Une centaine de manifestant·e·s, membres d’organisations paysannes et citoyen·ne·s engagés, se sont réunis en face de l’UPOV. Leur mot d’ordre était « Pour la reconnaissance immédiate du droit des paysan·ne·s de ressemer et d’échanger librement leurs semences, les protéger de la biopiraterie et des contaminations par des gènes brevetés. Non à la mainmise des multinationales semencières, au COV de 1991 et à toute forme de brevets sur les plantes, les parties de plantes, leurs gènes ou les procédés d’obtention ».
Des paysan·ne·s de France, Belgique, Allemagne, Autriche, Italie, Espagne, Turquie, Angleterre et Norvège étaient présents. Des paysan·ne·s genevois complétaient la délégation représentant la diversité européenne unie face à l’UPOV.
L’UPOV : coupable d’opacité et de parti pris
Depuis 2010, la Coordination européenne Via Campesina et APBREBES (une coalition d’ONG – dont la « Déclaration de Berne » – souhaitant une sélection des plantes au bénéfice de la société) ont obtenu le statut d’observateur à l’UPOV ; de haute lutte. Il n’en reste pas moins que l’UPOV déroule le tapis rouge aux grands groupes semenciers et que ce sont les seuls à avoir une réelle possibilité d’orienter les décisions. Le comité consultatif, par exemple, n’est pas ouvert aux observateurs et très peu de documents sont accessibles au public. Le site Internet sommaire en est une illustration frappante…
APBREBES demande avec vigueur que l’UPOV fasse sa mue et devienne plus transparente ; les méthodes de travail actuelles sont d’un autre âge […] Pour preuve du malaise de l’UPOV face au manque de représentativité des paysans en son sein, nous avons assisté à un vent de panique de l’UPOV les jours précédant la manifestation : conférence de presse officielle déplacée du bâtiment de l’OMPI à celui de l’ONU, cafétérias fermées entre midi et quatorze heures et délégués priés de ne pas sortir du bâtiment pendant la manif de 11 h 30 à 14 h. Plusieurs fourgons de police parqués dans le quartier à la demande de l’institution. Bref, une mobilisation disproportionnée de l’UPOV qui démontre son manque de liens avec les réalités… et qu’elle a peut-être quelque chose à se reprocher.
Paysans expropriés
En effet, depuis la Convention de l’UPOV de 1991, les droits des paysans à ressemer et échanger leurs semences ont largement été réduits au profit des groupes semenciers. Olivier de Schutter, rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation a souligné dans un récent rapport les risques que ce type de réglementation fait courir aux systèmes informels d’échange de semences. Elle affaiblit la sécurité alimentaire et la biodiversité. Il a encouragé les Etats à développer leurs propres systèmes de protection des semences en tenant compte des droits des paysan-ne-s et des besoins spécifiques de chaque population.
« En ce qui concerne les semences, la situation est depuis longtemps intolérable pour les paysans, et cela risque d’empirer. Le problème soulevé ici touche en réalité l’ensemble des citoyens, puisque la question de l’accès, la libre reproduction et l’échange de semences par les paysans est le seul moyen d’éviter que les multinationales, par l’intermédiaire de l’UPOV, ne s’approprient et privatisent par les semences toute la chaîne alimentaire, et donc le vivant », a dit Rudi Berli d’Uniterre lors de la manif.
« Le droit des paysan·ne·s de ressemer et d’échanger leurs semences de ferme est pourtant indispensable à l’adaptation des cultures aux changements climatiques et à l’adaptation locale qui permet seule de diminuer l’usage des engrais et des pesticides chimiques. Il est le garant de la sécurité du stock semencier, et donc de la sécurité alimentaire. Par ailleurs, depuis de trop nombreuses années, les groupes semenciers se sont servis gratuitement dans nos champs, se comportant comme des biopirates. Et ce serait à nous de les indemniser avec des royalties ? C’est tout simplement inacceptable » a déclaré Guy Kastler de la Confédération paysanne française et délégué pour l’Europe à la commission biodiversité et semences de Via Campesina.
« Les paysans et paysannes ont toujours gardé une partie de leur récolte pour la ressemer et l’échanger entre eux. Que l’UPOV le veuille ou non, ils et elles vont continuer à le faire. Il en va de l’avenir de l’agriculture, de la paysannerie et des générations futures. Le droit de garder, semer, et échanger les semences est la base permettant la réalisation de la Souveraineté Alimentaire », a ajouté Josie Riffaud, du comité de la Coordination européenne Via Campesina.
Receleurs et arbre symbolique
Des sachets de semences « illégales » ont été distribués à un certain nombre de candidat·e·s aux élections fédérales. Elles sont illégales car aucune royalties n’est payée aux groupes semenciers. Un petit texte était imprimé sur le sachet : « Ces graines appartiennent à une variété paysanne. L’agriculteur qui les a récoltées devient cependant un contrefacteur s’il les sème sans payer de royalties à l’industrie semencière. Il est interdit d’échanger, de donner ou de vendre ces semences. Celui qui les conserve peut être poursuivi pour recel ». […] Pour les organisateurs du rassemblement, il était important qu’un témoin de cette action reste sur le terrain. Les paysan·ne·s genevois ont donc planté un porte-greffe de poirier sur la plate-bande devant l’institution pour symboliser le fait que les paysans y détiennent désormais le statut d’observateur. Il sera greffé avec un poirier à rissoles le 17 avril, journée internationale des luttes paysannes. La poire à rissole, bien connue des genevois·e·s représente également l’agrobiodiversité que nous souhaitons conserver. Cet arbre est maintenant sous la protection de la Ville de Genève, propriétaire de cette plate-bande.
Valentina Hemmeler Maïga
Uniterre
* Paru en Suisse dans « solidaritéS » n°197 (04/11/2011), p. 5.
http://www.solidarites.ch/journal/
Le printemps des familles paysannes
A l’heure ou les feuilles des arbres se déploient avec force et éclat, le syndicat paysan Uniterre se retrouve à nouveau sur la brèche. Avril, à n’en pas douter, est un mois de forte mobilisation.
C’est le 4 avril dernier que les membres d’Uniterre ont installé une ferme sur la place de la Cathédrale à Berne afin d’amener ses revendications aux politiques et aux acheteurs. La révolte paysanne continue en effet de couver et il ne manque pas grand chose pour qu’à nouveau, la colère se déverse dans les rues. Simple exemple, le prix du lait demeure bien trop bas, se situant entre 56 cts et 60 cts par litre, alors qu’il faudrait 1 franc pour couvrir les coûts. Conséquence : plus de 1000 fermes laitières ont disparu en 2010. On s’oriente vers une agriculture industrielle, concentrée en plaine et à la botte des transformateurs et de la grande distribution ; loin des images idyliques de petites fermes de montagne véhiculées par la pub de Coop et Migros.
La nouvelle politique agricole prévoit pour sa part la disparition de 17 000 fermes d’ici à 2017 soit cinq par jour. A ce rythme, il y en aura bientôt plus aucune. Cette vision politique mortifère est tout bonnement irresponsable. S’il est évident que nous n’avons pas pour objectif d’être auto-suffisant à 100 %, le maintien d’une agriculture paysanne forte, rémunératrice, créatrice d’emplois en Suisse est une évidence.
A Berne, trois axes de revendication ont été présentés :
Pour la production laitière, Uniterre exige un prix à la production de 1 fr. par litre de lait pour les quantitées destinées au marché suisse (actuellement payées moins de 60 cts) et revendique le droit de ne pas produire les quantités sous payées destinées à l’exportation. De plus il demande que la « force obligatoire » soit octroyée aux paysans afin de leur donner les moyens de devenir un interlocuteur crédible face à l’oligopole Coop-Migros. C’est la seule option pour espérer un rééquilibrage des forces du marché.
Pour les grandes cultures, Uniterre veut obtenir 1 fr. par kilo de blé panifiable et 0,7 fr. par kilo pour les céréales fourragères afin de relancer la production indigène. Il faut briser notre dépendance toujours plus forte vis-à-vis de l’hémisphère sud car elle détruit l’agriculture paysanne de ces régions. Nous proposons une taxation du fourrage commercialisé (suisse et importé) et la redistribution de cette taxe pour financer un projet global novateur encourageant les céréales fourragères et les oléo-protéagineuses indigènes extenso ou bio et les prairies en montagne.
Enfin, Uniterre exige une vraie politique agricole qui crée de l’emploi dans le secteur et qui soit basée sur la souveraineté alimentaire telle que définie par La Via Campesina. En aucun cas Uniterre et La Via Campesina ne pourront accepter que le concept de souveraineté alimentaire soit galvaudé et devienne la caution d’une politique qui ne donne aucun avenir à l’agriculture locale (tel que le Conseil fédéral tente de le faire via la nouvelle politique agricole 2014-17 actuellement en consultation).
Valentina Hemmeler Maïga
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La souveraineté alimentaire va de pair avec la souveraineté énergétique
Alors que la souveraineté alimentaire fait son chemin, qu’en est-il de la filière énergétique ? Le nucléaire repose sur un système centralisé à l’extrême : un investissement massif de milliards de francs par centrale et peu d’emplois créés à long terme. De plus, l’uranium est importé de pays où son extraction minière est pratiquée dans des conditions sociales et environnementales inacceptables et a spolié les peuples autochtones et paysans de leurs terres. Uniterre estime donc qu’il faudra tourner le dos à ce type d’énergie. Uniterre est en faveur d’une production d’énergie renouvelable décentralisée : hydraulique, éolienne, solaire, biogaz et bois. La production d’énergie doit constituer un service durable aux consommateurs-trices, qui crée des emplois de proximité. Nous estimons que les familles paysannes peuvent être des producteurs d’énergie décentralisée.-
VH
Luttes paysannes le 17 avril : récupérons les terres !
Depuis maintenant 10 ans, avec La Via Campesina, Uniterre commémore la journée internationale des luttes paysannes en souvenir du massacre de 17 paysans sans terre brésiliens. Ce 17 avril sera dédié à l’enjeu de l’accès à la terre avec deux actions simultanées de récupération de terres à Genève et Zurich.
A Genève, plaque tournante du négoce international de denrées alimentaires, l’urbanisation est galopante, la spéculation foncière gangrène le territoire. Sous couvert de crise du logement, de vastes zones productives d’excellente qualité sont en voie d’être déclassées alors que rien n’a encore été bâti sur ce qui a déjà été déclassé.
La population est invitée à venir participer à la récupération d’une terre laissée à l’abandon. Une occasion d’échanger sur les savoirs paysans et de discuter de moyens d’échanges locaux. Venez donc construire, semer, planter, manger, boire, et discuter autour d’une action politique et festive. Le rendez-vous est donné à 11 h, arrêt ZIPLO bus TPG 23. -
VH
* Paru en Suisse dans « solidaritéS » °186 (14/04/2011), p. 6.
http://www.solidarites.ch/journal/