Depuis la fin des années ’60, les mouvements de libération gays/lesbiennes se sont considérablement renforcés numériquement et se sont étendus à tous les continents. Ils ont réussi à marquer des points importants dans certains pays alors que la plupart des autres mouvements sociaux restaient sur la défensive. Depuis les années ’80, il est apparu des mouvements lesbiens/gays dans de nombreux pas d’Asie, d’Afrique et d’Europe de l’Est où ils n’existaient pas dans le passé ; ont repris des forces dans des pays américains clés (Mexique, Brésil, Argentine) où ils avaient reculé ; et ont à plusieurs reprises mobilisé des centaines de milliers de personnes en Europe occidentale et en Amérique du Nord.
Les leçons essentielles que nous avons apprises au-travers de notre participation à ces mouvements, et qui sont exprimées dans ce texte, sont :
1. L’oppression dont sont victimes les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) est une réalité dans tous les pays du monde. L’association SIDA-homosexualité a conduit à la condamnation globale du sexe entre hommes et aux actes sexuels en-dehors de la famille hétérosexuelle monogamique. La sexualité en général est une question politique.
2. Le lien entre l’oppression des LGBT et celle des femmes est essentielle dans notre conception, et les luttes de libération sont par conséquent étroitement liées.
3. Nous défendons la nécessité de mouvements autonomes des LGBT - comprenant que l’oppression ne peut être combattue sans auto-organisation.
4. Nous luttons pour que soit compris le lien entre la lutte des LGBT et le mouvement ouvrier, en évitant de subordonner le combat lesbien/gay à tout autre mouvement.
5. Nous luttons pour une approche internationaliste de cette question.
6. Dans tous les pays du monde, les LBGT sont opprimés, même si c’est de différentes manières. Le mouvement a besoin de s’organiser à l’échelle internationale et en solidarité avec les plus opprimés.
7. Pour mettre en œuvre ces objectifs, nous devons d’abord mettre de l’ordre dans notre maison - la gauche révolutionnaire. Cela nécessite de transformer nos organisations sous de multiples aspects.
Les activistes de gauche lesbiens/gays ont mené de longues et dures luttes pour obtenir compréhension et soutien au sein du mouvement ouvrier. Ils ont été confrontés à l’opposition et aux préjugés de l’ensemble des courants de la gauche jusqu’aux années ’70 et au-delà. Les partis sociaux-démocrates et les mouvements ouvriers n’ont en général pas répondu positivement aux questions de libération sexuelle. Mais les efforts des activistes lesbiens/gay pour se lier au mouvement ouvrier ont parfois été couronnés de succès, pratiquement dès la naissance du mouvement lesbien/gay à la fin du 19e siècle.
Dans les premières décennies du 20e siècle, les revendications du Comité scientifique et humanitaire allemand (fondé en 1897), ainsi que d’autres organisations européennes pour les ’ réformes sexuelles ’ ont souvent été appuyées par les partis communistes et sociaux-démocrates, rarement par les partis bourgeois, ainsi que par un seul des gouvernements alors au pouvoir : le gouvernement bolchevique d’Union Soviétique. Même sous les Bolcheviks, le soutien à la libération sexuelle n’allait pas de soi, comme on peut le voir à la lecture des écrits de Kollontaï.
La victoire du stalinisme en Union Soviétique se traduisit par la liquidation de nombreux acquis pour les femmes et l’émancipation sexuelle, et généralisa les préjugés anti-homosexuels dans pratiquement l’ensemble des partis staliniens et mao-staliniens, des années ’30 aux années ’80.
Mais l’affirmation du mouvement lesbien/gay de libération vers la fin des années ’60- début ’70 en Europe occidentale, et en Amérique du nord et du sud, coïncida avec une nouvelle avancée de la gauche radicale et révolutionnaire. Le féminisme et particulièrement le féminisme socialiste furent cruciaux pour les progrès de la libération lesbienne/gay, dans le contexte d’une remise en cause globale de la société.
Ce texte entend (1) définir les bases du soutien des marxistes-révolutionnaires à la libération lesbienne/gay ; (2) développer les positions de la 4e Internationale sur quelques questions centrales ; (3) définir notre tactique dans la construction du mouvement lesbien/gay ; et (4) suggérer comment la libération lesbienne/gay peut et devrait se refléter dans le profil politique de nos organisations et leur vie interne.
Première partie : Les bases de l’oppression
1. Bien que les niveaux de persécution ou de tolérance soient très variés, on ne trouve nulle part aujourd’hui dans les sociétés capitalistes l’égalité complète ou la liberté pour les lesbiennes, les hommes gays, les personnes bisexuelles ou transgenres (dont les identités de genre diffèrent de leur sexe biologique, et qui comprennent les travestis, les transsexuels, et bien d’autres dont les identités ont leurs racines dans les cultures indigènes). L’hétérosexisme, l’oppression à laquelle ils sont soumis, s’exprime - comme le sexisme - ’ dans toutes les sphères, qu’il s’agisse de la politique, de l’emploi, de l’éducation, et jusqu’aux aspects les plus intimes de la vie quotidienne ’, selon les termes de la résolution sur la libération des femmes adoptée par la 4e Internationale en 1979.
2. L’hétérosexisme est enraciné dans l’institution de la famille hétérosexuelle, patriarcale, caractéristique du capitalisme. La famille est ’ l’institution socio-économique fondamentale pour la reproduction, d’une génération à l’autre, des divisions de la société en classes ’, pour reprendre encore les termes de la résolution de 1979 sur la libération des femmes. Sous la forme qu’elle a pris sous le capitalisme, la famille ’fournit le mécanisme le moins cher et le plus idéologiquement acceptable de reproduction de la force de travail humain ’, par le recours au travail gratuit, le plus souvent féminin, pour s’occuper des enfants et des vieux, ainsi que des adultes en âge de travailler, et ’ elle reproduit en son sein les rapports hiérarchiques et autoritaires nécessaires au maintien de la société de classes dans son ensemble ’. Ce type de famille est particulièrement aliénante pour les femmes et les enfants. Au centre de ces rapports, que la famille reproduit plus ou moins fidèlement dans la société capitaliste de génération et génération, se trouve l’amour hétérosexuel, réputé en dernière instance être le fondement du mariage et de la création de nouvelles familles, ainsi que l’amour des parents, qui doit lier les adultes à leurs enfants biologiques dans une relation qui combine affection, responsabilité et autorité.
Aussi longtemps que la société est organisée sous un mode qui postule que les besoins fondamentaux seront rencontrés dans la famille, tous ceux qui en sont exclus ou choisissent de ne pas y vivre auront des difficultés à pourvoir à leurs besoins. Cette forme de famille sous le capitalisme présuppose et reproduit une norme hétérosexuelle, qui est oppressive pour tout qui s’en écarte. Pour autant que l’amour hétérosexuel est la base de la formation d’une famille, les personnes dont la vie émotionnelle et sexuelle repose largement sur l’amour pour le même sexe sont marginalisés de la vie de famille. Aussi longtemps que la famille sera un lieu central
pour l’éducation des enfants, les enfants lesbiens/gays/bisexuels/transgenres (LGBT) grandiront dans l’aliénation (encore plus que les enfants et les jeunes en général), les adultes non-mariés seront exclus de la possibilité d’élever des enfants, et les enfants seront souvent privés de la présence d’ adultes et d’autres enfants auxquels ils ne sont pas biologiquement liés. Aussi longtemps que seuls le désir et l’amour hétérosexuels imprégneront cette culture capitaliste de consommation, les personnes LGBT se vivront comme invisibles. Les lois répressives et la discrimination sociale largement répandue intensifient cette oppression dans la plus grande partie du monde, mais le rejet des lois répressives et le combat contre la discrimination sociale ne pourront à eux seuls mettre fin à cette oppression.
3. Pour des millions de personnes aujourd’hui, dans le monde entier, en particulier mais pas seulement - et de loin - dans les pays dépendants, l’érotique du même sexe ne peut se vivre qu’épisodiquement, aux marges des vies de famille hétérosexuelles, en se cachant le plus souvent des parents s’ils vivent encore avec eux, ou de leurs conjoints de l’autre sexe. Des millions de femmes se marient pour survivre, étant donné le choix très limité de possibilités sociales et économiques qui leur sont ouvertes ; ces pressions pèsent également sur les hommes, dans une moindre mesure. Pour des milliers d’hommes et de femmes, l’échec à se conformer à la norme hétérosexuelle va de pair avec l’échec flagrant à se conformer aux normes de masculinité et de féminité, ce qui rend difficile ou impossible d’assumer les rôles hétérosexuels. Des milliers de personnes transgenres incapables ou se refusant à s’adapter aux familles socialement reconnues, incapables ou se refusant à vivre comme ’ de vrais hommes ’ ou ’ de vraies femmes ’, sont bannies jusqu’aux bornes extrêmes du marché du travail et de la société, réduites pour survivre au travail sexuel ou d’autres besognes de parias, confrontées au mépris général et à des assauts violents. Beaucoup de personnes LGBT de par le monde subissent la répression comme une réalité quotidienne : prison, viol, torture et meurtre.
4. Dans les pays dépendants, l’hétérosexisme revêt des formes spécifiques et parfois particulièrement virulentes. Les conquérants européens, depuis le seizième jusqu’au vingtième siècle, ont souvent utilisé l’extirpation de la ’ sodomie ’ comme justification idéologique à la conquête et à la domination sur d’autres peuples. De nombreux pays qui sont aujourd’hui formellement ou politiquement indépendants ont conservé les lois contre l’homosexualité qui avaient été imposées par les autorités coloniales antérieures. Le maintien des lois, pratiques et coutumes répressives est souvent argumenté sur la base de la religion - dans les pays dépendants comme dans les pays impérialistes - y compris le Christianisme, l’Islam et l’Hindouisme, et préservé par le recours à la juridiction religieuse ou communautaire légalement instituée sur la famille et la vie personnelle, dans les pays ou la séparation de la religion et de l’état n’a pas été acquise. La droite religieuse et les fondamentalistes argumentent couramment que le code ’ moral ’ qu’ils défendent est profondément ancré dans la structure traditionnelle de la société où ils sont organisés. En réalité, le plus souvent, beaucoup de leurs pratiques les plus réactionnaires, particulièrement celles dirigées contre les femmes et contre les ’ déviations ’ sexuelles, n’ont pas de telles racines mais sont essentiellement modernes comme elles sont essentiellement réactionnaires.
Un second mythe idéologique fondamental est que, dans ces sociétés, l’homosexualité serait une survivance négative de plus de l’impérialisme.
Tout en défendant une compréhension matérialiste de l’essor d’identités lesbiennes et gays à échelle de masse telles qu’elles se présentent aujourd’hui, en tant que produit de l’industrialisation et de l’urbanisation, nous développons également la connaissance de l’histoire des relations de même sexe, dans ses multiples variantes, au sein des cultures traditionnelles.
L’absence ou les lacunes d’Etat-providence et les bas niveaux de salaires dans les pays dépendants renforcent la dépendance vis-à-vis des familles traditionnelles. Spécialement dans les zones rurales, le manque d’organisations sociales ou politiques non-traditionnelles et d’alternatives culturelles rend la non-conformité difficile. Dans une telle situation, la 4e Internationale considère que l’organisation des LGBT constitue un élément important d’un projet global de libération nationale, lequel implique nécessairement l’affrontement contre les structures de pouvoir nationales et religieuses, tout autant que contre l’impérialisme.
La participation ouverte des structures LGBT dans les soulèvements démocratiques de masse dans plusieurs pays d’Amérique latine, d’Afrique australe et d’Asie du sud-est ont démontré que libération lesbienne/gay et libération nationale peuvent aller de pair.
5. Il aura fallu des hausses de salaires substantielles et le développement de l’état-providence au cours du 20e siècle pour que les travailleurs puissent enfin, à échelle de masse, accéder à l’autonomie vis-à-vis des familles où ils étaient nés, sans se marier et en fonder de nouvelles ; qu’ ils puissent développer des relations signifiantes, à long terme, avec des personnes du même sexe ; et qu’ils puissent rejoindre des communautés lesbiennes et gays ouvertes et viables, et s’identifier à elles. En même temps, le mariage hétérosexuel en est venu à se fonder de plus en plus sur l’attraction sexuelle et l’amour romantique, même s’il subsiste de fortes pressions matérielles au mariage, et que les mariages arrangés par les familles sont encore la norme dans de nombreux pays. Particulièrement dans les pays impérialistes, et particulièrement chez les hommes, les vies gays sont dans une certaine mesure vécues dans les lieux marchands, qui constituent la réponse capitaliste aux besoins des personnes LGBT d’endroits de rencontre et d’échange. Là où les lieux marchands ont crû, mais où l’espace de vie libérée pur les LGBT dans la société globale est resté limité, le résultat est contradictoire. Cela constitue un progrès pour les LGBT de pouvoir êtres ouverts sur leur sexualité dans ce cadre-là - mais il n’est pas acceptable que cela reste difficile dans la société globale. L’existence de ces lieux marchands ont souvent donné l’impulsion première pour le développement du mouvement lesbien/gay.
Il y a autre chose : les lieux marchands ne permettent qu’un échange très limité entre personnes, même s’ils se sont diversifiés en se multipliant. Ils restent en général dominés sous hégémonie masculine, et véhiculent des représentations d’attraction sexuelle qui sont racistes et âgistes (excluantes sur base de la race et de l’âge) - en résumé, elles réduisent le sexe à une marchandise, et ne fournissent pas l’environnement qui permettrait aux gens de se rencontrer facilement comme êtres humains complets. Les réseaux informels, les clubs, les centres communautaires et les groupes d’action qui sont le fruit de l’auto-organisation des LGBT constituent une réponse partielle à l’aliénation des lieux marchands, mais ils sont souvent dépourvus de la visibilité, du clinquant et des moyens dont disposent les lieux marchands.
Les communautés lesbiennes/gays, qui comprennent toutes les femmes et tous les hommes de toutes les classes qui s’identifient comme lesbiennes ou comme gays, ainsi que les identités et subcultures qui s’y sont affirmées, ont constitué la base sur laquelle les mouvements lesbiens/gays se sont construits. On a souvent attaqué la sous-culture lesbienne/gay comme fortement aliénée, mais, lorsque cette critique provient des médias ou de la droite, elle passe sous silence le fait que sous le capitalisme, c’est l’ensemble de la sexualité qui est de plus en plus réifiée, réduite à une marchandise. Les mouvements lesbiens/gays avaient essentiellement comme objectif de combattre des lois ou des pratiques spécifiques de répression contre la sexualité de même sexe ou les personnes LGBT ; de promouvoir des lois qui mettraient fin aux diverses formes de discrimination sociale ; et des lois qui reconnaîtraient aux relations de même sexe l’égalité de reconnaissance et de traitement dans le cadre des lois et pratiques en vigueur.
6. Depuis les années ’70, le rapport des jeunes à leur sexualité s’est transformé dans de nombreux pays, de façon contradictoire. Le tabou sur la sexualité des jeunes est devenu moins absolu ; les corps des jeunes et leur sexualité sont devenus plus visibles dans les médias, et, de plus en plus souvent, la publicité commerciale en use et abuse pour vendre ses produits.
Les reculs causés par le SIDA et le surgissement d’un nouveau moralisme n’ont pas mis fin à cette tendance. Mais la sexualité des jeunes est encore réprimée, particulièrement celle des jeunes femmes et des jeunes LGBT. Les enfants et les adolescents, à l’école et à la maison, sont encore soumis à des pressions pour qu’ils se conforment aux rôles génériques approuvés ;les préjugés, la honte de leur corps, et la peur des transgressions forment l’essentiel de la leçon enseignée. Et, autant ou plus que jamais, les jeunes ne disposent pas des conditions matérielles pour vivre librement leur sexualité. La dépendance économique des jeunes par rapport à leurs familles s’est accrue avec les attaques contre les programmes sociaux. Les lieux de rencontre lesbiens/gays sont souvent exclusivement commerciaux, et excluent donc les nombreux jeunes qui ne disposent que de peu d’argent. Il y a également encore des barrières à l’information des jeunes sur la sexualité, ainsi qu’à l’accès et l’information des jeunes aux contraceptifs. Le non-accès aux préservatifs et à l’information sur la sexualité est une question importante en ce qui concerne la transmission du SIDA et d’autres MST. S’il est vrai que les représentations de l’homosexualité deviennent plus courantes dans de nombreux pays, elles sont souvent déformées ou stéréotypées. Alors que les jeunes sont souvent plus larges d’esprit et moins homophobes que les générations précédentes, le ’coming out ’ (sortir du placard pour les LGBT) reste un processus douloureux pour beaucoup de jeunes, y compris dans des cultures ostensiblement tolérantes, comme le montre les taux très élevés de suicide chez les jeunes lesbiennes et gays.
7. La résolution sur la libération des femmes notait, voici plus de 20 ans : ’ aujourd’hui, confrontée à des problèmes économiques croissants, la classe dirigeante sabre dans les dépenses sociales et tente de remettre le fardeau aux familles individuelles ’. Les décennies ultérieures n’ont fait qu’aggraver la situation. Conjugués à des salaires bloqués ou en diminution et un chômage croissant, ces coupes sombres menacent les préconditions de base, en termes de logement, de soins de santé, de soins aux enfants et autres formes de soutien collectif, qui permettraient aux LGBT de vivre de façon décente en dehors des familles hétérosexuelles et de conforter leurs communautés. Les effets ont été particulièrement dévastateurs pour les nouvelles communautés émergentes dans les pays dépendants, notamment depuis 1982 en Amérique latine et depuis 1997 dans l’Asie de l’est et du sud-est, et contribuent à renforcer l’idéologie familiariste. Là où existent des mouvements lesbiens/gays, ils devraient participer ouvertement aux luttes contre l’austérité capitaliste ; ces luttes devraient en tout cas reprendre les revendications des personnes LGBT pour des services spécifiques.
Deuxième partie : Nos prises de position
8. Dans la foulée de la radicalisation de la fin des années ’60, les activistes ont appelé à dépasser les luttes pour les droits lesbiens/gays pour exiger la libération gay/lesbienne totale, ce qui impliquait le dépérissement de la famille capitaliste en tant qu’institution. Même si cette aspiration a perdu de sa centralité dans le mouvement, la 4e Internationale considère que l’égalité et la liberté, tant pour les femmes que pour les personnes LGBT, passeront par la socialisation des fonctions de la famille, ce qui ne pourra s’accomplir que par le renversement du capitalisme. Dans notre soutien aux luttes pour les droits des lesbiennes/gays, nous tentons de construire des ponts entre les revendications immédiates et l’objectif final de la libération lesbienne/gay, que nous considérons comme lié à l’objectif final de la révolution socialiste.
Lorsque nous approfondirons notre conception de la société socialiste pour laquelle nous luttons, nous nous efforcerons d’y inscrire la conception de la libération lesbienne/gay. Dans notre combat contre les conceptions étroites et aliénantes de masculinité, féminité et sexualité, nous tendons à une société où le genre ne sera plus une catégorie centrale dans l’organisation de la vie sociale, et où les concepts d’ ’hétérosexualité ’ et d’ ’homosexualité ’, dans la mesure où ils subsistent, ne charrieront plus aucune conséquence légale ou économique. Nous tendons à une socialisation multiforme des diverses fonctions assumées aujourd’hui par la famille : responsabilité collective et communautaire pour la prise en charge des enfants et des infirmes ; une économie qui ne contraigne pas les gens à s’exiler de leurs communautés locales ; diverses formes de foyers et de coopération avec les collectivités locales ; et diverses formes d’amitiés, de solidarité et de relations sexuelles.
9. Dans la plupart des cultures, la sexualité et l’activité sexuelle sont encore des aspects de notre comportement d’êtres humains qui sont considérés comme dangereux ou comme du ressort de la société et non de l’individu. Mais les progrès révolutionnaires dans la technologie de la reproduction au cours des années ’50 et ’60 ont grandement contribué à l’émergence de l’aspiration à la libération sexuelle, et contribué à différencier sexualité et reproduction. Une culture jeune fit son apparition dans les années ’50 et ’60 au sein des pays impérialistes, qui entreprit entre autres de remettre en cause la classification traditionnelle du genre. Ces nouveaux défis à la culture traditionnelle incluaient de nouvelles approches de la sexualité.
Les luttes pour le droit à l’avortement et au contrôle des naissances, de même que la lutte pour les droits lesbiens/gays, se heurtaient de front à la conception traditionnelle qui confondait sexe acceptable avec reproduction, mariage et famille. Les conceptions nouvelles sur le sexe et la sexualité tendaient à valoriser le plaisir sexuel en général, mais celui des femmes en particulier. Lorsque le mouvement des femmes mit en avant des revendications sur la santé et l’éducation sexuelle des femmes, leur conception était que les femmes, en tant qu’êtres sexuels, ont le droit au plaisir sexuel et au contrôle de leurs relations sexuelles, un droit que les hommes s’étaient historiquement appropriés. Un des messages centraux portés par cette lutte pour l’autonomie sexuelle des femmes était qu’il n’existait pas de ’ bon ’ chemin pour le plaisir sexuel, mais qu’il y avait en réalité toute une gamme de possibilités.
La libération lesbienne/gay est un élément de cette libération humaine plus large pour laquelle nous nous battons. Nous cherchons à libérer la sexualité humaine de ce que dans notre résolution de 1979, nous appelions ’le carcan de l’impératif économique, de la dépendance personnelle et de la répression sexuelle ’ où elle est aujourd’hui trop souvent confinée.
L’activité sexuelle librement consentie et apport du plaisir à tous ceux et celles qui y prennent part est justifiée en soi. Nous travaillons pour une société où nos corps, nos désirs et nos émotions ne seront plus des choses qu’on peut acheter et vendre, une société où l’éventail des choix pour l’ensemble des êtres humains - femmes, hommes, êtres sexuels, personnes jeunes ou vieilles - est fortement étendu, et où les gens peuvent développer de nouvelles façons de faire l’amour, de vivre, de travailler et d’élever des enfants ensemble. Il est impossible pour nous, qui avons été construits par la société aliénée dans laquelle nous vivons, d’envisager comment la sexualité évoluera dans ce contexte, et il est donc important de s’abstenir d’émettre des prédictions fondées sur nos propres aspirations personnelles.
10. Les premières batailles que les gays et lesbiennes ont menées, et qu’ils mènent encore, celles qui ont souvent fourni l’élan pour la formation de mouvements lesbiens/gays politiquement actifs, sont les actions contre la criminalisation de l’homosexualité. En 1969, la rébellion de Stonewall à New York reste un point de référence pour l’ensemble du mouvement lesbien/gay occidental ; cela consista en la résistance physique face aux raids de la police sur les bars que lesbiennes, gays, personnes bisexuelles ou transgenre fréquentaient pour se rencontrer. Il existe encore aujourd’hui beaucoup de pays où l’homosexualité est interdite par la loi. Au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie, les états qui n’interdisent pas l’homosexualité sont plutôt l’exception que la règle. Plusieurs états des USA interdisent les rapports anaux ou oraux, qu’ils soient hétéro- ou homo-sexuels ; d’autres états US ne les interdisent qu’entre personnes du même sexe. Dans bien d’autres pays, y compris de nombreux pays latino-américains et européens, l’homosexualité n’est pas explicitement interdite, mais on a recours à des notions telles que ’ le scandale public ’ pour emprisonner les gens, ou il existe des lois contre ’ la promotion de l’homosexualité ’ ou ’ le racolage homosexuel ’ . La qualification légale la plus floue utilisée pour criminaliser les LGBT est celle d’ ’indécence ’ : l’expérience prouve que les juges sont beaucoup plus prompts à sévir contre l’ ’indécence ’ lorsqu’elle implique des personnes du même sexe que de sexe opposé. Nous soutenons la revendication de rejet de telles lois anti-gays, ainsi que les pratiques et démarches discriminatoires qui vont de pair avec elles.
Même lorsque la première bataille pour la légalisation de l’homosexualité a été victorieuse, il reste d’autres lois criminelles discriminatoires à combattre. Par exemple, de nombreux pays ont édicté des lois particulières pour ’ protéger ’ les mineurs de l’homosexualité. Se fondant sur le dogme selon lequel les jeunes peuvent être ’ influencés ’ ou ’ séduits ’ par des homosexuels, ces lois instituent un âge de consentement légal plus élevé pour les rapports homosexuels que pour les rapports hétérosexuels.
Aujourd’hui, dans l’union européenne, l’Autriche, l’Angleterre et l’Irlande conservent un âge de consentement légal plus élevé pour les rapports homosexuels. Nous soutenons la revendication du mouvement lesbien/gay que l’âge de consentement pour les rapports homosexuels soit réduit à l’âge de consentement légal pour les rapports hétérosexuels, partout où cette discrimination légale est maintenue.
11. A côté du combat contre les lois de criminalisation, de nombreux mouvements lesbiens/gays dans divers pays luttent en faveur de lois qui interdisent explicitement toute discrimination sur base de l’orientation sexuelle. L’Afrique du Sud occupe un rang particulier dans l’ensemble des pays : depuis l’adoption de sa nouvelle constitution, c’est un des rares pays au monde (aux côtés de l’Equateur et des Fidji) à avoir inscrit dans leur constitution la protection contre la discrimination sur base de l’orientation sexuelle. Nous soutenons le combat pour l’interdiction légale et constitutionnelle de la discrimination anti-gay.
L’importance politique de ce combat ne doit pas être sous-estimée. La bataille pour obtenir une protection légale contre la discrimination nous ouvre le chemin pour remettre en cause le statut inférieur et marginal des LGBT. Elle engage le débat pour l’égalité de la façon la plus vigoureuse, parce que pour s’opposer à l’égalité, il est indispensable de tenter de rationaliser la discrimination. Cette bataille centre par ailleurs les campagnes autour du processus politique.
Tout en soutenant et poussant à de telles campagnes, les socialistes comprennent en même temps qu’obtenir une protection légale ne mettra pas fin en soi à la discrimination et aux préjugés. La campagne offre la possibilité d’expliquer les fondements sociaux de l’oppression, et la nécessité de transformer la société, et non seulement les lois, pourpermettre un tel changement. Il existe cependant un lien entre changer la loi et remettre en cause les attitudes sociales. Il est important de prendre conscience de l’impact qu’aurait une victoire sur la protection légale et l’accroissement conséquent de la confiance en eux des LGBT, accompagnée d’une ouverture plus grande aux questions sexuelles, sur les lieux de travail par exemple. Cela aura avec le temps un impact significatif pour diminuer les préjugés des gens et modifier la perception des autres questions liées à la discrimination des LGBT. Il semble également qu’il existe un lien étroit entre l’existence de mouvements féministes puissants, les droits conquis par les femmes, et les droits égaux pour les LGBT.
Lorsque la modification légale est acquise, il reste encore à faire campagne pour son application effective. Cela peut se faire en surveillant l’efficacité de la loi, et centrant les campagnes sur les zones de résistance qui seront identifiées.
12. L’un des secteurs clé où il y a eu des progrès dans le sens des droits lesbiens/gays, et un terrain vital pour les révolutionnaires, a été la lutte pour faire reconnaître que l’égalité des lesbiennes/gays est un objectif du mouvement ouvrier, en particulier les syndicats. Les campagnes des mouvements lesbiens/gays ont eu leur écho dans les syndicats. A diverses reprises, sous diverses formes, les travailleurs lesbiens/gays se sont organisés pour mettre leurs syndicats en demeure de prendre en charge leurs revendications spécifiques, et ils ont maintenant conquis un espace dans les ordres du jour des syndicats les plus progressistes. Deux groupes de revendications liés ont été les plus importantes : obtenir la reconnaissance syndicale des droits des lesbiennes/gays sur les lieux de travail ; et obtenir la reconnaissance syndicale du droit des travailleurs lesbiens/gays à s’auto-organiser dans des structures propres au sein du syndicat. Il aura souvent été nécessaire de remporter d’abord une victoire sur le second point avant de pouvoir vraiment progresser sur le premier.
Des alliances ont souvent été conclues avec ces autres travailleurs dont les besoins ont été traditionnellement ignorés par les directions réformistes : les femmes, les moins-valides, et les communautés minoritaires.
Cette lutte est d’une particulière importance pour les révolutionnaires, parce qu’elle remet en cause la séparation entre ’ questions économiques et questions politiques ’, et ’ aide la classe ouvrière à penser avec une conception sociale globale ’ (résolution de 1979). La revendication du droit à l’auto-organisation a souvent été combattue aussi bien par la droite que par la gauche réformiste, avec comme argumentation que cela diviserait le mouvement. Nous devrions répondre que c’est le contraire, c’est l’exclusion et la marginalisation des travailleurs lesbiens/gays qui est facteur de division, et que la reconnaissance de l’auto-organisation est une étape essentielle vers l’intégration de tous les secteurs d’affiliés.
Les revendications spécifiques pour les droits sur les lieux de travail varient de pays à pays, la condition légale de l’homosexualité, et les conditions particulières à chacun des secteurs. Parmi les revendications principales, figureront sans doute :
* la protection contre le licenciement abusif, le recrutement discriminatoire, le refus de promotions, etc... ;
* la protection contre le harassement par la direction ou les collègues de travail pour raisons sexuelles ;
* l’accès aux avantages prévus pour les travailleurs hétérosexuels, comme le congé de partenariat et les avantages alloués aux partenaires du travailleur , tels que les tickets gratuits dans l’industrie du transport ;
* l’accès égal aux avantages tels que la pension et les plans d’assurance ;
* la reconnaissance du fait que les lesbiennes et les gays peuvent eux aussi avoir des responsabilités parentales.
Il sera également nécessaire de lier de telles revendications à l’exigence que les syndicats donnent leur soutien actif à la lutte pour les droits égaux des lesbiennes/gays dans la société dans son ensemble. Cela implique par exemple que le syndicat mobilise pour le soutien aux campagnes pour les droits lesbiens/gays, et soutiennent les activités de la communauté lesbienne/gay telles que les Gay Prides.
Un élément essentiel du combat est de progresser de l’acceptation d’une structure auto-organisée jusqu’à l’intégration de ces revendications aux projets du syndicat dans son ensemble. Cela nécessitera un travail permanent et de longue haleine pour modifier les cultures dominantes de beaucoup de syndicats, et ne pourra en général aboutir qu’en se ralliant de fermes alliés parmi les autres groupes de travailleurs.
Il nous faut également rester vigilants sur la possibilité que de telles revendications, qui ne sont pas révolutionnaires en soi, peuvent toujours aboutir dans un cadre réformiste. Les dirigeants syndicaux les plus habiles se sont souvent débrouillés pour accepter l’intégration, mais dans les faits il s’agissait de cooptation ou de neutralisation, ou encore de mise sous tutelle bureaucratique. Le remède à ce danger est de lutter sans concessions pour que le syndicat assume un rôle actif de mobilisation sur les questions des droits lesbiens/gays, ce qui les gardera engagés dans l’action de masse, ainsi que de continuer à encourager les travailleurs lesbiens/gays à mobiliser sur leurs revendications propres, sans laisser aux bureaucraties ’ compréhensives ’ la possibilité de les récupérer ; il s’agira d’utiliser chaque progrès comme un point de départ pour le progrès suivant.
13. Contrairement au choeur assourdissant des voix qui réclament que l’on protège les jeunes des dangers du sexe, des représentations et des informations sexuelles, nous estimons que plus d’information et d’autonomie, et pas moins, constituent le meilleur moyen pour ’ protéger ’ les jeunes. Elles sont indispensables à la libération sexuelle des jeunes, à leur maturation et à leur libre choix. Elles peuvent également aider les jeunes LGBT à trouver l’identité sexuelle et le mode de vie qui leur conviennent le mieux, et à résister aux pressions à se conformer aux styles de vie présents des lesbiennes/gays. Une éducation sexuelle à l’école qui intègre pleinement les choix de même sexe, et qui insiste sur le plaisir et la diversité ; le renforcement, et non la destruction, des programmes sociaux ; le libre accès à la contraception ; et les conditions qui permettent l’émancipation économique des jeunes - autant de revendications immédiates à présenter à l’état, aussi bien dans les pays impérialistes que dans les pays dépendants. Parallèlement à notre exigence d’égalité de l’âge du consentement pour les rapports sexuels homos et hétéros, nous nous opposons à toute répression de l’exploration sexuelle consentie entre jeunes du même âge approximatif.
14. Dans une bonne partie du monde développé, notamment aux USA, s’est développé vers la fin des années ’70 une contre-offensive de droite contre les acquis du mouvement des femmes, ainsi que du mouvement lesbien/gay. Des organisations religieuses, extrêmement conservatrices, bien financées et très militantes ont mis en route des agendas politiques contre des questions sexuelles relatives aux femmes, à la communauté gay et lesbienne, et aux jeunes. Beaucoup de ces organisations de droite et beaucoup de leurs membres ont également choisi les LGBT comme cibles d’intimidation physique, et dans certains cas, de violence extrême, souvent déclenchée par une rhétorique de haine homophobe viscérale. L’ampleur de cette contre-offensive de droite contre les acquis des mouvements sociaux des années ’60 - une contre-offensive qui s’est depuis également étendue au monde sous-développé- ne doit pas être sous-estimée.
A côté de leur forte condamnation du racisme et de la xénophobie, les mouvements antifascistes doivent également dénoncer avec conviction la violence anti-gay qui sévit dans la société - et s’organiser en conséquence. De même, les mouvements lesbiens/gays doivent chercher des alliés dans les autres secteurs de la société attaqués par l’extrême-droite, comme les immigrants, la jeunesse, les gens de couleur, les juifs, et la gauche politique, pour combattre plus efficacement l’ennemi commun, la droite religieuse et le fascisme. En défiant le pouvoir politique et les campagnes anti-gays des églises catholiques et orthodoxes orientales, et des groupes évangéliques protestants, les mouvements lesbiens/gays devraient trouver des alliances pour lutter pour la séparation complète de la religion et de l’état.
Spécialement dans les pays où les LGBT sont durement réprimés, établir des liens avec les organisations globales pour les droits de l’Homme, et soulever en leur sein les thèmes LGBT peut être une bonne façon de démarrer l’organisation LGBT. Tenant compte du niveau de répression auquel les LGBT sont confrontés dans de nombreux pays, nous soutenons le droit d’asile pour les LGBT qui proviennent de pays où les LGBT sont persécutés, menacés ou simplement ne peuvent pas résider en raison de leur orientation sexuelle.
15. Depuis que le SIDA a été pour la première fois identifié chez des hommes gays en 1981, l’association SIDA-homosexualité a conduit à la condamnation globale du sexe entre hommes, et à une re-pathologisation de l’homosexualité. Mais en même temps, les réactions nécessaires face au SIDA ont ouvert dans de nombreux pays un nouvel espace social et politique, qui s’est notamment traduit par la remise en cause du pouvoir médical, la mise en question des responsabilités des pouvoirs publics, et l’exigence de la maîtrise par les malades eux-mêmes des questions de santé publique. Cela a aussi permit des ressources accrues pour le développement des organisations gays, ainsi qu’un débat public plus ouvert sur la sexualité et les pratiques sexuelles.
Dans de nombreux pays, de nouvelles générations militantes, tant par l’âge que par leur parcours militant, ont pris la tête des organisations de soutien, de conseils et de services sur le SIDA, et les communautés gays ont été fortement impliquées dans les soins et les deuils. L’expérience acquise dans l’activisme gay a souvent rejailli dans les organisations-soeurs de personnes touchées par le SIDA, et les organisations gays et lesbiennes se sont souvent retrouvées en alliance avec les travailleurs du sexe et les utilisateurs de drogues par injection.
Le SIDA est aujourd’hui la quatrième cause majeure de décès dans le monde ; en Afrique, c’est même la cause principale. Dans les pays africains et asiatiques où l’épidémie de SIDA est la plus intense, ce sont les rapports hétérosexuels non protégés, et non les rapports non protégés entre hommes, qui sont responsables de la grande majorité des cas d’infection. Cependant, en Afrique du sud et de l’ouest, en Amérique latine et en Asie du sud, les communautés gays subissent de hauts niveaux d’infection, de maladie et de mortalité.
La lutte d’ensemble contre le SIDA requiert de lier plusieurs dynamiques de lutte :
* contre la honte sociale, la discrimination et l’isolement ;
* contre l’hétérosexisme et le sexisme ;
* contre le racisme et l’impérialisme ;
* pour les droits démocratiques et le droit des groupes opprimés à l’auto-organisation ;
* contre le contrôle de la religion sur la censure, l’éducation, les services sociaux et les services de santé ;
* pour la défaite de la soi-disant ’ guerre à la drogue ’ ;
* pour des soins de santé efficaces et gratuits ;
* et contre les superprofits des compagnies pharmaceutiques internationales. En particulier, nous sommes solidaires de ceux qui combattent contre les compagnies pharmaceutiques qui interdisent l’accès aux médicaments dans le tiers-monde, et pour des prix plus modérés.
Dans les pays où il n’existe pas encore d’organisations lesbiennes-gays, développer un travail SIDA parmi les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes peut être un bon moyen pour démarrer.
16. Dans le monde entier, il y a une exigence croissante de reconnaissance légale des rapports de même sexe. La position de fond de la 4e Internationale sur ce point est : droits égaux - pour les femmes et les hommes, pour les personnes mariées ou non, pour les LGBT et les hétérosexuels. En général, les gens acquièrent un certain nombre de droits par le mariage - mais quelques uns de ces droits vont seulement, ou essentiellement, aux hommes. C’est pourquoi nous sommes par exemple favorables au droit des femmes et des hommes individuels, indépendamment de leur sexualité ou de leur statut de couple, à pouvoir adopter des enfants, ou obtenir la garde d’enfants. Toutes les décisions sur la garde, les visites et l’adoption devraient être prise dans l’intérêt réel des enfants concernés, plutôt que sur le postulat qu’une famille nucléaire, même violente ou pénible, serait nécessairement dans leur intérêt. Nous refusons aussi l’idée selon laquelle les enfants devraient être traités comme propriété des adultes : les enfants devraient avoir effectivement voix au chapitre dans de telles décisions. Nous sommes aussi opposés aux règles de taxation qui favorisent les personnes mariées ou engagées dans une relation sexuelle à long terme.
Tout en combattant ces lois et règlements qui privilégient les personnes mariées, nous reconnaissons que la revendication pour les droits des partenaires et dans certains cas le droit au mariage mobilise de nombreux LGBT. Cela ne nous surprend pas, puisque d’une part les pratiques discriminatoires contre les personnes non mariées se perpétuent, et que nous savons d’autre part que l’idéologie possède sa dynamique propre. Dans le monde aliéné du capitalisme, le mariage ne s’accompagne pas seulement d’avantages matériels, mais il est de plus supposé permettre la sécurité émotionnelle (que cela soit ou non réalisé dans la pratique). Nous soutenons la revendication au mariage homosexuel, avec tous droits égaux.
Nous revendiquons également plus de droits légaux pour les couples non-mariés - qu’ils soient homo- ou hétérosexuels. Les couples devraient pouvoir fonder et garantir la reconnaissance de droits et responsabilités mutuelles sous différentes formes, et non pas seulement sur le modèle du mariage. Chaque possibilité doit être également accessible aux couples homos et hétéros. Par exemple, lorsque la loi en vigueur reconnaît automatiquement le mari de la mère génitrice comme parent ou autorise le partenaire masculin de la mère génitrice à ’ reconnaître’ l’enfant comme sien, la partenaire de même sexe de la mère génitrice doit se voir reconnaître les mêmes droits. Nous nous battons également contre les délais d’enregistrement légal qui pénalisent les partenariats de même sexe, ainsi que contre le refus (ou de plus grandes difficultés pour obtenir) des permis de résidence pour les partenaires immigrés de couples de même sexe.
Il est également important de renforcer les droits individuels, que les gens vivent en couple ou seuls. En particulier, les droits individuels des femmes ne devraient pas dépendre de leurs relations avec les hommes. De véritables droits individuels requièrent un soutien social. Les politiques d’austérité néolibérales ont réduit le soutien social à une peau de chagrin, privatisant les charges qui devraient être du ressort de la responsabilité collective, et les imposant de nouveau à la famille. Les gouvernements préfèrent que ce soient les épouses et les maris, les parents et les enfants qui s’occupent des malades, des vieux, des enfants, des invalides ou des chômeurs, plutôt que de prendre ces questions en charge comme il le faudrait. Les mouvements lesbiens/gays devraient essayer d’éviter de piéger encore plus de gens dans ces formes humiliantes de dépendance. Ils devraient bien plutôt tenter de s’allier avec les groupes de femmes et les syndicats pour changer cette situation.
Les débats en cours sur le partenariat et le mariage homos constituent une occasion pour les révolutionnaires LGBT de collaborer avec les courants des mouvements lesbiens/gays qui tentent de faire renaître l’aspiration originelle du mouvement à une véritable libération. Nous pouvons travailler ensemble à miner la perception de l’hétérosexualité comme ’ naturelle ’, à remettre en cause les rôles de genre, et contester que l’autorité sur les enfants et les droits d’héritage doivent être aussi étroitement liés aux liens biologiques de parenté. Nous travaillerons à ouvrir une porte qui laissera entrevoir des possibilités nouvelles ; de nouvelles formes de relations sociales et émotionnelles, par-delà de la dépendance et de l’aliénation, de nouveaux bouquets de uns, deux, plusieurs, qui pourront s’épanouir dans la diversité et la liberté.
17. Les personnes transgenre - celles dont les identités de genre diffèrent de leur sexe biologique, qui comprennent les travestis, les transsexuels, et bien d’autres dont les identités s’enracinent dans les cultures indigènes - sont souvent, mais pas toujours, attirés par les gens du même sexe biologique. Ce sont souvent ces personnes qui sont les plus opprimées parmi les homos. Elles ont également une longue histoire de lutte contre leur oppression. Les ’ hijras ’ au Pakistan et les ’ warias ’ en Indonésie se sont organisés pour leurs droits dans les années ’60, avant la fondation des mouvements de libération lesbiennes/gays en Europe et en Amérique du Nord. Les travestis de Puerto Rico (’ locas ’, les folles) furent parmi les premiers à riposter à la police lors de la révolte de Stonewall à New York en 1969. A mesure que les mouvements pour les droits des lesbiennes/gays gagnaient en respectabilité et renforçaient leurs conceptions réformistes, cependant, les personnes transgenre se voyaient ignorées, marginalisées, et gommées comme trouble-fêtes. Nous soutenons les tentatives des personnes transgenre de résister à leur marginalisation, de s’organiser de façon indépendante, et de conquérir toute la place qui leur revient au sein des mouvements lesbiennes/gays.
Les personnes transgenre ont des besoins et des revendications spécifiques importantes pour elles, que les mouvements lesbiennes/gays devraient soutenir. Ils sont souvent en train de gagner leur vie dans l’industrie sexuelle, être victimes de la discrimination quand ils cherchent d’autres types de travail, et d’être harcelés ou agressés par la police et les voyous. Nous défendons leurs droits au respect, à la sécurité et un accès égal au logement et à l’emploi. Ces personnes souffrent également du refus des autorités de reconnaître leur identité de genre, dans un grand nombre de situations. Tout en ayant conscience de la nécessité de répartir parfois les gens selon leur sexe (biologique), par exemple dans le cadre des actions positives, ou lorsqu’il s’agit de mettre en place des espaces réservés aux femmes, nous refusons la tendance à enregistrer les gens selon leur sexe, de façon routinière, en toutes circonstances et pour des raisons futiles. Nous refusons l’assujettissement forcé des personnes transgenre, comme des hommes et des femmes en général, à des catégories stéréotypés de la masculinité et de la fémininité (manifesté, par exemple, dans la mutilation des bébés hermaphrodites, la traitement hormonale des jeunes avec des « problèmes de comportement non conformant avec leur genre » et des leçons de comportement de genre stéréotypé pour les transsexuels).
Les personnes qui désirent se faire opérer pour changer de sexe, qu’on appelle transsexuel(le)s, devraient obtenir le droit de contracter une assurance de santé pour le traitement, ainsi que la reconnaissance officielle de leur nouveau sexe sans devoir affronter des obstacles telles que l’exigence qu’ils mettent fin à leur mariage actuel.
18. Nous concevons les mouvements lesbiennes/gays comme des mouvements largement incluant, qui regroupent toutes celles et ceux qui désirent vivre librement leurs sexualités et leur amour de même sexe. Dans des pays et des cultures différents, ils peuvent réunir des personnes impliquées dans un large éventail de relations et de modes de vie, qui peuvent s’identifier de diverses façons. Nous sommes opposés à une quelconque conception de mouvements lesbiennes/gays qui entendrait interdire ou soumettre la participation au groupe à une règle d’homosexualité exclusive.
Dans de nombreux pays et de nombreuses cultures, les hommes en particulier ont souvent des contacts sexuels avec d’autres hommes tout en se conformant apparemment aux canons culturels de masculinité, accomplissant les rôles familiaux que les hommes doivent jouer, et ils ne s’identifient pas publiquement - ou même en privé- comme gays ou bisexuels. Dans certains pays, au sein des organisations sur le SIDA, de tels hommes sont simplement identifiés comme ’ des hommes qui ont des contacts sexuels avec des hommes’. Un des points qui ont provoqué de nombreuses tensions dans cette situation, c’est le fait, pour des gens qui ne s’identifient pas comme LGBT mais ont des relations homosexuelles, de traiter leurs partenaires homosexuels avec mépris, en raison de leur internalisation de l’hétérosexisme. Un premier pas important vers la libération sexuelle dans cette situation est pour ces hommes - et femmes - de traiter avec solidarité et respect ceux de leurs partenaires qui s’identifient comme lesbienne, gay ou transgenre. Un autre pas positif serait de aider ou devenir membre d’un mouvement gay/lesbienne, quelle que soit leur définition de leur propre identité.
Dans certains pays et dans certaines situations particulières, les bisexuels ou d’autres minorités sexuelles peuvent choisir de s’organiser de façon autonome, à l’intérieur ou au-dehors des mouvements lesbiennes/gays, soit autour de revendications particulières, soit sur des thèmes plus larges tels le SIDA, la violence ou la diversité. Nous soutenons ce droit et respectons leur choix en ce sens, tout en continuant à œuvrer pour l’alliance la plus large des personnes sexuellement opprimées.
Les bisexuels peuvent se retrouver isolés aussi bien dans la société hétérosexuelle que dans la communauté lesbienne/gay. La nature même de leur orientation sexuelle leur permet de passer inaperçus ou de sembler ’normaux ’ aux yeux de la société en général, les autres aspects de leur sexualité étant passés sous silence ou considérés de nature purement ’expérimentale ’. Il y a progrès lorsque les bisexuels tentent de briser cette invisibilité - de s’affirmer comme bisexuels - et de voir leur orientation sexuelle reconnue et acceptée comme une expression légitime de la diversité qui existe dans les communautés lesbiennes/gays et la sexualité humaine. Cette conception de la profession de soi comme démarche positive est la même que celle que nous avons à l’égard des lesbiennes et des gays. Les tensions qui existent dans le mouvement entre personnes dont les identités sexuelles sont différentes peuvent être brisé surtout par la construction d’un mouvement inclusif et un combat contre l’hétérosexisme.
19. Nous soutenons les campagnes contre les définitions psychiatriques de l’homosexualité et de la transexualité comme pathologies, et contre les tentatives barbares de médicaliser et ’ guérir ’ les LGBT (par psychothérapie, thérapie d’aversion ou psychochirurgie).
20. L’héritage idéologique du stalinisme, qui a rétabli la criminalisation de l’homosexualité en 1934 en Union Soviétique alors que la révolution bolchevik l’avait décriminalisée, se reflète encore aujourd’hui dans la discrimination contre les LGBT en Chine, au Vietnam, à Cuba et d’autres sociétés de transition. Si la période de la pire répression appartient au passé et si la tolérance s’est développé ces dernières années, la pleine égalité est loin d’être obtenue. Le régime chinois n’a pas autorisé jusqu’ici d’organisation lesbienne/gay ouverte.
La IVe Internationale soutient l’organisation pour les droits lesbiens/gays en Chine, au Vietnam, à Cuba et autres sociétés de transition, comme nous le faisons partout. Nous souhaitons voir les mouvements lesbiens/gays de ces pays s’allier aux oppositions ouvrières, féministes et autres oppositions aux régimes bureaucratiques, et se développer en mouvements pour la démocratie socialiste. Les alliances avec les féministes seront particulièrement importantes pour affronter les idéologies et pratiques sexistes et hétérosexistes qui reposent sur la famille hétérosexuelle. Ceci restera utopique, pourtant, sauf si les mouvements démocratiques et féministes soutiennent les luttes lesbiennes/gays et développent un travail interne contre les préjugés anti-gays, et sauf si les mouvements gays développent un travail contre le chauvinisme mâle.
21. En tant que socialistes, notre combat contre le sexisme doit inclure la lutte pour changer le rôle que le sexe et la sexualité jouent dans notre culture sexiste, la lutte pour une sexualité plus libre et plus consciente. Cela exige de nous d’adopter une attitude plus critique et plus ouverte aux changements dans nos conceptions actuelles de la sexualité. La prémisse de base pour cela devrait être que nos définitions du sexe et de la sexualité, nos identifications de genre, nos identités sexuelles comme lesbienne, gay, bisexuel ou hétérosexuel, sont des édifices fondamentalement sociaux, historiques-culturels et parfois mêmes politiques, et par conséquent évolutifs. Donc, les gens peuvent se tromper - et se trompent - sur leur propre sexualité. La fausse conscience, l’aliénation, l’intériorisation des rapports d’oppression, la rationalisation des modèles culturels sexistes et des sentiments de culpabilité constituent autant d’obstacles réels dans nos tentatives pour comprendre et redéfinir notre sexualité. C’est cela qui fait que le débat et la critique plus ouverts - et non la censure- sur le sexisme dans la culture, sont des éléments vitaux dans le combat pour comprendre et transformer cette culture, au bénéfice de la sexualité humaine. Nous soutenons les tentatives pour fournir aux LGBT plus de moyens d’expression culturelle, y compris dans les mass médias.
Une nouvelle sexualité, libérée du sexisme, peut seulement naître au travers d’un long processus de débat ouvert et d’exploration., avant tout au sein du féminisme, un processus pour lequel il n’existe pas de modèles, et dont nous ne savons pas où il pourra nous mener. Il n’exista pas d’avant-garde éclairée ou de minorité qui puisse se targuer de savoir ce qu’est la sexualité ’ correcte ’, ’ féministe ’, et nous devrions rejeter toutes tentatives, qu’elles proviennent des forces religieuses de droite ou des diverses tendances au sein du féminisme, telles que les féministes de la différence, pour imposer la ligne sexuelle ’ correcte ’. Dans bien des endroits du monde, ces forces du fondamentalisme religieux ou du conservatisme féministe ont tenté d’instituer légalement des codes de conduite sexuelle qui incluent la criminalisation de l’homosexualité et la censure des œuvres à caractère sexuel explicite. Les marxistes révolutionnaires devraient au contraire proposer un chemin vers l’auto-émancipation sexuelle, un chemin critique, mais démocratique, participatif et respectueux de la diversité de nos désirs sexuels.
La première exigence pour ouvrir la voie à un tel processus d’auto-émancipation sexuelle est la défense du libre choix et de l’autonomie personnelle. Part conséquent, un élément intrinsèque de notre combat pour l’autonomie sexuelle doit également associer un combat contre toutes formes de restrictions légales au sexe librement consenti, à la lutte contre toutes formes de discrimination sexuelle. Cela doit également inclure la lutte pour favoriser les conditions matérielles qui rendraient possible pour tous les membres de la société (femmes tout autant qu’enfants et hommes) de résister aux exigences de ceux qui voudraient violer leurs droits et leur autonomie sexuelle par des relations ou rapports sexuels et/ou émotionnels non voulus. Par conséquent, les revendications fondamentales pour le plein emploi, des programmes d’action affirmative pour les femmes et les minorités, le revenu garanti, la prise en charge des enfants, le logement, les soins de santé et le droit de choisir, y compris l’avortement, qui soient efficaces et de qualité, constituent le tissu indispensable pour l’autonomie sexuelle personnelle. La nécessité de combiner la lutte pour une sexualité plus libre à la lutte pour défendre le filet de sécurité social et le plein emploi est l’élément-clé pour combattre le retour en arrière voulu par l’extrême-droite à l’encontre des femmes et de la communauté gay et lesbienne.
Troisième partie : notre tactique dans la construction du mouvement
22. Tous les LGBT sont opprimés en tant que tels, et tous sont donc susceptibles d’être ralliés à un mouvement qui combat pour leurs droits et leur libération. La logique interne de la lutte pour la libération lesbienne/gay, particulièrement lorsque le féminisme et d’autres mouvements radicaux sont à l’offensive, peut conduire ses militants à se joindre à la politique radicale ou révolutionnaire. Cela peut, cela devrait les conduire à s’allier au mouvement ouvrier - mais pour que cela soit possible, il faut que les LGBT s’organisent au sein et en dehors du mouvement ouvrier pour combattre les préjugés hétérosexistes, qui sont présents dans la classe ouvrière comme ailleurs. Nos sections dans leur ensemble doivent combattre pour convaincre les organisations du mouvement ouvrier à promouvoir les revendications des LGBT et apporter leur appui à l’auto-organisation de ces groupes - comme d’autres - au sein des organisations ouvrières.
Cependant, les LGBT ne peuvent ni ne veulent postposer leur lutte jusqu’à ce que le mouvement ouvrier, ou tout autre mouvement, reprenne leurs objectifs. Cela implique que les LGBT ont besoin de leur mouvement autonome propre, ce que nous respectons, appuyons et construisons. Pour paraphraser la résolution de 1979 sur la libération des femmes, autonome signifie pour nous que le mouvement est organisé et dirigé par des LGBT ; que la lutte pour leurs droits et leurs besoins constitue leur priorité absolue, et qu’il est hors de question de subordonner cette lutte à quelqu’autre intérêt que ce soit ; et qu’enfin elle ne se soumet pas aux décisions ou aux agendas politiques d’une quelconque tendance politique ou d’un quelconque autre groupe social.
23. Comme le notait la résolution de 1979 sur la libération des femmes, ’Les lesbiennes se sont organisées comme une composante du mouvement des droits gays, et ont en général estimé nécessaire de combattre au sein du mouvement gay pour faire prendre en compte leurs revendications spécifiques en tant que femmes gay. Mais les lesbiennes sont également opprimées en tant que femmes. Beaucoup se sont d’abord radicalisées en tant que femmes, et réalisèrent que la discrimination dont elles souffraient en raison de leur orientation sexuelle ne constituait que l’un des éléments des oppressions sociales et économiques auxquelles les femmes doivent faire face lorsqu’elles entendent choisir le cours de leurs vies. C’est ainsi que, dès le début, beaucoup de lesbiennes furent au premier plan du mouvement féministe. Elles ont participé à chacune des tendances politiques au sein du mouvement des femmes, des lesbiennes-séparatistes aux marxistes-révolutionnaires, et elles ont contribué à rendre l’ensemble du mouvement plus conscient de l’oppression spécifique qui pèse sur les femmes gays. ’ Cela n’a pas toujours été un combat facile, car le mouvement a souvent répondu de façon problématique à la chasse aux lesbiennes par la droite, et n’a pas mené campagne systématiquement sur les revendications spécifiques des lesbiennes.
Dans beaucoup de pays, les lesbiennes se sont également organisées indépendamment aussi bien des hommes gays que du mouvement féministe plus large. L’organisation séparée des lesbiennes a été centrale pour rendre possibles les mobilisations sur les revendications lesbiennes, et a joué un rôle important dans les progrès réalisés. Grâce à l’obstination des lesbiennes, le mouvement lesbien/gay est aujourd’hui moins contrôlé par les hommes, et les féministes comprennent mieux que l’oppression sur les lesbiennes remet en cause les conquêtes du mouvement femmes.
24. Que ce soit au sein des mouvements lesbiens-gays ou d’autres mouvements, nous sommes favorables à des méthodes qui mobilisent autant de LGBT que possible de façon active, et cherchent des soutiens dans les mouvements de travailleurs et de femmes. Ici, comme dans tous les autres secteurs d’intervention où nous sommes présents, nous luttons de façon permanente contre les idéologies, les dirigeants et les organisations qui voudraient nous enfermer dans des impasses. Il nous faut répondre encore et encore à des argumentations auxquelles nous sommes fondamentalement opposés, telles que :
* l’argumentation qu’il nous faut éviter d’être trop ’ voyants ’ ou radicaux, pour ne pas nous aliéner la majorité hétéro ou les libéraux, les sociaux-démocrates ou les populistes ’ sympathisants’ ;
* la réticence à se joindre à des campagnes larges sur des objectifs de réformes limitées ;
* l’argumentation selon laquelle les questions de ’ mode de vie ’ - c’est-à-dire de libération sexuelle au sens strict - feraient écran aux véritables enjeux économiques et politiques ;
* dans les pays impérialistes, l’argument selon lequel nous sommes déjà ’pratiquement égaux ’, et que donc des mobilisations importantes ne sont donc plus nécessaires ;
* la réticence à rechercher des alliances avec le mouvement ouvrier ou d’autres groupes auto-organisés ;
* la conception des LGBT en tant que minorité obligée - ce qui échoue à prendre conscience de la portée humaine universelle de la libération lesbienne/gay ;
* l’insistance à s’organiser seulement comme citoyens, comme rebelles sexuels ou comme êtres humains abstraits - qui conduit à ne pas reconnaître l’importance des communautés LGBT pour la survie quotidienne et comme base d’organisation ; et
* la réticence à aborder les divisions au sein de nos propres mouvements, par exemple sur les questions de genre, de classe ou de sexe.
Nous faisons pression pour l’unité et la démocratie les plus grandes au sein des mouvements, tout en reconnaissant le droit et le besoin des femmes, des noirs, des moins-valides, des bisexuels, des personnes transgenre, des nationalités opprimées et autres, à s’organiser également de façon autonome. En général, nous tentons au sein des mouvements de privilégier la participation et les préoccupations des travailleurs LGBT.
Tout en participant à la construction des mouvements lesbiens/gays et en respectant leur autonomie, nous travaillons également, avec d’autres membres du mouvement, à mettre en avant les revendications du mouvement ouvrier et les points de vue internationalistes. Nous soulevons les idées marxistes-révolutionnaires et féministes, car nous pensons qu’elles constituent la meilleure base pour entraîner les mouvements vers une complète libération lesbienne/gay, et nous tentons dans cette mesure de jouer un rôle dans leurs directions.
Suite : Marxisme et libération lesbienne/gay – Partie 2
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