Note explicative
Il est de notre devoir de résister à l’accaparement des terres et de soutenir la lutte des communautés paysannes qui se battent pour conserver leur dignité !
Il ne fait aucun doute que l’accaparement des terres a constitué l’axe de mobilisation principal lors du dernier Forum social mondial à Dakar. Plusieurs mouvements sociaux, des groupes religieux, des organisations de droits humains, de développement et de l’environnement ont tenu toute une série de réunions sur ce sujet.
L’une des activités les plus pertinentes a été organisée par le Réseau des Organisations paysannes et des Producteurs agricoles (ROPPA) et par La Via Campesina à la Foire agricole FIARA. Des dirigeants paysans de différents pays ont réfléchi plus particulièrement sur des stratégies d’action, soulignant l’importance de la conscientisation et l’importance d’alerter non seulement leur groupe mais aussi la société entière, sur les conséquences de l’accaparement des terres et les menaces que ce développement fait peser sur chacun. Un appel pour des actions communes a été lancé à tous les niveaux et dans différents domaines, dont l’information, la recherche, le travail avec les médias et l’accompagnement judiciaire.
Le témoignage de la délégation paysanne de Segou, l’une des régions du Mali la plus affectée par l’accaparement des terres, a été particulièrement impressionnant. Ils ont décrit comment les travaux de préparation à la mise en place d’une production agricole de large échelle, tels que la construction d’un canal d’irrigation a déjà conduit à la destruction des habitations et des terrains agricoles de subsistance d’une soixantaine de familles. En outre, l’accès au fleuve Niger des paysans locaux a été limité, ce qui a affecté plus spécialement les femmes qui dépendent du fleuve pour leur subsistance. La contribution de la délégation paysanne malienne s’est aussi révélée très importante quand ils ont décrit aux participants du FMS comment ils se sont organisés au niveau local et au niveau national pour faire face à cette menace.
Des activités semblables ont été organisées notamment par CCFD-Terre Solidaire, Peuples Solidaires, ACORD, des organisations catholiques de développement, FIAN International, le Réseau africain sur le Droit à l’Alimentation, l’Alliance Oecuménique ”Agir Ensemble”, l’Association des conseils chrétiens et des Églises en Afrique de l’Ouest, ICCO, Bread for the World, Dignity International.
Suite à la suggestion d’une ONG française d’élaborer sur la position commune sur l’accaparement des terres développée par l’OSC lors de la dernière réunion du Comité sur la Sécurité alimentaire (CSA) à Rome en octobre 2010 (*), La Via Campesina et ROPPA, avec le soutien de FIAN International, les Amis de la Terre International, CCFD – Terre Solidaire, Peuples Solidaires et AGTER ont décidé d’organiser une assemblée de convergence de tous les groupes intéressés par le lancement d’un appel contre l’accaparement des terres à Dakar.
Les participants et participantes de l’assemblée de convergence ont adopté cet appel et ont insisté sur le fait qu’il devait servir de véhicule pour créer une large alliance et une mobilisation de soutien aux peuples et aux organisations qui se défendent contre l’accaparement des terres.
Cet appel demande l’arrêt immédiat de l’accaparement des terres et la restitution des terres prises aux populations locales. De surcroit, cet appel envoie aussi plusieurs demandes aux gouvernements nationaux ainsi qu’aux organisations internationales.
Nous invitons toutes organisations et personnes intéressées par ces lignes de travail à endosser cet appel. Vous pouvez le signer en ligne ci-dessous. Cet appel pourra être endossé jusqu’aux 31 mars.
(*) Pour consulter le rapport sur les discussions du CSA d’octobre 2010, visiter le site suivant http://www.fian.org/resources/documents/others/forerunning-new-international-decision-making-on-land-issues-2013-a-report-on-the-cfs-land-discussions-rome-october-8-16-2010
APPEL :
Appel de Dakar contre les accaparements de terres
Nous, organisations paysannes, organisations non-gouvernementales, organisations confessionnelles, syndicats et autres mouvement sociaux, réunis à Dakar pour le Forum Social Mondial de 2011 :
Considérant que les agricultures paysannes et familiales qui regroupent la majorité des agriculteurs et des agricultrices du monde, sont les mieux placées pour :
• répondre à leurs besoins alimentaires et ceux des populations, assurant la sécurité et la souveraineté alimentaires des pays,
• fournir des emplois aux populations rurales et maintenir un tissu économique en zones rurales, clé d’un développement territorial équilibré,
• produire en respectant l’environnement et en entretenant les ressources naturelles pour les générations futures ;
Considérant que les récents accaparements massifs de terres au profit d’intérêts privés ou d’États tiers ciblant des dizaines de millions d’hectares - que ce soit pour des raisons alimentaires, énergétiques, minières, environnementales, touristiques, spéculatives, géopolitiques - portent atteinte aux droits humains en privant les communautés locales, indigènes, paysannes, pastorales, forestières et de pêcherie artisanale de leurs moyens de production. Ils restreignent leur accès aux ressources naturelles ou les privent de la liberté de produire comme ils le souhaitent. Ces accaparements aggravent également les inégalités d’accès et de contrôle foncier au détriment des femmes ;
Considérant que les investisseurs et les gouvernements complices menacent le droit à l’alimentation des populations rurales, qu’ils les condamnent au chômage endémique et à l’exode rural, qu’ils exacerbent la pauvreté et les conflits et qu’ils contribuent à la perte des connaissances, savoir-faire agricoles et identités culturelles ;
Considérant enfin que la gestion foncière, ainsi que le respect des droits des peuples, sont d’abord sous la juridiction des parlements et gouvernements nationaux et que ces derniers portent la plus grande part de responsabilité dans ces accaparements ;
Nous en appelons aux parlements et aux gouvernements nationaux pour que cessent immédiatement tous les accaparements fonciers massifs en cours ou à venir et que soient restituées les terres spoliées. Nous ordonnons aux gouvernements d’arrêter d’oppresser et de criminaliser les mouvements qui luttent pour l’accès à la terre et de libérer les militants emprisonnés. Nous exigeons des gouvernements nationaux qu’ils mettent en place un cadre effectif de reconnaissance et de régulation des droits fonciers des usagers à travers une consultation de toutes les parties prenantes. Cela requiert de mettre fin à la corruption et au clientélisme, qui invalident toute tentative de gestion foncière partagée.
Nous exigeons des gouvernements et Unions Régionales d’États, de la FAO et des institutions nationales et internationales qu’elles mettent immédiatement en place les engagements qui ont été pris lors de la Conférence Internationale pour la Réforme Agraire et le Développement Rural (CIRADR*) de 2006, à savoir la sécurisation des droits fonciers des usagers, la relance des processus de réformes agraires basés sur un accès équitable aux ressources naturelles et le développement rural pour le bien-être de tous. Nous réclamons que le processus de construction des Directives de la FAO* soit renforcé et qu’il s’appuie sur les droits humains tels qu’ils sont définis dans les différentes chartes et pactes internationaux - ces droits ne pouvant être effectifs que si des instruments juridiques contraignants sont mis en place au niveau national et international afin que les États respectent leurs engagements. Par ailleurs, il incombe à chaque état d’être responsable vis à vis de l’impact de ces politiques ou des activités de ses entreprises dans les pays ciblés par les investissements. De même, il faut réaffirmer la suprématie des droits humains sur le commerce et la finance internationale, à l’origine des spéculations sur les ressources naturelles et les biens agricoles.
Parallèlement, nous invitons le Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale (CSA*) à rejeter définitivement les Principes pour des Investissements Agricoles Responsables (RAI*) de la Banque Mondiale, qui sont illégitimes et inadéquats pour traiter le phénomène, et à inclure les engagement de la CIRADR ainsi que les conclusions du rapport d’Évaluation Internationale des Connaissances, des Sciences et Technologies Agricoles pour le Développement (IAASTD*) dans son Cadre d’Action Globale.
Nous exigeons que les États, organisations régionales et institutions internationales garantissent le droit des peuples à avoir accès à la terre et soutiennent l’agriculture familiale et l’agroécologie. Ces initiatives doivent être basées sur l’agriculture familiale et la production vivrière agro-écologique. Des politiques agricoles appropriées devront prendre en compte les différents types de producteurs (peuples autochtones, éleveurs nomades, pêcheurs artisanaux, paysans et paysannes et bénéficiaires des réformes agraires) et répondre plus spécifiquement aux besoins des femmes et des jeunes.
Enfin, nous appelons les citoyen-ne-s et les organisations de la société civile du monde entier à soutenir - par tous les moyens humains, médiatiques, juridiques, financiers et populaires possibles - tous ceux et toutes celles qui luttent contre les accaparements de terres et à faire pression sur les gouvernements nationaux et sur les institutions internationales pour qu’ils remplissent leurs obligations vis à vis des droits des peuples.
Nous avons tous le devoir de résister et d’accompagner les peuples qui se battent pour leur dignité !
Sincèrement,
Les sous-signés