Des associations féministes ont déploré mardi le peu de place faite à la victime présumée dans les réactions à l’inculpation de Dominique Strauss-Kahn, y voyant la difficile reconnaissance des violences sexuelles, et même « une chape de plomb » concernant le viol.
« Quasiment à aucun moment on n’entend parler de la plaignante », qui accuse le directeur du FMI d’agression sexuelle, s’étonne Caroline De Haas, de l’association Osez le féminisme (OLF).
« Dominique Strauss-Kahn est présumé innocent » mais « jeter le soupçon sur les propos de la plaignante est également grave », souligne l’association, dans une allusion à des politiques amis de longue date avec le directeur du FMI et ne pouvant imaginer un comportement agressif de sa part.
Mix-Cité, engagée aussi dans la défense des femmes, regrette que dans le torrent de réactions déclenché par l’arrestation puis l’inculpation de Dominique Strauss-Kahn, la victime soit trop rarement évoquée.
Mix-Cité rappelle qu’en novembre dernier lors d’une campagne contre le viol intitulée « la honte doit changer de camp », un consensus politique existait pour s’indigner du nombre de viols commis chaque année en France (75.000) et du faible nombre de plaintes (1 victime sur 10).
« Pas un mot pour la victime »
« Pourtant confrontés à la réalité du cas DSK, beaucoup de journalistes, d’hommes et de femmes politiques oublient ces déclarations de bonnes intentions, plaignant le directeur du FMI, les socialistes, la France : pas un mot pour la victime », relève l’association.
Depuis dimanche, la majorité des réactions a exprimé stupeur, appel à la prudence et au respect de la dignité, dans l’attente de la vérification des faits.
Lundi, elles ont souvent reflété l’indignation devant les photos montrant un DSK menotté et fatigué, des images qui auraient été interdites en France et qui ont choqué, car elles résonnent comme une condamnation avant procès.
Des voix ont pourtant évoqué la plaignante, employée de l’hôtel Sofitel à New-York.
Cécile Duflot (Europe Ecologie-Les Verts) a ainsi demandé « justice pour la jeune femme » et « justice pour DSK qui bénéficie de la présomption d’innocence ».
Pour Clémentine Autain, ex-adjointe au maire de Paris, elle-même victime d’un viol à l’âge de 22 ans, « la décence », demandée par tous, « c’est aussi d’avoir une pensée » pour la jeune femme.
Le NPA se disait même « choqué » par les « réactions de compassion » envers le directeur du FMI.
Mardi, François Fillon a demandé, en plus de la présomption d’innocence, « le droit au respect et à la compassion » pour « la victime présumée », tandis que Martine Aubry appelait à attendre « la version » de DSK et à « respecter la jeune femme ».
Le PCF invitait au strict respect des deux protagonistes, en affirmant que « la notoriété » de DSK « ne (pouvait) servir à banaliser le viol ».
« Chape de plomb »
Cette banalisation est l’une des préoccupations des féministes.
L’affaire DSK alimente, selon elles, « la confusion des genres ». « La liberté sexuelle, le libertinage, n’ont rien en commun avec la violence sexuelle », écrit Mix-Cité, qui souligne que « le directeur du FMI n’a pas été arrêté du fait de sa faiblesse pour les femmes » mais qu’il est accusé d’agression sexuelle et de tentative de viol.
Osez le féminisme considère que les commentaires « révèlent une méconnaissance totale du viol », alors que trop de victimes sont « astreintes au silence par une chape de plomb, celle du tabou et de la culpabilité ».
L’association rappelle qu’il n’existe pas de « profil du violeur » et que le viol concerne « toutes les catégories sociales ».
Enfin, elle pointe « le déferlement de blagues sexistes », notamment sur internet, « qui montre à quel point les violences faites aux femmes sont encore minorées dans l’imaginaire collectif ».
(Source AFP)
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