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Quatrième partie : Profil politique et vie interne
25. Les sections de la 4e Internationale doivent soutenir la lutte pour la libération LGBT, qu’il existe ou non un mouvement social autonome organisé autour de ces revendications dans le pays où elles fonctionnent.
Là où un tel mouvement existe, la section devrait encourager et soutenir ses militants à y participer, et combattre dans les mouvements progressistes en général pour qu’ils soutiennent les revendications du mouvement lesbien/gay. Dans certains pays, les sections de la 4e Internationale ont joué un rôle décisif dans la création des mouvements lesbiens/gays. L’internationale devrait tirer les leçons de ces succès pour aider les sections là où il n’existe pas de traditions pour une telle intervention. Dans les pays où il n’existe pas aujourd’hui de mouvement autonome, le travail de la section consistera essentiellement à réaliser la propagande générale, et à diffuser largement les thèmes LGBT au sein des mouvements progressistes.
26. Dans notre courant marxiste révolutionnaire, nous avons une conception de la libération sociale et sexuelle des LGBT qui va au-delà des revendications limitées à l’égalité formelle au sein de la société capitaliste. Nous appelons à une révolution profonde dans les relations de genre, et à une société où, dans la mesure où la suprématie hétérosexuelle commence à s’éteindre, les identités sexuelles ne se construiront probablement plus de la même façon qu’aujourd’hui.
La sphère ’ privée ’ - où les femmes autant que les LGBT sont plus opprimées, et où leur oppression est plus complexe- voilà où il nous faudra remettre nos habitudes en question. La lutte est fondamentalement une lutte idéologique contre le patriarcat et la société hétérosexiste, de même que contre leurs systèmes de valeurs et leurs pratiques ; celà requiert une discussion organisée dans les sections, non seulement au niveau des directions mais aussi dans nos structures de base et dans notre formation de cadres. Les préjugés hétérosexistes doivent être combattus dans nos sections par l’ensemble de nos membres.
Pour reprendre les termes de la résolution de 1979 sur la libération des femmes, nous ne nous faisons pas d’illusions sur le fait que les sections pourraient être des îlots de la future société socialiste, flottant au milieu des marais capitalistes, ou que les camarades individuels pourraient échapper complètement à l’éducation et au conditionnement imposés par l’effort quotidien pour survivre dans une société de classe... Mais c’est une condition pour être membre de la 4e Internationale que la conduite des camarades et des sections soit en accord avec les principes que nous défendons... Nous aspirons à fonder des organisations où le langage, les plaisanteries, la violence entre personnes et les autres actes qui expriment le conformisme chauvin ne seront plus tolérés ’. Les préjugés, au sein d’une organisation révolutionnaire, doivent constituer une préoccupation pour l’ensemble de ses membres. Souvent les LGBT - et particulièrement les camarades plus jeunes- ne se sentent pas aussi à l’aise que les autres camarades pour exprimer leur point de vue ou évoquer leurs préoccupations. Il en va de même entre les camarades femmes et hommes. Il faut tenir compte de ce que la confiance et l’estime de soi-même ne vont pas de soi quand l’éducation courante a obligé les gens à avoir honte de ce qu’ils sont. Un camarade pourra souvent être un chaud partisan de la position de l’organisation sur l’ ’homosexualité ’, et être cependant extrêmement oppresseur dans sa vie personnelle ou dans les relations personnelles qu’il a développées au sein du parti.
Lorsque de telles choses arrivent, il ne s’agit pas seulement d’une question personnelle, mais d’une préoccupation pour le parti, et cela doit faire l’objet d’une discussion détaillée et ouverte. Certains camarades - et même certaines sections ? - ont des positions très rétrogrades sur l’homosexualité. Des opinions qui se sont incrusté pendant des années ne peuvent être changées que très difficilement. De nombreuses transformations radicales proposées par les mouvements LGBT ne sont en général pas acceptées dans la société ou même parmi les révolutionnaires, parce qu’elles font partie de cette sphère qu’on appelle couramment ’ privée ’.
Mais c’est là que débute le changement : c’est un effort nécessaire si nous voulons être reconnus et prendre part au mouvement LGBT, avec tout son potentiel subversif. Et, comme il est dit dans le texte ’ Procédures de sanctions dans un parti féministe ’, approuvé par le congrès de 1989 du PRT mexicain, ’ il ne s’agit pas de fournir des recettes ou des modèles de vie. La recherche de l’homme et de la femme nouveaux n’est que cela : une recherche. Nous savons que notre libération complète n’est pas possible dans le système capitaliste, mais il s’agit précisément d’un des apports de notre courant internationaliste que de reconnaître la nécessité de se battre pour changer, dès aujourd’hui ’. Ces changements ne peuvent pas attendre le socialisme.
27. Il faut mettre en place les conditions pour un travail LGBT dans nos sections, qui permette aux membres LGBT de préparer une intervention organisée dans les mouvements LGBT - là où il en existe - et de disposer de leurs propres structures de discussion dès qu’ils en ressentent le besoin.
Nous devrions porter un regard critique sur ce que nous pouvons proposer dans nos propres sections à nos militants LGBT. Les sections doivent être accueillantes aux LGBT, et pouvoir comprendre l’importance de ce secteur d’intervention politique.
Les hommes gays, les lesbiennes, les bisexuels et les personnes transgenre sont tous opprimés par l’hétérosexisme de la société capitaliste patriarcale. Cependant, cette oppression prend des formes diverses et est vécue de façon différente par chacun de ces groupes. Si cela signifie que dans les mouvements autonomes il sera souvent nécessaire de fonctionner en groupes séparés pour tout ou partie de ces groupes, ce serait dans la pratique difficile à reproduire comme base permanente de structuration dans la plupart de nos sections, tant que nous ne serons pas devenus au minimum des petits partis de masse. Nous devrions donc adopter des structures et des normes qui permettent des fractions ponctuelles ad hoc de ces groupes si le besoin s’en fait sentir, mais donner la priorité à la mise en place de fractions LGBT en tant que telles.
28. Les organisations de jeunesse européennes sont le secteur de la 4e Internationale où les questions lesbiennes/gays ont constitué une préoccupation politique de façon régulière, même si bien entendu cela reste inégal. L’un des éléments importants qui ont encouragé ce développement a été la visibilité de cette thématique dans les camps jeunes dès le début des années ’80, et l’introduction d’un espace lesbien/gay à partir de 1989.
Cette initiative a non seulement mis la question à l’ordre du jour pour tous les participants, mais a de plus donné aux jeunes camarades des diverses organisations - où ils pouvaient se sentir isolés en raison de la faiblesse numérique de nos organisations de jeunesse- l’occasion de se rencontrer et trouver dans ce contact un encouragement social et politique.
Les campagnes contre la répression sexuelle de la jeunesse devraient constituer un axe central de l’activité de nos organisations de jeunesse, et présenter l’orientation sexuelle comme un choix ouvert. De telles campagnes, propagandistes ou d’agitation, devraient également mettre en cause les rôles sexuels et de genre institués.
Tout en continuant à exiger que l’état honore sa responsabilité pour l’éducation sexuelle et les soins de santé, les organisations de jeunesse devraient autant que possible contribuer à éduquer leurs membres sur la contraception, les choix sexuels, le genre, le machisme et l’homophobie.
Spécialement lors des camps jeunes, des écoles et des autres activités de nos organisations où les participants peuvent avoir des activités sexuelles, il est de notre responsabilité de garantir que préservatifs et information, sur la santé sexuelle sont disponibles, afin d’éviter des grossesses non désirées et la contamination par le SIDA et autres Maladies Sexuellement Transmissibles.
Les revendications autour de l’éducation sexuelle et des soins de santé peuvent aussi être des outils efficaces pour mobiliser des étudiants et des jeunes en dehors de nos rangs. Il est en fait essentiel que nos organisations de jeunesse prennent aussi comme axe politique d’intervention la question lesbienne/gay, car c’est parmi les jeunes que nous pouvons trouver le plus de compréhension de ces sujets difficiles qui mêlent le personnel et le politique - comme ce fut démontré dans la pratique dans les pays où la 4e Internationale a organisé une intervention lesbienne/gay.
29. Dans nos débats internes, nous ne devrions plus considérer comme allant de soi que nos membres seraient hétérosexuels. Une telle attitude exclut les autres possibilités - exactement comme dans l’éducation hétérosexiste - et renvoie à l’ ’invisibilité ’ à laquelle la société hétérosexiste patriarcale condamne l’homosexualité dans nombre de pays.
Le plus souvent, les militants LGBT choisissent de développer une intervention gay parce qu’ils en sentent personnellement le besoin. Mais rejoindre un groupe LGBT n’est pas la même chose que rejoindre, par exemple, un groupe antiraciste. Ces questions intimes et politiques sur la sexualité impliquent des difficultés d’approche particulières, et doivent également être prises en compte au niveau personnel. Souvent, traiter des questions LGBT implique de révéler quelque chose sur nos propres vies intimes, ce qui n’est pas toujours facile. C’est pourquoi chaque membre du parti doit se sentir absolument bienvenu à intervenir dans le travail LGBT, sans craindre que l’on porte un jugement sur son orientation sexuelle, et sans qu’on lui dise qu’il y a d’autres secteurs ’ plus importants ’.
30. Les sections de la 4e Internationale doivent agir de façon consciente pour limiter dans nos propres rangs l’impact de l’oppression des LGBT dans la société. Cela ne veut pas seulement dire que les ’ blagues ’ ou les comportements sexistes/hétérosexistes doivent être évités. Cela implique également de mettre en place les conditions pour la pleine participation des membres LGBT à la vie de l’organisation, aussi bien comme révolutionnaires que comme militants LGBT. Pour rendre cela possible, il est indispensable d’inscrire les questions LGBT à notre ordre du jour politique.
Pour reprendre la citation du texte du PRT mexicain, « nous, en tant que femmes, avons besoin d’un certain rapport de forces pour que la question de genre puisse être toujours présente... Pour que tel soit le cas, nous avons besoin... de mettre en place un espace de discussion pour les femmes là où il n’en existe pas, et là où il en existe, nous devons le renforcer. » Nous pensons que cela vaut aussi pour les LGBTs.
31. Dans les pays où les sections ont des groupes LGBT organisés, il est nécessaire que l’ensemble de l’organisation connaisse leur intervention et en discute. Le débat interne systématique sur les questions LGBT est une condition pour collectiviser la thématique, pour modifier les attitudes discriminatoires qui peuvent exister dans nos organisations, et y compris pour aider les camarades LGBT - particulièrement ceux et celles qui sont très actifs dans le mouvement LGBT- à maintenir un point de vue révolutionnaire sur les questions LGBT. Il est nécessaire que les sections soient attentives, voire stimulent la mise en place de commissions et de rencontres, ainsi que de fractions autour de cette question. Mais par-delà sa disponibilité à débattre des questions LGBT, chaque membre des sections doit être prêt à soutenir activement les interventions et les campagnes LGBT.
’ De même que pour toutes les autres interventions ’, selon les termes de la résolution de 1979 sur la libération des femmes, ’ l’ensemble de la direction et tous les militants du parti doivent avoir connaissance de notre intervention, participer collectivement à la définition de notre ligne politique, et assumer la responsabilité de porter nos campagnes et notre propagande dans tous les secteurs de la lutte de classe où ils interviennent. ’ Les questions lesbiennes/gays devraient faire partie de nos débats au niveau local, régional, national et international. Tous nos membres devraient être formés à la libération lesbienne/gay dans nos écoles locales, nationales et internationales. Cela implique également que la presse de nos organisations devrait couvrir et analyser le mouvement LGBT.
32. Les questions LGBT devraient être présentes dans les déclarations publiques des sections et l’intervention quotidienne de leurs membres. Les membres qui sont actifs dans des mouvements tels que les syndicats, les mouvements anti-racistes, etc. doivent mettre en avant les revendications lesbiennes/gays dans leur intervention politique. Les membres LGBT de nos sections devraient être encouragés à participer de façon active et organisée au mouvement LGBT autonome, dans une perspective révolutionnaire.
Là où c’est possible et en fonction des opportunités politiques dans chaque pays, nous oeuvrons, comme sur d’autres terrains, à la construction de convergences de prises de position et d’actions avec les forces de gauche qui interviennent sur la question LGBT. Puisque les militants révolutionnaires sont minoritaires au sein du mouvement LGBT, le contact avec les organisations LGBT - autonomes - est important, même si les sections n’ont pas de militants LGBT actifs dans les mouvements.
Un des effets de l’oppression des LGBT est que leurs capacités personnelles sont mises en doute en raison de leur orientation sexuelle, et non sur la base d’une évaluation objective. Nos organisations devraient se saisir des opportunités qui permettent aux camarades ouvertement LGBTs de parler au nom de l’organisation sur des questions LGBTs, et faire de la participation à une intervention LGBT, comme toutes les autres interventions de masse, l’un des critères pour l’élection des camarades LGBT à la direction. Le même critère devrait être pris en compte lorsque nos organisations choisissent les candidats pour les campagnes électorales : elles devraient essayer de présenter aussi des candidats explicitement LGBT. Par ailleurs, tous nos élu(e)s à tous les niveaux doivent défendre les revendications LGBT au sein des institutions représentatives et les intégrer dans leurs déclarations politiques. Ils et elles doivent également relayer les exigences des mouvements LGBT, et à chaque fois que possible les associer à la préparation des débats prévus dans ces instances.
33. Les membres LGBT d’organisations révolutionnaires éprouvent souvent des difficultés d’intégration, aussi bien dans nos propres organisations que dans le mouvement LGBT. D’un côté, être un militant LGBT implique nécessairement plus que la simple activité politique concrète ; dans la mesure où les LGBT constituent un groupe socialement exclu, les communautés LGBT, cimentées par la réalité de l’oppression, ont des formes particulières de socialisation et de résistance à l’hétéroculture. Par conséquent, les membres LGBT, particulièrement ceux et celles qui sont actifs dans les mouvements LGBT, ont parfois tendance à séparer leurs vies politiques et sociales. Nous avons souvent des difficultés au sein de nos organisations pour comprendre que l’intervention de nos militants LGBT puisse prendre cette forme particulière. Mais dans une communauté fondée sur l’exclusion collective, cette vie sociale et culturelle constitue un aspect indispensable de l’intervention politique, tout en répondant aussi aux besoins personnels des militants LGBT.
De l’autre côté, être un militant révolutionnaire implique souvent que les personnes ne se sentent pas chez eux même dans le ’ milieu ’ LGBT. Les camarades LGBT ont tendance à vivre dans deux mondes séparés, régis par des règles différentes et souvent incompatibles. Créer des liens parmi les camarades LGBT de régions et de sections différentes, et encourager le développement d’activités, de débats et de rencontres amicales LGBT au sein de notre mouvement, sont une des meilleures méthodes pour combattre ce ’ risque d’éclatement de la personnalité ’ et pour garder les militants lesbiennes/gays au sein de notre Internationale. Les efforts en ce sens devraient être soutenus et encouragés dans nos organisations.
Le débat dans la Quatrième Internationale sur la libération lesbienne/gay
[Article de présentation des débats paru dans Inprecor n° 480-481, mars-avril 2003.]
L’adoption à l’unanimité de la résolution sur la libération lesbienne/gay a conclu près de cinq ans de travail et de débats et a marqué un grand pas en avant dans le travail lesbienne/gay de l’Internationale.
La croissance des mouvements lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT), le succès des marches pour la fierté homosexuelle (Gay Pride) dans de nombreux pays — capables aujourd’hui de rassembler des centaines de milliers de personnes — ont souligné l’importance pour la IVe Internationale de se saisir de cette question et d’élaborer une position programmatique. Trois séminaires de l’Internationale consacrés à la question LGBT — en 1998, 2000 et 2002 — ont permis d’approfondir la compréhension et de renforcer la coordination de ce travail. Le séminaire de 1998 avait lancé un projet de résolution, discuté par la suite dans les instances internationales en lien avec une commission de rédaction, ce qui a permis de le présenter au débat en vue du congrès mondial.
Les orateurs ont souligné les liens entre les mouvements LGBT apparus brusquement sur la scène politique d’un pays après l’autre et les nouveaux mouvements sociaux. Sérgio du Parti socialiste révolutionnaire portugais, co-rapporteur dans ce débat, a insisté sur l’importance de l’intervention des camarades de l’Internationale pour le développement de la dimension LGBT au sein du mouvement altermondialiste, dimension devenue visible lors du dernier Forum social mondial à Porto Alegre, où des milliers de personnes ont passé par l’espace LGBT, comme lors du Forum social européen à Florence en novembre 2002. Des exemples de l’engagement des organisations spécifiques LGBT dans les mobilisations contre la guerre ont été mentionnés par les délégué(e)s des États-Unis, de Grande-Bretagne et de France. Sérgio a souligné que l’ensemble du mouvement LGBT au Portugal s’était engagé contre la guerre.
Il a précisé que dans plusieurs pays les questions sociales commencent à être prises en charge par les mouvements LGBT, après des années où ceux-ci concentraient leur attention sur le lobbying en faveur de réformes législatives. Ce processus — lié à l’implication des mouvements LGBT dans la lutte contre la mondialisation néolibérale capitaliste — constitue un engagement et une identifications avec d’autres mouvements sociaux, à commencer par les syndicats, tout en nécessitant une éducation de ces mouvements pour qu’ils soient capables de prendre en charge les revendications spécifiques des LGBT. Le rapporteur a cité plusieurs exemples du lien entre les revendications des mouvements LGBT et celles des altermondialistes : « la lutte contre le “discours de haine” des fondamentalistes ou des forces de l’extrême-droite qui se servent du “tabou homosexuel” pour intimider leurs adversaires ; le combat contre les licenciements qui affectent d’une manière particulière les LGBT ; le combat contre les lois d’immigration restrictives (les immigrants LGBT subissent fréquemment une double oppression) ; les campagnes contre les superprofits des multinationales pharmaceutiques qui refusent l’accès libre aux médicaments dans les pays dépendants ».
Sérgio a enfin rappelé que le mouvement LGBT était en train de s’approprier son histoire : le destin des gays dans les camps de concentration nazis, l’engagement précoce du mouvement LGBT dans la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, sa présence au sein du mouvement pour la paix en Israël et sa résistance face aux forces chauvines de droite en Serbie et en Croatie.
Le second co-rapporteur, Peter, du SAP néerlandais, a présenté le développement du mouvement LGBT parmi les immigrés, en particulier ceux originaires des pays islamiques en Europe. Ce phénomène a été confirmé par les interventions dans le débat. « Nous devons résister à la “démonisation” des Musulmans, parfois justifiée par le fait que l’Islam rejette les attitudes occidentales “éclairées” envers les femmes et les gays », a souligné Peter. « En fait le monde islamique a une riche histoire de mise en valeur de l’érotisme homosexuel, alors que l’Occident “éclairé” a toujours eu du mal a accepter le désir. Nous devons l’avoir à l’esprit lorsque nous luttons contre tous les préjugés homophobes qu’ils soient d’origine religieuse ou laïque », a-t-il conclu.
Théorie et tactique
Le rapport introductif présentait également les fondements de l’analyse des racines de l’oppression des homosexuel(le)s, une analyse qui s’appuie sur les acquis de la résolution sur l’oppression et la libération des femmes, adoptée par l’Internationale en 1979. Alors qu’au cours des débats qui précédaient le congrès certains camarades suggéraient que la résolution consacrait trop d’espace à l’analyse du rôle central d’oppression joué par la famille capitaliste, voire que l’analyse proposée ne tenait pas compte des modifications de l’institution familiale au cours des dernières décennies, ce débat n’a pas resurgi au congrès. Au contraire même, un délégué uruguayen devait regretter que l’analyse du système patriarcal n’ait pas été plus approfondie.
Comme l’a dit une déléguée française, cette discussion fait partie d’une réflexion plus large dans l’Internationale en ce qui concerne la transformation sociale. « Nous avions une conception trop étroite de la classe ouvrière en tant que sujet de la révolution socialiste — a-t-elle dit — alors que nous en sommes venus à concevoir le sujet de la transformation sociale comme étant plus divers et pluriel ». Notre engagement dans les mouvements LGBT reflète non seulement notre analyse de la société capitaliste patriarcale, mais également notre approche stratégique et tactique. Si on reconnaît le rôle social et universel de la répression sexuelle comme apprentissage de la soumission et du conformisme, sa traduction matérielle sur la vie des gens, et la vulnérabilité des révolutionnaires même face à ses impositions sur la vie quotidienne, on se rendra compte qu’il n’y aura pas de changement structurel sans toucher aux bases de l’oppression sexuelle. Ceci montre le potentiel subversif de ces luttes et rend logique notre participation à ces mouvements, selon Sérgio. Le travail des révolutionnaires doit être basé sur « le respect de l’autonomie, de l’auto-organisation et des priorités spécifiques du mouvement, mais en intervenant pour sa radicalisation, pour le développement de liens avec les autres mouvements sociaux et l’ouverture à leurs analyses, en appuyant des campagnes pour des réformes mais en résistant aux pressions normalisatrices et aux thèses intégrationistes qui ne visent pas un vrai changement social » et qui n’identifient pas les sources matérielles de l’homophobie.
Au sein des mouvements européens, mais pas uniquement, les revendications de la reconnaissance légale des rapports homosexuels, jusqu’à celle de la légalisation des mariages entre personnes du même sexe, fut centrale dans les mobilisations. La discussion au congrès a mis à jour le caractère complexe de cette revendication pour les socialistes féministes qui considèrent le mariage comme une institution oppressive. Des courants LGBT radicaux en Allemagne et en Autriche, par exemple, avec lesquels nos camarades travaillent, n’acceptent pas cette revendication et ont refusé de rejoindre notre organisation pour cette raison. Peter a défendu l’approche « dialectique et transitoire » de cette question proposée par la résolution. « Nous partons des besoins immédiats et des demandes des homosexuel(le)s, explorons les contradictions que la lutte pour le mariage homosexuel met en lumière et nous indiquons les voies par lesquelles les radicaux peuvent approfondir ces contradictions : par exemple en exigeant l’égalité absolue du traitement de toutes les formes de partenariat homosexuel, en contestant la centralité biologique des lois régulant la parenté et en demandant des droits individuels et sociaux indépendamment de tout statut marital. Voilà les chemins que nous pouvons employer en luttant pour le traitement égal des couples homosexuels tout en minant et défiant l’institution du mariage. »
Le débat au congrès a une fois de plus mis en lumière que la question des enfants est un des points les plus sensibles dans les discussions concernant la sexualité et la famille. Un délégué, lui-même père, a souligné que les médias ciblent particulièrement les homosexuel(le)s en tentant de les présenter comme coupables d’abus sexuels envers les enfants, alors que l’immense majorité de tels abus est le fait d’hétérosexuels et a lieu au sein même des familles. Un délégué catalan a indiqué que l’oppression particulière des jeunes LGBT doit être analysée dans le cadre de l’exploitation croissante de la jeunesse et de la sexualité des jeunes, qui est une caractéristique du capitalisme contemporain.
Sérgio a lui aussi mis l’accent sur l’oppression particulière des jeunes LGBT : « L’imposition des rôles restrictifs des genres et l’apprentissage des préjugés, de la honte et de la crainte de la transgression sont des aspects de la répression dont les jeunes sont la principale cible. De plus, la majorité des jeunes manquent de moyens matériels pour leur émancipation sexuelle et la tendance actuelle de régression des prestations sociales dans nombre de pays renforce leur dépendance familiale et menace d’autant plus les conditions permettant aux jeunes LGBT de vivre leur sexualité en dehors du cadre familial hétérosexuel. »
Changer nos organisations
Bien que dès les origines notre courant international ait pris position contre l’oppression des homosexuel(le)s — l’Opposition de gauche s’était élevée en 1934 contre la re-criminalisation de l’homosexualité par Staline — bien que, comme l’a rappelé la camarade Pénélope, la résolution de 1979 sur la lutte pour libération des femmes défendait les droits des homosexuel(le)s et mentionnait la spécificité des luttes des lesbiennes, et que le congrès mondial de 1995 ait inscrit la lutte pour la libération des gays et lesbiennes comme un des 16 points essentiels de notre identité, nombre de délégué(e)s ont souligné (et personne ne l’a contesté) le retard pris par l’Internationale en ce qui concerne cette question. La lutte contre le SIDA, question d’importance vitale au début des années 1980, n’est devenue essentielle pour l’Internationale que plusieurs années plus tard, comme l’a remarqué une déléguée française, militante au sein d’ACT UP. D’autres intervenant(e)s ont souligné que les normes hétérosexuelles constituent toujours un fait au sein des sections de l’Internationale. « Nous aspirons à une transformation profonde des rapports de genre et à une société où, du fait de l’élimination progressive des privilèges hétérosexuels, le changement d’identité sexuelle et les catégories sexuelles cesseront d’être centrales pour l’organisation sociale. Et nous voulons que ce changement commence dès maintenant dans la vie quotidienne de nos organisations » disait Sérgio. « Cela signifie mettre en question la prétendue sphère privée des relations personnelles entre militants, où précisément l’homophobie et le sexisme sont plus complexes. Il ne suffit pas de lutter contre les préjugés au sein de nos organisations, mais il faut comprendre la spécificité et l’importance de ces questions et agir en conséquence. Comme en ce qui concerne les camarades femmes, le respect et la confiance en soi — qu’exige le militantisme politique — sont en jeu. » La reconnaissance du droit à l’auto-organisation des homosexuel(le)s ne doit pas pour autant laisser cette question aux seul(e)s camarades LGBT, ont souligné les intervenants. Au contraire, « nous devons faire en sorte que tous et toutes les militant(e)s de la IVe Internationale prennent en charge les campagnes pour les droits des LGBT et intègrent ces questions dans leurs préoccupations quotidiennes. »
P.D. et S.V.