Ces propositions reposent sur un principe directeur qui consiste à privilégier les impôts directs (par rapport à la fiscalité indirecte) et les impôts progressifs (en ayant pour objectif la réduction drastique de tous les impôts et taxes proportionnels). La fiscalité doit être compréhensible par tous les citoyens ce qui est la condition même pour qu’elle puisse donner lieu à un véritable débat démocratique dans lequel les arbitrages politiques soient réellement maîtrisés par tous. Comme nous l’avons déjà souligné, il convient cependant de ne pas semer l’illusion qu’une bonne fiscalité permettrait de corriger les inégalités sociales et les inégalités primaires de revenus.
Les bases sur lesquelles reposent les prélèvements sont de plusieurs sortes :
– le revenu, qui a un caractère périodique (généralement l’année),
– la dépense, et principalement la consommation, qui ne prend en compte que la partie utilisée du revenu : l’imposition est dite indirecte car un tiers s’interpose entre :
– le contribuable et l’État,
– le patrimoine, la richesse accumulée et éventuellement transmise de génération en génération.
Nous allons aborder successivement nos propositions dans chacun de ces domaines.
1) L’IMPÔT SUR LE REVENU
Pour les personnes physiques, les choix politiques des gouvernements de droite et de gauche depuis plus de dix ans (c’est le gouvernement Jospin, avec Laurent Fabius comme ministre des Finances qui, en 2000, a donné le signal de la baisse de l’impôt sur le revenu) ont abouti à une forte baisse de la progressivité de l’impôt sur le revenu et à la taxation plus importante des revenus du travail par rapport à ceux du capital. Cette politique en faveur des plus riches a bien évidemment été poussée à l’extrême sous Nicolas Sarkozy (le « président des riches », comme l’ont à juste titre baptisé deux chercheurs [1]).
Quatre moyens ont été utilisés en ce sens :
– la baisse du nombre de tranches d’imposition :le barème a été ramené à cinq tranches alors qu’au début des années 1980, il existait treize tranches. Cela a contribué à réduire la progressivité de l’impôt. En effet, des tranches d’imposition nombreuses permettent d’élargir la progressivité avec des tranches partant d’un très bas niveau et en instaurant des tranches avec des taux d’imposition très élevés pour les détenteurs de revenus très importants. Ces dernières tranches ne concernant qu’une faible partie de la population et seulement sur la fraction la plus élevée de leur revenu.
– la baisse du taux marginal. Comme nous l’avons expliqué ci-dessus, les gouvernants mettent généralement en avant le taux le plus élevé des tranches d’imposition (le taux marginal supérieur). Ce qui permet de faire croire que, par exemple, les revenus les plus élevés paient 50 % de leur revenu en impôt dans la mesure où la dernière tranche d’imposition du barème est de 50 %. En réalité ce n’est qu’une faible part du revenu (la dernière tranche) qui est taxé à 50 %. Il est plus pertinent de se référer au taux moyen d’imposition qui est bien inférieur. En fait, avec un taux maximum de 100 % sur la dernière tranche le taux moyen, même en revenant à treize tranches fortement progressives, n’excéderait pas 50 % du revenu.
– La consolidation, voire le renforcement des « niches fiscales » qui font sortir du barème de l’impôt des éléments importants du revenu et aboutissent à une forte inégalité entre imposition du capital et du travail.
– Le 4e moyen a été le « bouclier fiscal », inauguré en 2006 par D. de Villepin et renforcé par N. Sarkozy et qui sera supprimé en 2012 (en contrepartie de la baisse de l’ISF).
Au total, si l’on compare avec les autres pays développés, c’est en France que la part de l’impôt sur le revenu des personnes physiques [2] dans les ressources de l’État est parmi les plus faibles et a fortement baissé sur les dernières années (y compris donc sous le gouvernement Jospin).
Trois propositions en ce qui concerne l’impôt sur le revenu :
1 - l’impôt sur le revenu doit être fortement progressif, les tranches doivent être suffisamment nombreuses pour établir une réelle progressivité. Comme nous l’avons vu précédemment des taux très élevés ont existé dans les pays capitalistes jusqu’aux années 1970. Depuis, les inégalités de revenu ont considérablement augmenté : les revenus les plus élevés ont augmenté considérablement plus vite que les autres [3].
Dans ces conditions, il est non seulement nécessaire de revenir à des taux élevés mais il aussi juste de fixer un taux marginal à 100 % à partir d’un certain niveau de revenu que, pour notre part nous estimons légitime de fixer à 260 000 euros par an (voir encadré ci-dessous).
2 - c’est l’ensemble du revenu des personnes physiques qui doit être pris en compte dans la base imposable. Tous les revenus, quelle que soit leur nature, doivent être taxés de la même façon. Il s’agit de mettre fin au système des prélèvements libératoires qui concerne principalement les revenus du capital. Ce système permet aux plus fortunés d’échapper à la progressivité de l’impôt en limitant à 19 % (CSG comprise) la taxation des revenus des différents placements4. Il est également nécessaire de revenir sur les allègements de l’impôt (niches fiscales) vers un système fortement progressif, et intégrant toutes les composantes du revenu.
3 - dans le calcul de l’impôt, il convient de supprimer le quotient conjugal et de revoir le quotient familial.
Le quotient conjugal consiste à ajouter les revenus des deux conjoints et taxer les revenus avec deux parts. Actuellement selon Terra Nova (groupe de réflexion proche du Parti socialiste), l’avantage que représente le quotient conjugal, est de 279 euros pour un smicard mais de 2 301 euros pour quatre fois le Smic. Nous sommes pour que chacun et chacune, quel que soit son mode de vie soit taxé séparément en fonction de ses propres revenus. L’imposition séparée stricte est par exemple pratiquée au Canada, au Japon, en Finlande, en Grèce et en Suède. Des pays comme les Pays-Bas, l’Autriche ou le Royaume-Uni la pratiquent aussi sous une forme atténuée.
Le quotient conjugal est un frein au travail des femmes dans la mesure où l’imposition conjointe amène à considérer le salaire d’un des deux conjoints (très majoritairement les femmes) comme un complément. Le salaire potentiel est alors comparé aux charges qu’entraîne le travail des deux conjoints (y compris l’impôt supplémentaire, frais de garde des enfants, etc.).
Le quotient familial socialement injuste, puisque comme le quotient conjugal, il procure des réductions d’impôt croissantes avec le revenu, devrait être remplacé par une allocation forfaitaire par enfant indépendante du niveau de revenu d’un montant suffisant pour permettre la prise en charge d’un enfant dans de bonnes conditions.
On peut se poser la question de savoir à quel niveau il est souhaitable de fixer le montant à partir duquel l’impôt prend tout. C’est-à-dire le revenu maximum disponible pour un citoyen. Le Parti de Gauche a avancé récemment la somme de 360 000 euros par an. Pour notre part, nous préférons la mettre en relation avec le niveau du Smic qui est actuellement en net perçu de 12 876 euros par an (1073 x 12). La proposition du Parti de Gauche situe la barre à 28 fois le Smic. Nos propres réflexions la fixent autour de 20 Smic soit 260 000 euros (en arrondissant). Cependant, on peut admettre qu’au-delà de cette divergence, il est important d’enregistrer un accord de principe sur une imposition totale du revenu au-dessus d’un certain niveau.
2) L’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS
L’impôt sur les sociétés (IS) est un impôt sur les bénéfices des entreprises. Il représente 4, 3% de l’ensemble des prélèvements, soit 36 milliards d’euros en 2010. Le taux d’imposition à l’IS est de 33 1/3 % depuis le 1er janvier 1993. Il était de 50 % jusqu’en 1985 puis a diminué progressivement pour atteindre son taux actuel. L’IS connaît aussi un taux réduit à 15 % – pour les PME (dans certaines conditions, et seulement sur certain type de bénéfices). Son montant constitue un des thèmes favoris du patronat : il serait trop élevé en France. En fait, les comparaisons entre pays sont difficiles car elles doivent prendre en compte : - les taux (%) ; - la base imposable effectivement retenue. En effet, la mesure des profits imposables varie de pays à pays. En moyenne, le taux de l’impôt sur les sociétés n’est pas plus élevé en France que dans les autres pays : avec 33,3%, il est comparable à celui de l’Allemagne (de 30 à 33 %, taxe de solidarité incluse), de l’Autriche (34 %), de la Belgique (33,99 %), de l’Espagne (35 %) ou de l’Italie (33 %).
Et le mode de calcul de la base imposable n’est pas plus strict en France qu’à l’étranger. Un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (lié à la Cour des comptes) note même que les règles d’assiette (base imposable) de l’IS en France apparaissent très favorables aux entreprises avec notamment un régime d’amortissement des équipements qui est parmi les plus avantageux de l’OCDE5. Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires précité s’applique à calculer ce qu’il appelle le taux implicite d’imposition : il s’agit des recettes de l’impôt sur les sociétés rapportées à l’excédent net d’exploitation (ENE). Le document établit qu’en pratique, les entreprises ont un taux d’imposition non de 33,3 % : mais de 18 %. Mais ce 18 % n’est qu’une moyenne. Car, en réalité, le taux d’imposition grimpe jusqu’à 30 % pour les entreprises de moins de dix salariés et s’effondre ensuite pour n’atteindre plus que 13 % pour les entreprises de plus de 2 000 salariés.
Ce contraste entre les petites et les grandes entreprises est d’autant plus invraisemblable que, officiellement, les grandes entreprises sont toutes taxées à 33 % alors qu’une partie des petites entreprises bénéficient du taux dérogatoire de 15 %. Du fait de la possibilité de déductions diverses, les sociétés de plus de 2 000 salariés sont donc à 13 %. Toujours en moyenne, ce qui signifie que certaines sont beaucoup plus bas : c’est le cas en particulier de plusieurs groupes du CAC 40. En 2010, cela a été le cas de Total, premier groupe bénéficiaire français. Mais aussi de Danone, de Suez environnement qui réalise pourtant l’essentiel de son chiffre d’affaires par la délégation de services municipaux en France, d’Accor, d’Arcelor-Mittal, logé au Luxembourg [4]. Les grandes entreprises en particulier (outre la fraude fiscale), ont en effet, les moyens de pratiquer l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale qui se situent dans le cadre de la loi mais la contournent ou tirent parti de tous ses avantages. Des dispositifs sont ouvertement favorables.
Le bénéfice mondial consolidé profite ainsi actuellement à cinq groupes et représente 550 millions d’euros d’économie d’impôts annuelle en ce qui les concerne. La seule intégration fiscale permet à un groupe d’entreprises détenues à plus de 95 % par la même maison mère de faire masse de leurs bénéfices et de leurs pertes de façon à réduire l’impôt. Le système des « prix de transfert » internes à un groupe reste suffisamment opaque pour permettre de situer les bénéfices réalisés dans les pays où la fiscalité est la plus avantageuse… Les dépenses prises en compte pour réduire le résultat ne sont en réalité pas toujours « nécessaires à la réalisation du produit » : dépenses ostentatoires et salaires, en tout ou en partie, des dirigeants, avantages en nature... Un simple retour à une imposition de 50 % même sur les bases de calcul actuelles permettrait de faire passer l’impôt sur les sociétés de 36 Mrd à 54 Mrd d’euros (36*50/33, 3) soit 18 Mrd de plus. Une telle augmentation de l’impôt sur les sociétés ne paraît vraiment pas hors de portéeet serait une mesure minimale [voir ci-dessous « Comment financer une baisse de la TVA ? »]) !
Il existe d’autres impôts sur les entreprises moins importants que l’impôt sur les sociétés. Instituée par la loi du 3 janvier 1970, la C3S (contribution sociale de solidarité des sociétés) est une taxe sur le chiffre d’affaires acquittée par les sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 760 000 euros (environ 25 % des sociétés). Son produit est destiné à la Sécurité sociale. Par ailleurs, du point de vue local, le principal impôt pesant sur les entreprises était la taxe professionnelle transformée en deux impôts depuis 2010.
Tout d’abord, la CVAE (contribution sur la valeur ajoutée des entreprises) plafonnée à 1,5 % de la valeur ajoutée. Le taux étant unique, elle est perçue par l’État qui la répartit ensuite entre les collectivités locales.
Ensuite, la CET (contribution économique territoriale) basée sur la valeur de l’investissement sur laquelle les collectivités locales peuvent exercer une action. Concrètement, selon les premières estimations tous les secteurs économiques ont vu leur imposition se réduire à l’exception des secteurs de l’énergie et financier. Les mesures prises étaient destinées officiellement à favoriser les équipements industriels importants. L’importance de la réduction d’impôt que cela représentera au total pour les entreprises fait l’objet de chiffrages différents selon que l’impact sur l’impôt sur les sociétés (les impôts locaux constituent des charges déductibles qui minimisent le résultat) est pris en compte ou pas.
3) LES IMPÔTS INDIRECTS
L’essentiel est constitué par la TVA (124 Mrd d’euros) qui est payée par tous mais pas de la même manière. Pour les bas revenus, tout est consommé, donc soumis à la TVA. Au-dessus d’un certain montant, une partie du revenu se trouve épargnée et y échappe ainsi. En somme, plus on est riche, moins on paye, proportionnellement de TVA comme l’illustre le tableau suivant : La justice fiscale impose donc de réduire drastiquement la part des impôts indirects dans l’ensemble des recettes. Cela ne veut pas dire néanmoins que l’on s’interdit toute action par l’impôt indirect. Mais de telles actions doivent être ciblées sur les comportements sociaux les plus discutables de façon à les limiter au maximum. Par exemple si l’on veut freiner l’utilisation de la voiture individuelle, nous ne pouvons pas être pour l’augmentation de la TIPP (comme le proposent certains écologistes) car cela touche les personnes les plus modestes contraintes, par le prix du foncier, d’habiter en dehors de toute zone bien desservie par les transports publics. Par contre rétablir la taxe sur les véhicules (la vignette) au-dessus d’un certain nombre de chevaux, notamment pour les 4/4, nous paraît pertinent.
Taxer directement certaines pratiques sociales de la bourgeoisie pour en limiter les nuisances pour l’ensemble de l’humanité ne devrait pas nous poser problème. Il convient de veiller à ce que la fiscalité ne renforce pas les phénomènes d’exclusion, notamment dans les domaines culturels ou du sport.
Nous sommes donc favorables à la suppression de la TVA et de la TIPP. Mais, compte tenu des masses financières aujourd’hui en jeu, cela ne peut se faire sur un seul exercice budgétaire.
S’impose donc, dans un premier temps, la création d’un taux zéro de TVA sur les produits indispensables à l’existence comme les produits alimentaires essentiels, les fluides comme l’eau, le chauffage (dans une certaine limite pour éviter le gaspillage), mais aussi les livres scolaires... Soumettre les produits de luxe à des taux de TVA élevés renvoie à notre position générale évoquée plus haut concernant l’ensemble de l’imposition indirecte.
4) LES IMPÔTS SUR LE PATRIMOINE
Le principal recul de ces dernières années porte sur l’impôt sur les successions. Actuellement il n’y a plus de droits de succession entre conjoints et il existe un abattement de 160 000 euros par enfant. En 2007 déjà, seules 38 % des successions déclarées supportaient un impôt. Après les mesures prises sous la présidence Sarkozy, 95 % des successions ne donnent lieu à aucune imposition. Cela favorise une forte croissance des inégalités de patrimoine. De plus, il existe de nombreuses possibilités d’évasion : pour les familles fortunées une succession se prépare au cours de la vie par des montages financiers adéquats aux types de biens à transmettre, sociétés civiles immobilières (SCI), donations tous les six ans, recours à l’assurance vie…
Nous sommes pour une taxation des successions selon un barème aussi fortement progressif que l’impôt sur le revenu et qui s’accompagne de la suppression de toutes les possibilités d’évasion qui ont été mises en place. Il est possible de fixer un montant déterminé d’exonération qui couvrira plus des trois quarts de la population en restant néanmoins à un niveau modeste si l’on prend en compte le niveau actuel des successions.
Depuis sa mise en place en 1982 sous Mitterrand, l’impôt sur la fortune (ISF, à l’époque IGF) se caractérise par une assiette étroite puisque en sont exclus les œuvres d’art et de collection, partiellement les bois et forêts et les biens professionnels baptisés pour la circonstance « outils de travail » (l’entreprise L’Oreal est ainsi un outil de travail pour les Bettencourt !). La droite n’a eu de cesse d’affaiblir encore plus l’IS, par l’instauration du bouclier fiscal et d’exonérations supplémentaires. La réforme de 2011 s’inscrit dans cette logique. La suppression du bouclier fiscal doit rapporter au budget 720 millions d’euros (il y a aussi une augmentation dérisoire des droits de succession). Mais la réforme des tranches d’imposition de l’ISF et l’exonération des patrimoines compris entre 800 000 et 1,3 million d’euros entraîne une perte de recette pour l’ISF estimée à 1,9 milliard d’euros.
Notre proposition est de construire un impôt sur la fortune incluant l’ensemble du patrimoine, « outil de production » et œuvres d’art compris et qui soit fortement progressif (avec suppression de l’abattement sur la base fiscale).
5) LES IMPÔTS LOCAUX
La taxe d’habitation (14,5 Mrds d’euros en 2010), perçue par les communes, est un impôt particulièrement injuste alors qu’il constitue un des principaux impôts sur les bas revenus. Il existe une forte disparité entre les communes : il est ainsi notoire que, par exemple, la taxe d’habitation est faible à Paris et forte dans les communes des banlieues les plus populaires. Sa base de calcul est la valeur locative des logements, elle-même déterminée de manière plus que contestable et remontant au début des années 1970, ce qui représente un avantage pour les propriétaires et locataires des centres-ville où la proportion de personnes à revenus élevés est souvent plus importante.
Nous pensons le logement constitue un besoin fondamental des individus et que la taxe d’habitation doit donc reposer sur une base qui renvoie aux moyens contributifs de chacun et non au type de logement. La taxe foncière (24,9 Mrds d’euros en 2010) est liée à la propriété. Il convient également de modifier cet impôt : la valeur des biens prise en compte pourrait être la valeur vénale déclarée par les contribuables qui serait opposable en cas de revente (avec possibilité de préemption par les communes).
Il existe aussi un grand nombre de taxes diverses (exemple : taxe d’assainissement perçue au travers du prix de l’eau potable) et les collectivités territoriales reçoivent, outre une part de la TIPP, des transferts de l’État pour compenser notamment la suppression de la taxe professionnelle. Chacun de ces éléments demande une réflexion particulière qui dépasse le cadre de cet article Cependant pour les impôts locaux, un des principaux problèmes réside dans les inégalités de richesse entre communes (liées à la présence d’entreprises et/ou de ménages à revenus élevés). Outre leur réforme, il conviendra d’organiser une péréquation entre les communes d’une même région sur la base du nombre d’habitants.
Louis Adam, Jacqueline Guillotin, Henri Wilno
Comment financer une baisse de la TVA ?
La perte de ressources fiscales qui résulterait d’une baisse de la TVA devrait être compensée par la hausse de l’impôt sur les sociétés et plus globalement par l’augmentation de l’imposition des patrimoines. De ce point de vue des marges existent.
Nous avons évoqué ci-dessus, l’impôt sur les sociétés qui pourrait rapporter 18 milliards d’euros de plus avec un taux de 50 % et à réglementation inchangée pour le reste. Le retour au taux de 50 % de l’IS accompagné d’une définition plus rigoureuse des bases et de l’abandon des niches fiscales, dont l’intérêt économique supposé est des plus discutables, ferait passer l’IS à environ 100 milliards (34*50/18) et représenterait un gain de 64 Mrd d’euros (éventuellement ramené à 50 milliards pour tenir compte de la situation des très petites entreprises).
Dans une note7, la banque Natexis montre que si la fiscalité du patrimoine était à un niveau identique à celle des revenus du travail l’apport complémentaire serait de 40 Mrds. Dans cette note est également indiqué un gain possible de 25 milliards sur les droits de succession.
Nous n’avons pas chiffré l’impact possible d’une hausse de l’impôt sur le revenu sur les revenus élevés.
Ces chiffres doivent être rapportés au montant de la TVA collectée en 2010 : 124 milliards d’euros.
Même en n’appliquant pas toutes les mesures citées ci-dessus des marges existent pour une réduction sensible de la TVA et pour dégager des ressources pour une autre politique.
LA QUESTION DE LA FUSION DE L’IMPÔT SUR LE REVENU ET DE LA CSG
Cette proposition est avancée dans le programme du PS et par l’économiste Thomas Piketty. Elle est présente au syndicat Union SNUI-Sud Trésor Solidaires et au sein d’Attac.
L’argumentation en faveur de cette proposition repose d’abord sur le fait qu’actuellement la CSG a une base plus large que les seuls salaires et qu’elle connaît beaucoup moins d’abattements sur les revenus du capital que l’IRPP, même si une partie non négligeable de ces revenus y échappe. Cependant, la CSG est proportionnelle et non progressive. Son poids dans le système de prélèvements est devenu très important et ne fait que progresser. En 2010, les recettes de la CSG s’élevait à 83 Mrds d’euros contre 50 Mrds pour l’IRPP.
Aujourd’hui la couverture des risques sociaux majeurs, longue maladie, vieillesse, handicap, etc. concerne l’ensemble de la population et relève de la citoyenneté et non d’une vision de la protection sociale qui considère que seul celui qui a cotisé, de plus un certain temps, dispose d’un droit à une protection. Depuis les ordonnances de 1967 sur la Sécurité sociale, renforcées par la réforme constitutionnelle du 22 février 1997, tant le niveau que les formes de la protection sociale dépendent en fait du Parlement qui vote chaque année la Loi de financement de la Sécurité sociale et notamment l’Ondam (Objectif national des dépenses de l’assurance maladie) qui déterminent les recettes et les dépenses de santé de même que leurs modalités.
Selon les partisans de la fusion de l’IRPP et de la CSG, dans ces conditions, la distinction traditionnelle entre cotisations et impôts aurait perdu tout sens et la fusion des deux prélèvements permettrait à la fois d’avoir une assiette plus large (celle de la CSG) et d’avoir une progressivité (celle de l’IR).
La crainte que cela représente un risque pour les finances de la Sécurité sociale ne leur apparaît pas fondée dans la mesure où des mécanismes constitutionnels existent pour permettre le cantonnement et que celui-ci est respecté dans d’autres pays tel que le Danemark. Pourtant, dans le cas de la France, il y a lieu d’en douter comme le montre l’exemple des collectivités territoriales (notamment les départements) auxquels l’État a transféré la charge de dépenses sociales sans leur garantir la pérennité de ressources suffisantes.
L’hypothèse de la fusion IRPP-CSG soulève plusieurs problèmes :
– d’abord un débat de principe sur la nature de la Sécurité sociale (voir p.21) ;
– ensuite, un risque potentiel de perte de recettes pour la Sécurité sociale lié à la perte d’une ressource clairement affectée ;
– enfin, cette position repose sur l’illusion que la fusion permettant l’instauration d’une progressivité de la CSG ferait l’économie d’un affrontement avec le patronat et que le rapport de forces serait, sur ce point, plus facile à obtenir qu’une augmentation de salaire ou une réforme fiscale visant à une plus grande équité.
LES RECETTES DES IMPÔTS ET CONTRIBUTIONS EN 2010 CLASSÉES PAR ORGANISME BÉNÉFICIAIRE : ÉTAT, COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, SÉCURITÉ SOCIALE
1. les impôts d’État : 266 milliards (Mrds) d’euros
(les montants indiqués pour les recettes sont des montants nets)
a/ les impôts indirects : 154 Mrds d’euros
– TVA (taxe sur la valeur ajoutée) : 124 Mds d’euros
– TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) : 23, 5 Mrds d’euros (dont 13.5 Mrds pour la part qui revient à l’État, 10 Mrds pour les régions et départements)
b/ l’impôt sur le revenu (IRPPP : impôt sur le revenu des personnes physiques) : 50, 3 Mrds d’euros
c/ l’impôt sur les sociétés(IS) : 34,0 Mrds d’euros
d/ les impôts sur le patrimoine
– impôt de solidarité sur la fortune (ISF) : 4,5 Mrds d’euros (son produit va baisser de près de moitié avec la réforme Sarkozy de 2011).
– droits de succession : 7,7 Mrds d’euros.
En résumé :
Impôt sur le revenu : moins de 1/5e des recettes de l’État ;
TVA et TIPP : plus de 50 % des recettes
C’est une des sources principales de l’injustice du système français.
L’autre est la faiblesse de l’impôt sur les sociétés.
2. les impôts locaux
– taxe foncière 24,9 Mrds d’euros
– taxe d’habitation 14,5 Mrds d’euros
Il existe aussi un grand nombre de taxes diverses (exemple : taxe d’assainissement) et les collectivités territoriales reçoivent, outre une part de la TIPP, des transferts de l’État pour compenser, par exemple, la suppression de la taxe professionnelle.
3. les ressources de la Sécurité sociale
– Cotisations : 315 Mds d’euros
– Impôts : 136 Mds d’euros, soit 1/4 des ressources
l CSG (contribution sociale généralisée) : 83 Mrds d’euros
l Taxes sur salaire : 15 Mrds d’euros
l Alcools, tabacs : 13,5 Mrds d’euros
l TVA : 9 Mrds d’euros
l CRDS(contribution pour le remboursement de la dette sociale) : 6 Mrds d’euros Contribution sociale de solidarité des sociétés : 5,1 Mrds d’euros