EDF a annoncé, mercredi 20 juillet, un retard de deux ans supplémentaires sur le chantier de l’EPR, réacteur nucléaire de troisième génération, de Flamanville (Manche), dont la mise en service est désormais attendue en 2016. En juillet 2010, EDF avait déjà reporté de deux ans son lancement.
Le coût total du chantier est désormais quasiment doublé par rapport aux estimations initiales, EDF évoquant dans un communiqué « un projet actualisé de l’ordre de 6 milliards d’euros », contre 3,3 à l’origine.
« Ce retard est lié à des raisons tant structurelles que conjoncturelles, explique le groupe. Flamanville 3 est la première centrale nucléaire construite en France depuis quinze ans. C’est également le premier EPR. En termes de maîtrise industrielle, EDF a dû revoir son appréciation de l’ampleur des travaux à mener, notamment en matière de génie civil », poursuit-il. EDF indique aussi que deux accidents graves ont perturbé l’évolution du chantier au cours du premier semestre.
NOUVELLE ORGANISATION
EDF évoque enfin pour justifier ce nouveau retard les analyses qui doivent être menées dans le cadre des audits lancés après la catastrophe de Fukushima, au Japon. Celles-ci seront soumises à l’Autorité de sûreté nucléaire en septembre, promet l’électricien.
Pour faire face à ces difficultés, le groupe annonce par ailleurs une nouvelle organisation avec ses partenaires, passant notamment par « un nouveau calendrier industriel fiabilisé », « l’instauration de nouvelles pratiques dans le pilotage et la conduite du chantier » ou « le renforcement des exigences en matière de sûreté et de préparation des interventions ».
Le ministre de l’industrie, Eric Besson, a assuré, mercredi, que ce retard était « une mesure technique ». « Ce nouveau calendrier est une simple actualisation de l’ancien, afin de tenir compte d’une part des événements imprévus sur le chantier », écrit le ministre dans un communiqué.
Du côté de l’opposition, Noël Mamère, député Europe Ecologie-Les Verts, s’est montré très critique. « Conformément à ce que demandent les écologistes, il faut arrêter ce chantier EPR » a-t-il déclaré à l’AFP, qualifiant ce dernier de « chantier coûteux et sale, notamment à cause des accidents avec les sous-traitants ». M. Mamère a également estimé que la question de la sortie du nucléaire se posait « plus que jamais ».
DES DÉLAIS DE CONSTRUCTION TROP AMBITIEUX
Il a fallu en moyenne six ans et onze mois pour construire les cinquante-neuf réacteurs nucléaires français entre les années 1970 et 1990. Sans tenir compte de cette donnée et des multiples innovations de l’EPR, Areva et EDF avait initialement évalué à quatre ans et neuf mois la durée de construction d’un réacteur.
Mais Areva avait par la suite dû répondre à l’appel d’offres du groupe énergétique finlandais TVO, qui ne lui laissait que quatre ans pour construire son réacteur. EDF s’était donné six mois supplémentaires pour le chantier de Flamanville, qui emploie trois mille quatre cents personnes.
Cet optimisme répondait à un véritable enjeu commercial : plus le temps de construction d’un réacteur est long et plus il coûte cher. Sa compétitivité à l’exportation s’en trouve alors amoindrie.
De nombreux retards et surcoûts ont déjà été annoncés sur les deux premiers chantiers d’EPR menés par EDF à Flamanville et Areva à Olkiluoto, en Finlande. Si les délais annoncés devaient se confirmer, les deux prototypes seraient donc construits respectivement en neuf et en huit ans.
LEMONDE.FR avec AFP | 20.07.11 | 16h41 • Mis à jour le 20.07.11 | 18h53
EPR de Flamanville : le gouffre financier se creuse de plus belle
Communiqué de presse – 21 juillet 2011
Réseau Sortir du nucléaire
Nouveaux records battus pour l’EPR de Flamanville : mercredi 20 juillet, EDF a annoncé que le réacteur n’entrerait en service qu’en 2016 (au lieu de 2014), et que le coût du chantier s’élevait désormais à 6 milliards d’euros, soit le double du prix originellement annoncé. Pour justifier ce surcoût, EDF prétend que ce réacteur est le premier modèle du genre. C’est oublier un peu vite que Flamanville 3 a été précédé de l’EPR d’Olkiluoto, qui cumule d’ailleurs 3 ans ½ de retard et dont les coûts ont bondi jusqu’à 5,7 milliards d’euros, aux frais du contribuable français [1].
Déjà, en 2010, l’Agence de l’Energie Nucléaire de l’OCDE estimait que le coût du MWh EPR pouvait atteindre près de 75 € [2], bien au-delà des 42 € obtenus de haute lutte par Henri Proglio pour la revente du MWh nucléaire. Avec ces nouveaux surcoûts, et alors même que les résultats des stress tests, encore inconnus, pourraient entraîner des exigences supplémentaires, le coût du kWh pourrait atteindre de nouveaux sommets. Que justifie l’entêtement de la France à continuer à alimenter un tel gouffre financier, alors même qu’elle se vante de produire l’électricité la moins chère d’Europe ?
Le Réseau « Sortir du nucléaire » rappelle également que si l’EPR n’est décidément pas un réacteur « low-cost », il n’est pas plus sûr pour autant. En effet, les risques liés à ce réacteur sont légion : risque d’explosion d’hydrogène, vulnérabilité à un crash d’avion de ligne (type 11 Septembre), défaut du système de contrôle-commande souligné par trois autorités de sûreté, choix d’un mode de pilotage pouvant conduire à l’emballement du réacteur [3]... Par ailleurs, sa dangerosité sera renforcée par un approvisionnement en MOX, combustible particulièrement toxique à base de plutonium.
En 2007, il avait déjà été prouvé que la fourniture en électricité du Grand Ouest aurait été bien mieux assurée si les 3,3 milliards d’euros que l’EPR était alors censé coûter avaient été consacrés aux alternatives énergétiques [4]. Ne gaspillons plus de temps et d’énergie pour ce projet aussi dispendieux que dangereux, et commençons dès maintenant à tourner la page du nucléaire en stoppant l’EPR !
Contact : Daniel Roussée - 06 61 97 83 28
Attachée de presse : Opale Crivello - 06 64 66 0123
[2] Les Echos, 28 juin 2010, « Nucléaire : les nouveaux défis de la filière française »
http://www.lesechos.fr/info/energie/020618561070-nucleaire-les-nouveaux-defis-de-la-filiere-francaise.htm
[3] Voir notre dossier EPR : http://www.sortirdunucleaire.org/dossiers/EPR.html
[4] Etude « Courant alternatif pour le Grand Ouest » réalisée par le bureau d’étude Les 7 vents du Cotentin.