Il ne nous appartient pas dans ces lignes de prendre position dans la compétition des primaires d’EELV. Notre éco-socialisme nous distingue de l’écologie d’accompagnement par la nécessité de s’affronter à la main mise des intérêts capitalistes sur nos vies et sur les ressources naturelles.
Néanmoins, le déroulement et les premiers résultats des « primaires de l’écologie » amènent un certain nombre d’observations.
La charte et le manifeste de respect entre les candidats, les sourires de circonstance au premier rang , les amabilités hypocrites à la tribune masquent mal la réalité d’un processus qui s’apparente à une compétition orchestrée sur le mode feutrée d’une émission de télé-réalité dont la production a déjà sélectionné les finalistes pour son show. Sourires face caméra et par derrière, le pugilat.
Au terme de trois débats publics, les quatre candidats Eva Joly, Nicolat Hulot, Henri Stoll et Stéphane Lhomme ont été proposés au choix de quelques 32 000 votants. Hulot et Lhomme ont rejoint le mouvement pour participer à la primaire mais n’en étaient pas membres fondateurs. Etant donné que EELV rassemblaient 12 000 adhérents coopérateurs avant le lancement de la primaire, cela signifie que 20 000 personnes se sont senties concernées par la désignation d’un-e candidat-e de l’écologie. Le résultat du premier tour donnent Joly : 49,75 % ; Hulot : 40,22 % ; Stoll : 5,02 % ; Lhomme : 4,44 % . Un deuxième tour est donc nécessaire, dont les résultats seront connus le 12 juillet.
Le vote était possible par courrier et par internet. Les conditions du vote par internet ont été contestées, notamment du fait de la difficulté à vérifier l’identité des inscrits. L’arrivée de 600 écologistes du mouvement Ecologiste Indépendant de Waechter a priori tous pro Hulot, a également semé le trouble.
Le militant anti nucléaire et radicalement à gauche Stéphane Lhomme a été le trouble-fête de ce spectacle pourtant bien préparé. Il a donc été traité comme tel par la production : pressions pour censurer sa profession de foi, éviction du premier rang et de la photo...On l’a accusé aussi de faire le jeu de Hulot et de menacer la sélection de Joly en incarnant une candidature de division. Le coup du vote utile a donc été monté. Il est vrai que Lhomme a dénoncé la légitimité de Hulot à représenter largement l’écologie politique tout en défendant un élargissement « à gauche » et une « écologie de combat » Slogan aussitôt repris par Joly dont les partisans commençaient à s’inquiéter sérieusement, de nombreux militants ayant déjà annoncé leur mise en retrait en cas de candidature Hulot. Hulot a lui fait une campagne interne sur le thème du « score à deux chiffres » et de « sa révélation personnelle » à l’écologie politique de gauche. Il se l’est même joué « salarié de TF1 comme 6000 autres », proche du populo à qui il a causé par écran interposé sur la chaîne susnommée. Le contenu de sa profession de foi avait le creux des plaquettes publicitaires écrites à la hâte avec une conviction encore mal assurée : « Nicolas est le candidat différent, le candidat des propositions, le candidat de l’avenir, de l’élargissement... ». Il est porteur « d’une espérance d’un monde apaisé, socialement juste et écologiquement stable. » Il a cependant commis un impair en avouant avoir envisagé une alliance avec Borloo, hypothèse hautement crédible du fait du rôle joué par Hulot dans la mascarade du Grenelle de l’Environnement.
Joly s’est voulue la candidate du sérieux et de la constance, ses lunettes rouges devenant le produit marketing de ses supporters. Elle incarne le parti et le collectif, une sorte de garantie vis à vis de Hulot franc tireur. En outre, elle affiche un programme plus politique, ancré à gauche et dans le pragmatisme des relations avec les « partenaires » traditionnels d’EELV, le PS en tête.
Au final, cette affaire des primaires qui pourrait avoir l’intérêt de rassembler un camp avant une campagne, d’élargir l’audience du débat et la surface des décisionnaires, se révèle une collaboration de plus à la dépolitisation des contenus face aux enjeux actuels de la crise globale, dans une logique où la lutte des places a depuis longtemps remplacé la lutte des classes. Cette expérience est de nature à accentuer le hiatus entre la base du mouvement écolo, altermondialiste et les sphère dirigeantes qui pensent pouvoir s’adresser « aux masses » par les méthodes de la politique cathodique en s’asseyant sur la constance politique de militantEs et de sympathisantEs, engagées années après années dans les mobilisations écologistes de terrain. Pour gagner un score, pour négocier un accord avec le PS...
Sur le plan des méthodes internes, on aboutit également à une vision déformante de la démocratie : éliminer les concurrents par des manœuvres plutôt que de mener un débat argumenté sur le fond et de laisser ensuite les choix se voter, ainsi que le montre le cas de Stéphane Lhomme.
Mais tous ont joué le jeu d’un spectacle qui ne rend pas vraiment service à l’engagement politique. Et si l’expérience de dépassement des Verts incarnée par Europe Ecologie et son système de coopérateurs est intéressante, la notion d’organisation collective autour d’un projet politique argumenté et démocratiquement adopté semble être désormais bien loin de la réalité observée.
Aux dernières nouvelles, Joly a proposé à Hulot d’être son porte parole de campagne. Comme quoi, quel choix y avait-il réellement dans ce jeu de dupes, où un vote utile peut en cacher un autre.