L’Observateur du Maroc. Vous êtes sur le terrain depuis le déclenchement de la révolution yéménite, comment évaluez-vous la situation actuelle ?
MAGID ALMADHAJI. La révolution va crescendo et les manifestations de protestation ne cessent de se multiplier et de s’amplifier. Le peuple est plus que jamais décidé à faire tomber le régime de Ali Abdullah Saleh. La révolution est en train de gagner du terrain et d’inclure la plupart des régions du Yémen.
Comment les femmes yéménites participent-elles à cette révolution populaire ?
Les femmes yéménites étaient les premières à investir les rues pour protester contre un régime basé sur la dictature et l’injustice sociale. Les actrices de la société civile sont en tête des manifestations. Elles ne se contentent pas de suivre le mouvement, au contraire elles le créent, le déclenchent et le boostent avec leur volonté de fer et leur engagement infaillible. Les femmes yéménites ont démontré qu’elles sont des leaders et pas des moindres. Elles savent mener leurs troupes vers le chemin du changement. D’ailleurs les tribus et les forces de l’ordre ont pu remarquer comment les militantes ont réussi à changer les règles du jeu malgré toutes les réticences.
Que réclament les femmes yéménites ?
Les réclamations des femmes yéménites font partie des revendications générales de la révolution. Ceci même si elles sont portées à un niveau plus profond vu que les femmes soufrent d’une manière exceptionnelle de discrimination et d’injustice dans notre pays.
Comment décrivez-vous la situation de la femme au Yémen ?
La femme au Yémen est sujette à beaucoup d’injustice, de frustration et de pression. Longtemps placée sous le joug d’une société ultraconservatrice, la femme est privée de son droit de s’exprimer, d’agir et de s’épanouir. Ceci malgré son fort potentiel, que ce soit dans le domaine social, politique ou économique. Si dernièrement la situation a commencé à s’améliorer petit à petit, c’est surtout grâce aux efforts déployés par la société civile. L’encouragement de la scolarisation des filles et l’amélioration du système éducatif sont également pour quelque chose dans cette embellie relative.
Croyez-vous que la femme yéménite est prête et capable de revendiquer tous ses droits à la société ?
La femme yéménite est tout à fait mûre, que ce soit intellectuellement ou politiquement. Elle a atteint un degré de conscience qui lui permet de revendiquer ses droits et même de les acquérir en tant qu’acteur actif dans la société. C’est justement cette dernière qui n’est pas assez mûre pour laisser la femme yéménite montrer et démontrer son mérite. Ce manque de maturité de la société est imputable principalement à la complicité néfaste du pouvoir et de l’élite politique avec les forces ultraconservatrices, très influentes. Ces dernières ont toujours montré une forte résistance au changement et à l’émancipation féminine.
La révolution pourrait-elle offrir un avenir meilleur aux femmes yéménites ?
Le changement n’a jamais été une chose spontanée, surtout dans un pays comme le Yémen. Pour y arriver, la femme yéménite doit participer corps et âme dans ce combat pour la dignité. Sa forte implication dans cette révolution est garante de libérer le Yémen et de la libérer elle-même de ses chaînes qui ont, durant des siècles, limité son action. Il faut rappeler également que la révolution veut changer les principes fondateurs de la nation yéménite. Le rejet de toute forme de discrimination, la justice et l’égalité seront d’ailleurs les maîtres mots du nouveau Yémen en gestation et la femme devrait profiter de ce regain démocratique.
Hayat Kamal Idrissi