Il existe une forme d’hystérie médiatique et politique qui vise à alimenter l’idée que l’islam constitue une menace pour « nos valeurs républicaines ». Depuis que Marine Le Pen a lancé le débat pour interdire les prières des musulmans dans la rue, la surenchère est permanente, avec encore cette semaine la sortie puante de Guéant, pour qui « l’accroissement du nombre des fidèles » musulmans et « un certain nombre de comportements posent problème ».
L’application à partir du 11 avril de la loi « antiburqa » le montre bien. C’est une mesure discriminatoire, qui va aboutir à un harcèlement policier de quelques milliers de femmes. Loin de les « libérer », la loi va restreindre leurs sorties. L’idéologie dominante instrumentalise les valeurs républicaines qui deviennent le paravent d’une campagne islamophobe.
Pour Sarkozy, cette politique a un double intérêt. Premièrement, diviser la population tout en soudant une partie des classes populaires sur le thème de « l’identité nationale ». Deuxièmement, cela affaiblit la gauche car une grande partie tombe dans le panneau de « l’union nationale » et du soutien aux valeurs républicaines face à la « menace islamiste ». Lors du vote en 2010, seuls le NPA et les Verts se sont opposés à la loi. Le PS l’a soutenue. Mélenchon s’est prononcé « pour une loi interdisant la burqa » et contre les prières dans la rue. Le PCF s’est abstenu, et n’a pas exclu Gerin qui s’était rangé du côté des plus islamophobes. La gauche est donc profondément divisée sur cette question de la laïcité et la droite cherche à en profiter.
Il y a fort à craindre que la loi contre le niqab ne soit qu’une première étape vers l’interdiction plus générale du « foulard islamique ». Le 11 avril, le gouvernement a sorti 100 000 affiches et 400 000 tracts « la République se vit à visage découvert » afin de relayer sa campagne raciste contre les femmes musulmanes portant le foulard, avec l’interdiction d’accompagner les sorties scolaires. Les 26 propositions de l’UMP sur la laïcité vont dans ce sens. L’objectif affiché est de « rédiger un code [de la laïcité] au sens strict du terme » afin de passer « d’un islam en France à un islam de France ». Organisé et dirigé par l’État français ! Le document de l’UMP est digne des codes de l’indigénat colonial. Une des propositions signifie l’interdiction du foulard islamique dans les lieux publics : « consacrer, par voie législative, l’interdiction faite à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ».
Ne laissons pas faire, refusons la logique de stigmatisation, qui fait des musulman.e.s les boucs émissaires de la crise. Il y a urgence à ne pas tomber dans le piège d’un « choc des civilisations » à la française.
Antoine Boulangé
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 98 (14/04/11).
LEUR MONDE...LA ROBE, UN SYMBOLE RELIGIEUX ?
L’administration du lycée Blanqui à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) menace d’expulsion des élèves portant des robes longues et trop sombres. Pour la direction, ces vêtements sont considérés comme des vêtements religieux...
Ces pressions et ces menaces sont inacceptables et irresponsables.
L’administration de Blanqui ne semble rien trouver de mieux pour améliorer la vie quotidienne des élèves, alors que la casse de l’Éducation nationale se traduit dans ce lycée par une diminution du nombre d’heures pour le fonctionnement, qui entraînera une augmentation inadmissible du nombre d’élèves par classe (particulièrement en première économique et sociale et en première littéraire) et une diminution de l’offre de formation en bac professionnel, laissant plus de jeunes sans école et sans formation, avec pour conséquence une dégradation des conditions d’étude pour les élèves et de travail pour les enseignants.
Par ailleurs, au moment où Sarkozy et ses ministres multiplient les attaques contre l’islam (comme Luc Chatel qui refuse que des mères d’élèves accompagnent des sorties scolaires si elles portent le voile), ces initiatives ne peuvent être perçues que comme discriminatoires et racistes par les élèves et leur famille.
La taille et la couleur des vêtements des élèves n’ont rien à voir avec la défense de la laïcité, vitale dans l’école publique.
C’est irresponsable, car au moment où il faudrait unir les forces, enseignants, élèves, parents, tous ensemble pour défendre l’école publique, c’est le poison de la division qui affaiblit et désarme.
Pour nous, la laïcité passe par la défense d’un enseignement public de qualité pour tous et toutes et pas par la longueur des jupes ou la visiblité des mollets.
NPA 93
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 96 (31/03/11).