Vendredi 8 avril, la manifestation sur la place Tahrir a réuni plus d’un million de personnes. C’était la plus grosse manifestation depuis la chute d’Hosni Moubarak. Les principales revendications étaient l’arrestation et le jugement de Moubarak et de ses fils, Alaa et Gamal, et la dénonciation des complicités dont il continue de bénéficier dans sa résidence luxueuse de Charm el-Cheikh. Les manifestants ont aussi réclamé la démission du maréchal Hussein Tantawi, chef du Conseil suprême des forces armées, qui dirige l’armée égyptienne depuis la chute de Moubarak. Tatawi a été ministre de la Défense de Moubarak pendant vingt ans et en est resté très proche.
Les manifestants ne supportent plus que ce soit un comité militaire non élu qui dirige le pays durant une période dite de transition. La nécessité d’élire immédiatement un conseil constitué de civils pour assurer cette transition faisait partie des revendications de la manifestation.
Le lendemain samedi, au moment du couvre-feu, vers trois heures du matin, des dizaines de véhicules blindés ont pris position autour de la place Tahrir et des centaines de soldats accompagnés de policiers ont attaqué les 1 500 manifestants encore sur place. Ils ont utilisé des Taser, des grenades lacrymogènes mais aussi des armes automatiques. Un manifestant a été tué et il y a eu 71 blessés. Une trentaine de soldats et officiers qui s’étaient publiquement ralliés à la révolution au cours de la manifestation du vendredi ont été arrêtés.
Par cette première attaque physique contre des révolutionnaires, l’armée qui se présente toujours comme la garante du processus démocratique, a essayé d’intimider le mouvement révolutionnaire. Elle a été directement mise en cause par les manifestants et a voulu indiquer qu’elle ne le supportait pas. Au lendemain de cette attaque, le Conseil suprême des forces armées a fait marche arrière, déclarant n’avoir pas ouvert le feu et dénonçant des provocations.
Les principaux chefs militaires actuellement au pouvoir faisaient parti du système de corruption organisé par Moubarak et leur slogan « l’armée et le peuple unis comme les doigts de la main » ne pourra pas être crédible longtemps au moment où ils répriment les manifestants.
La route est étroite pour le nouveau pouvoir militaire. Il est coincé entre, d’une part, sa volonté de maintenir l’essentiel de ses prérogatives, de répondre aux injonctions du FMI actuellement en visite dans le pays et, d’autre part, un mouvement révolutionnaire qui ne faiblit pas et exige la destitution de tous les responsables corrompus encore au pouvoir.
Le gouvernement a dû finalement annoncer que Moubarak devrait comparaître devant un tribunal du Caire pour assassinats et détournements de fonds. Durant ses 30 ans de règne, il a accumulé avec sa famille une fortune personnelle considérable sur des comptes secrets ou en biens immobiliers. Elle est estimée à 70 milliards de dollars par le quotidien britannique The Guardian.
Jacques Radcliff
Lire aussi la déclaration des socialistes révolutionnaires sur le site d’Europe solidaire : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article21035