La direction de l’énorme usine laitière de Nestlé au Pakistan, Kabirwala – une installation ultramoderne avec un système de relations sociales féodal – criminalise la lutte que mène le syndicat pour les droits de centaines d’employé/ées sous contrat à l’usine.
Plus de deux cent employés/ées sous contrat ont été licenciés/ées ; ceux qui protestent contre leur situation ont été victimes d’agressions violentes et 80 employés/ées sous contrat font maintenant l’objet de poursuites pénales pour avoir défendu leur droit légal à un emploi direct et permanent ; c’est également le cas du président Mohammad Hussein Bhatti.
La direction de Nestlé n’a jamais porté Bhatti dans son cœur ; il travaille à l’usine depuis 1997 et avait d’excellents antécédents professionnels - jusqu’à ce qu’il annonce sa candidature au poste de président du syndicat en 2006. La direction a sans cesse tenté d’empêcher cela, et fabriqué de fausses signatures dans des requêtes au tribunal, enfreint une série d’ordonnances judiciaires, a cherché à faire annuler les résultats de l’élection, et quand tout cela a échoué, renvoyé Bhatti de son poste. Il a été réintégré sur une décision du tribunal et est gardé son poste de président de Kabirwala Employees Union.
Mais les choses ont vraiment pris vilaine tournure quand en septembre 2010, lors d’une réunion générale de ses membres, le syndicat a voté en faveur de l’élargissement de l’adhésion aux travailleurs/euses sous contrat et a soumis greffier du syndicat un amendement aux statuts en ce sens. En décembre, le greffier a approuvé les nouveaux statuts du syndicat. En février 2011, le syndicat a commencé à soutenir des centaines de travailleurs/euses parmi le personnel précaire de l’usine pour qu’ils obtiennent un statut permanent en déposant plainte auprès du tribunal prudhommal. Au titre de la loi pakistanaise, le personnel employé pendant neuf mois a le droit légal de devenir personnel direct et permanent.
Les plaintes soulignent que bien que les travailleurs/euses soient formellement employés/ées par le sous-traitant M. Ramzan and Sons, Nestlé fournit le financement pour payer leurs salaires, une disposition conçue pour que Nestlé Pakistan évite des impôts et d’autres responsabilités. Les travailleurs/euses sont employés/ées sur la base du « pas de travail pas de salaire » au quotidien, avec des salaires inférieurs et des prestations limitées par rapport au personnel permanent de l’usine.
Au travers de 31 requêtes déposées avec l’aide du syndicat, 199 travailleurs/euses ont demandé le statut permanent le 8 février. Ce même jour, le tribunal a ordonné à titre conservatoire à l’entreprise de ne pas changer leur statut d’emploi, c’est-à-dire de ne pas réagir par des licenciements. En mai, un deuxième groupe de 58 travailleurs/euses a déposé une requête auprès du tribunal prudhommal pour que leur statut d’emploi soit modifié. Le tribunal a pris une décision conservatoire interdisant à l’entreprise de licencier ces travailleurs/euses.
Nestlé n’a pas apprécié. Les sous-traitants non plus, donc en mai Nestlé et les sous-traitants ont fait conjointement appel pour que les décisions conservatoires soient annulées. L’appel a été rejeté. Malgré cela, 35 travailleurs/euses ont été licenciés/ées - par la direction de Nestlé - le 9 juin. Lorsque les employés/ées ont manifesté contre les licenciements illégaux, la manifestation a été violemment réprimée.
Le 27 juillet, le tribunal prudhommal a ordonné la réintégration de 35 travailleurs/euses. La direction a ignoré le tribunal et a commencé à licencier d’autres travailleurs/euses précaires. En tout, 250 employés/ées ont maintenant été licenciés.
La police a arrêté le président du syndicat Bhatti sur des accusations forgées de toutes pièces le 29 septembre (voir ci-dessous). Lorsque les travailleurs/euses ont manifesté leur soutien, des mandats d’arrêts ont été émis contre 80 individus et 120 personnes non-identifiées pour protestations et blocage de la route. Lors d’une rafle au domicile des travailleurs/euses la nuit, la police a arrêté un grand nombre d’entre eux et les a gardé en détention jusqu’à ce qu’ils aient versé une caution dépassant 500 USD.
Plus de 80 travailleurs/euses et le président du syndicat demeurent en liberté sous caution à l’heure actuelle. Le 10 octobre, Bhatti a été suspendu de son travail, ce qui s’est reproduit à de nombreuses reprises depuis lors. Il n’a pas le droit d’entrer dans l’usine.
Muhammad Ashfaq Butt, qui a été travailleur sous contrat à l’usine de Kabirwala pendant 5 ans, décrit leur combat pour leurs droits et la répression féroce que cela a provoqué.
« J’ai rejoint Nestlé comme assistant et après deux ans j’ai été promu opérateur de machine. En tant qu’employé sous contrat nous devions faire des heures supplémentaires lorsqu’on nous disait que c’était nécessaire mais n’étions jamais payés. Quand on mentionnait le paiement des heures supplémentaires ou que l’on ne les faisait pas, nous étions menacés de licenciement. Le sous-traitant avait inscrit tant d’employés/ées que pratiquement aucun n’a jamais réussi à faire 26 journées de travail en un mois. Le système est totalement manipulé et corrompu.
« J’ai participé activement quand le syndicat a modifié ses statuts et nous a offert la possibilité d’adhérer en septembre 2010. A cette époque là, le syndicat négociait sa charte de revendications. Le 14 octobre, le chef de quart en service m’a dit : "Etant donné que vous êtes impliqué dans le syndicat et que vous agitez le personnel, à partir de demain la porte vous sera fermée. » En novembre j’ai déposé plainte auprès du tribunal prudhommal et j’ai été réintégré avec pleine rétroactivité salariale. Lorsque je me suis rendu à l’usine, le directeur des RH m’a retrouvé à la porte et a refusé l’ordonnance du tribunal, me disant « Vous ne travaillerez pas dans cette usine ». La direction a fait appel de ma réintégration, et depuis lors l’affaire est bloquée dans une série d’appels, révisions et requêtes d’outrage au tribunal, puisqu‘à chaque fois que le tribunal a ordonné à l’entreprise de me réintégrer ils ont refusé.
« Pendant cette période j’ai été menacé par la police, des hommes de main et la direction. La police a contacté ma famille et mes proches et les a aussi menacés. La direction m’a impliqué dans de plaintes fabriquées de toutes pièces pour utiliser les pressions policières. Le 5 septembre je me rendais chez moi à moto quand trois individus m’ont pourchassé et m’ont pris tous mes documents de procédure judicaire, mon téléphone portable, mon portefeuille et ma moto. Avant de partir ils m’ont mis en garde et conseillé de ne pas m’approcher de l’usine Nestlé et de retirer mes plaintes.
« Le 24 septembre je déposais une autre requête d’outrage au tribunal contre le directeur des RH pour refus de me réintégrer. Le 26 septembre, la Haute-Cour a statué en ma faveur, ordonnant au directeur des RH de faire valoir ses motifs. Mais le lendemain il a appelé certains employés/ées dans son bureau, prétendant plus tard qu’ils l’avaient attaqué et a déposé plainte auprès de la police, affirmant que moi-même et le président du syndicat étions liés à l’incident. Le 29 septembre, a police a aussi inclut mon nom dans la plainte contre plus de 80 travailleurs/euses. J’ai été arrêté le 1er octobre et suis resté en prison 16 jours, jusqu’à ce que je puisse payer ma caution.
« La direction m’a impliqué dans 4 plaintes auprès de la police et je suis en liberté sous caution dans les quatre cas. La direction s’efforce activement de faire annuler la liberté sous caution parce qu’ils ne veulent pas me voir près de l’usine. »
« Mieux manger, mieux vivre » ? Pas si vous travaillez à Nestlé Kabirwala et défendez vos droits. Cessez la Nespression contre les travailleurs/euses de l’usine laitière au Pakistan !
Allez sur www.nespressure.org
Cliquez ici pour envoyer un message à Nestlé exigeant la fin de la criminalisation des employés/ées précaires qui se battent pour leurs droits.
http://www.iuf.org/cgi-bin/campaigns/show_campaign.cgi?c=628
La direction centrale à Vevey doit agir maintenant pour s’assurer que toutes les poursuites contre les travailleurs/euses sous contrat de Kabirwala soient abandonnées et que le personnel licencié soit réintégré et devienne personnel direct et permanent, conformément à la loi. Les poursuites contre Bhatti, le président du syndicat, doivent être abandonnées et la direction doit mettre fin à son ingérence dans le syndicat.