Depuis 1902, la société Inco exploite le sous-sol calédonien. C’est aujourd’hui le deuxième producteur mondial de nickel. Inco a développé un projet d’exploitation des latérites de nickel à Goro, dans le sud de la Grande Terre. Les latérites, contrairement aux garniérites exploitées dans la majorité des sites de production de nickel, sont pauvres en métal. Leur rentabilité ne peut exister qu’au prix d’économies sur l’accès à la réserve, les mesures antipollution et la main-d’œuvre.
Le projet d’exploiter les latérites de Goro est dans les cartons depuis 1991, mais c’est après 1998 qu’il a pris corps, avec la remontée des cours du métal et la volonté de la province sud de bloquer la mise en route d’une usine de nickel dans le Nord. En effet, l’accord de Nouméa prévoit que l’État permette la création d’une unité d’extraction et de traitement des garniérites de nickel du massif de Koniambo, dans la province Nord à majorité kanak.
Cette concession aux indépendantistes est toujours restée en travers de la gorge des colons qui, depuis, n’ont de cesse de saboter le projet. Ils ont ouvert deux fronts. D’abord, contester l’accès à la ressource nécessaire à l’usine du Nord. Ensuite, lever les contraintes qui gêneraient la rentabilité de l’usine de Goro : souplesse sur les quantités et la qualité des rejets industriels, dérogations pour l’importation temporaire de main-d’œuvre philippinne pour la construction de l’usine, financement des infrastructures nécessaires (centrale électrique, routes, port).
Si les Kanaks n’ont pas eu leur mot à dire sur la mise à disposition par la province des infrastructures, ils ont exigé des garanties sur la préservation de l’environnement, l’usine devant durer vingt ans sans que des mesures de dépollution ne soient imposées après son arrêt. Le droit du travail est un autre front de lutte, tant sur les conditions d’accueil des ouvriers importés temporairement d’Indonésie (statuts, salaires, horaires) que sur la nécessité pour les Kanaks d’avoir le droit à un emploi sur leur terre.
Pour l’environnement, la province a accordé toutes les dérogations demandées par l’industriel. Le manganèse rejeté en mer est accepté à une concentration 100 fois supérieure aux normes françaises et européennes, ce qui conduit tous les experts à s’accorder sur l’impossibilité de construire une telle usine n’importe où en Europe. Les rejets de chrome hexavalent dépassent aussi les normes admises, de même que ceux de dioxyde de soufre dans l’atmosphère, avec les conséquences connues sur la santé et la forêt. Cerise sur le gâteau, les rejets envisagés dans le lagon sont à six kilomètres seulement de la réserve intégrale Merlet, dont l’avenir serait compromis... sans parler du classement du massif corallien au patrimoine mondial de l’humanité.
Les rejets atmosphériques et océaniens s’accompagnent d’un stockage terrestre des boues chargées de métaux lourds. À la fin de l’exploitation des puits d’extraction, il est proposé de les combler avec ces mêmes boues, sans aucune protection pour la nappe phréatique. Pour ne pas gêner Inco, la province a décidé de ne pas appliquer le principe de précaution. Réunis au sein du Caugern [1], l’USTKE [2], le comité Rhéébu Nùù, le Sénat coutumier, l’association Corail vivant exigent l’arrêt de la construction dans les conditions actuelles. Ils demandent la mise en œuvre des techniques connues pour empêcher la pollution, quel qu’en soit le coût pour Inco.
La précipitation à construire cette usine contre la population kanak et l’avenir de sa terre est criminelle. La LCR, en accord avec les exigences du Caugern, soutient la manifestation organisée le 5 juin à Nouméa à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement.
Notes
1. Comité autochtone pour la gestion des ressources naturelles en Kanaky.
2. Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités (www.utske.org).