute très violent !
Alors, soyons très clairs : venir manifester devant une centrale nucléaire sans rien proposer aux travailleurs de la boite, c’est prendre le risque de diviser les salariés.
Comme on ne se connait pas, là tu dois te dire que ce sont encore des syndicalistes "crypto productivistes » qui viennent te casser les pieds. Alors avant d’aller plus loin, il nous semble important de te rappeler ce que nous sommes.
Depuis sa création, notre fédération syndicale, essaye de prendre ses responsabilités en matière de nucléaire
• C’est ce qui a justifié la prise de position très largement médiatisé de notre section syndicale de la centrale nucléaire de Penly contre le projet d’EPR à Penly.
• C’est ce qui nous guide en partie dans l’activité au jour le jour des militant-e-s des centrales nucléaires qui ne cessent de dénoncer les atteintes à la sureté nucléaire du fait entre autres de la dégradation des conditions de travail (sous-traitance, suppression d’effectifs..).
Aujourd’hui avec la catastrophe de Fukushima, nous avons la conviction que nous vivons un moment « malheureusement » historique.
• Historique, parce que cette catastrophe marquera les esprits comme AZF, Bhopal, Tchernobyl …
• Historique, parce que la troisième puissance économique mondiale est la référence technologique mondiale et qu’elle est incapable d’enrayer la fonte (fusion) et la dispersion dans l’environnement de plusieurs centaine de tonnes de produits radioactifs.
• Historique, puisque cette troisième puissance économique mondiale qui peut s’effondrer à cause d’événements finalement si prévisibles.
Pour ceux et celles d’entre nous qui travaillent dans les centrales, depuis le 11 mars, la vie quotidienne militante (et personnelle) est complètement percutée par Fukushima.
• Il ne se passe pas une seule journée sans avoir eu de nombreuses discussions sur le sujet.
• Des les premières heures, nous avons compris que « ça craignait », que nos collègues (camarades) de Fukushima allaient risquer leur peau.
• Pour ne rien te cacher, parce que Fukushima peut s’appeler Belleville, Dampierre, ou Fessenheim, parce que nous nous sentons frères et sœurs de nos camarades de Fukushima, beaucoup d’entre nous ont eu les boules dans les jours qui ont suivi la catastrophe.
Quelles sont nos revendications
Avant d’en venir aux revendications nationales, nous pensons que le mouvement ouvrier international doit peser sur ce qui se passe actuellement au Japon et nous souhaitons qu’une commission d’enquête indépendante se constitue au plus taux.
Nous souhaitons que des actions concrètes de solidarité internationale soient organisées.
• Nous nous prononçons pourL’ouverture dès maintenant d’un débat démocratique national sur l’énergie nucléaire et un referendum sur le nucléaire (même si la question ou les questions qui sont à poser dans ce referendum constituent en soit un débat). Nous proposons que soient réquisitionnés les budgets communication de EDF-GDF Suez-AREVA pour financer un vrai débat démocratique.
• Nous nous prononçons pour un moratoire sur le chantier de l’EPR de Flamanville et L’arrêt définitif de toute construction de nouvelle centrale nucléaire.
• Nous nous prononçons pour La (re)nationalisation/socialisation de EDF, Areva, GDF Suez (principal exploitant nucléaire en Belgique) . nous réaffirmons que le secteur concurrentiel, en imposant la recherche du profit maximal, est incompatible avec la sûreté nucléaire.
• Nous nous prononçons pour L’arrêt de toute exportation de centrales nucléaires par les entreprises françaises.
Nos débats
Pour nous il est essentiel de répondre en même temps aux deux questions suivantes
• Comment traite-t-on la reconversion des travailleurs du nucléaire ?
• Comment garantir à tous les usagers l’accès à l’électricité, et donc quel programme alternatif ?
Maintenant que tu nous connais un peu mieux, voilà ce que nous aimerions voir venir de la part des antinucléaires qui s’intéressent au sort des travailleurs du nucléaire.
Nous insistons sur l’absolue nécessité de traiter les 3 questions nucléaire, emploi, accès à l’énergie pour tous et toutes de front.
Nous voulons sortir du cercle vicieux d’avoir à choisir entre la peste de l’accident nucléaire et le cholera du chômage et du manque d’avenir social qui peut précipiter les travailleurs dans les bras du front national.
Il ne faut plus qu’un appel à une manif anti-nucléaire se fasse sans aborder l’emploi et l’accès à l’énergie.
Nous le répétons, organiser des manifestations devant les centrales, c’est bien sûr très tentant médiatiquement, mais c’est « braquer » les travailleurs du nucléaire et mettre en difficulté les syndicats qui ont une position critique vis-à-vis du nucléaire, comme SUD Energie. Ce d’autant plus que les Directions se font un plaisir de nous faire apparaître comme les « anti-nucléaires irresponsables ».
Il existe d’autres lieux pour manifester (siège social d’EDF, Esplanade de la Défense, devant les tours EDF et Areva, Assemblée Nationale ou autres).
Mener une réflexion trans-sectorielle sur les filières à risque
Enfin et surtout, nous avons besoin d’aide Nous ne sommes pas une exception, même si elles ne sont pas – pour le moment - sous le feu de l’actualité : des équipes syndicales, notamment dans l’industrie chimique , l’armement, l’automobile..Sont confrontées à des contradictions comparables aux nôtres.
Nous devons donner des garanties aux travailleurs du nucléaire comme des autres filières à risque sur leur avenir professionnel pour pouvoir aborder la question de l’avenir de leur filière avec un maximum de sérénité. Alors, Au boulot, faisons preuve d’inventivité pour que le syndicalisme ne se limite pas à la défense d’intérêts corporatistes.
Le contre-sommet de Deauville (au Havre)
Enfin nous souhaitons donner un rendez vous : Le 26 et 27 mai Sarkozy réunit le G8 à Deauville et c’est à ce moment que sera évoquée au niveau international et des chefs d’états du G8 la question de la sûreté nucléaire.
A cette occasion, un contre sommet se prépare le 21 et 22 mai au Havre. Ce contre sommet sera le premier rendez-vous international des mouvements ouvrier et altermondialiste dans toute leur diversité après Fukushima.
Alors, ne laissons pas ceux d’en haut décider de l’avenir nucléaire de la planète. C’est à nous d’en décider, c’est à nous de construire un monde débarrassé du risque industriel et du chômage.
Donnons nous rendez vous au Havre le 21 et 22 mai 2011.
Fraternelles salutations syndicalistes,