Raffarin serait, paraît-il, rassuré parce que son lundi de Pentecôte travaillé n’a pas débouché sur la paralysie générale du pays. Il a tort de se réjouir car les apparences sont trompeuses. Certes, il n’y a pas eu de grève à la SNCF et à la RATP, mais pour la simple raison qu’à la SNCF la direction n’a pas remis en cause le caractère férié du lundi de Pentecôte et qu’à la RATP, celles et ceux qui travaillaient ce jour-là ont reçu une prime de 100 euros. En revanche, les transports publics étaient paralysés dans 27 grandes villes, La Poste comptait 50 % de grévistes, des centaines d’écoles étaient désertes ainsi que nombre de centres de Sécurité sociale. L’absence de manifestations ou d’initiatives de rue n’a pas permis que s’exprime la profondeur de ce refus de ce qu’il faut bien qualifier du travail forcé. Et comment s’empêcher de faire remarquer au passage que Raffarin n’est pas le premier à avoir eu une telle idée. Ainsi, dans la dix-huitième ordonnance de l’Oberfelkommandatur 670, datée du 8 juin 1943, le paragraphe 1 dit : « Le lundi de la Pentecôte 14 juin 1943 sera travaillé dans les mines de houille comme les jours ouvrables, etc. »
Le refus de ce travail forcé s’inscrit dans un vaste mouvement de désobéissance civile qui s’est concrétisé au travers du rassemblement de Millau en août 2003, du fauchage des champs d’OGM, des mobilisations contre les fermetures de bureaux de poste, d’hôpitaux, de maternités ou de lignes de chemins de fer, de la manifestation de Guéret pour la défense des services publics, des manifestations des lycéens contre le plan Fillon mais aussi contre l’école caserne et le flicage de la jeunesse. Ce vaste et profond mouvement entre aujourd’hui en concordance avec la campagne pour un « non » de gauche qui refuse la logique libérale, répressive et militariste du traité constitutionnel. Et la concordance entre ce puissant mouvement de mobilisation contre la politique libérale et une victoire du « non » posera la question du départ de Chirac, de son gouvernement, ainsi que celle de la dissolution de l’Assemblée nationale et de l’émergence d’une alternative politique qui réponde aux exigences et aux aspirations du plus grand nombre.
Léonce Aguirre