Les prix des matières premières ne cessent d’augmenter : 83 % entre 2006 et 2008 et l’indice des prix de la FAO a grimpé brutalement de 32 % au second semestre 2010, laissant présager une crise alimentaire similaire à celle de 2008. Pourtant, au niveau mondial, la production agricole a dépassé la croissance de la population. Elle a été multipliée par 2, 7 en 60 ans contre 2, 4 pour la population. Le problème n’est donc pas, comme on voudrait nous le faire croire, le manque de nourriture mais la répartition et l’accès pour la moitié de la population mondiale déjà concernée par la crise alimentaire.Les propositions de la présidence française du G20 ne feront pas trembler l’économie libérale mondialisée : transparence accrue sur les marchés, dialogue amélioré entre producteurs et consommateurs, étude des produits dérivés et de leurs mécanismes…
Il y aurait pourtant des causes évidentes à combattre immédiatement :
– La spéculation sur les matières premières dont 30 % sont d’origine agricole : ce marché spéculatif a succédé à ceux de la « bulle Internet » puis de l’immobilier qui ont éclaté consécutivement. Elle représenterait aujourd’hui entre 55 et 75 % des transactions.
– L’augmentation du cours du pétrole qui a provoqué l’augmentation des prix des engrais et des transports. De plus, l’industrie capitaliste a choisi de miser sur la production de combustibles d’origine végétale qui confisque 5 % de la production mondiale de céréales.
– Les accidents dus au changement climatique (sècheresse, inondations, vagues de froid...) qui provoquent de brusques baisses de l’offre et la montée des cours. Nous devons diminuer rapidement nos émissions de gaz à effet de serre pour endiguer la multiplication de ces phénomènes.
Un nouveau modèle de développement
D’autres causes plus structurelles ont mis à mal la souveraineté alimentaire des pays du nord comme du sud :
– Le développement d’un modèle agricole productiviste qui, s’il a permis au départ d’augmenter les rendements, n’a jamais fait diminuer la faim dans le monde. Il a précipité dans la misère les paysans en accaparant les terres et démantelant les systèmes agricoles traditionnels, concentré la production, renforcé la domination de l’agrobusiness, détruit 90 % de la biodiversité et provoqué la mort des terres cultivables.
– Les programmes d’ajustement structurel imposés au pays du sud pour assurer le remboursement de leur « dette » : ces pays ont été contraints d’augmenter les cultures exportatrices au détriment d’une agriculture vivrière.
– Le maintien des subventions agricoles dans le nord ainsi que la destruction des barrières douanières des pays du sud a permis que des productions, vendues à un prix inférieur à leur coût réel, viennent inonder les marchés des pays du sud, et anéantissent les possibilités de production locale rentable.
– Le démantèlement des politiques agricoles des pays du nord comme du sud sous l’égide de la Banque mondiale, du FMI et de l’OMC, qui détruit tous les systèmes de régulation et de protection.
La crise alimentaire actuelle est le produit de la politique néolibérale menée ces dernières années. Elle engraisse les multinationales qui contrôlent chaque maillon de la production (semences, engrais, pesticides, brevets), de la transformation et de la distribution de la nourriture, avec la complicité des institutions internationales qui préconisent une libéralisation accrue et l’intensification de l’utilisation de nouvelles technologies et de semences transgéniques.
Il faut rejeter les politiques imposées par les institutions internationales, les accords de libre-échange, interdire la spéculation financière sur les denrées alimentaires, l’accaparement des terres par des multinationales, la production d’agrocarburants et créer des mécanismes d’intervention et de régulation.
Nous devons revendiquer l’annulation de la dette des pays du sud et la souveraineté alimentaire de chaque pays :
– contrôle par les paysans et les populations locales de leur terre, leur eau, leur semences ;
– redéfinition de nos besoins et de nos modes de consommation et maîtrise et répartition de la production ;
– redéploiement d’une agriculture locale agro-écologique respectueuse de son environnement et basée sur la généralisation des petites fermes : elle permettra d’économiser les combustibles et de lutter contre le réchauffement climatique.
Vers un nouveau modèle de développement socialement juste et écologiquement soutenable !
Catherine Faivre d’Arcier