Daniel Bensaïd. 40e anniversaire de Mai 68. Meeting de la LCR à la Mutualité (Paris). Photothèque Rouge/JMB
Une trentaine de personnes se sont retrouvées à Amsterdam, les 13, 14 et 15 janvier 2012, dans les locaux de l’Institut international de Recherche et de Formation (IIRF) : des intellectuels, des militants, des amis, sa compagne. Tous, des camarades qui ont aimé, travaillé, pensé, milité, de manière très proche avec Daniel. D’autres proches, qui avaient souhaité participer à cette rencontre, n’ont finalement pas pu se rendre aux Pays-Bas.
Ce séminaire a eu une dimension internationale notable, avec la présence de responsables d’organisations de la gauche révolutionnaire ou anticapitaliste du Brésil (PSOL), du Portugal
(Bloco de Esquerda), de Grande-Bretagne (SWP), de France (NPA), de Belgique (lLCR), d’Italie (Sinistra Critica), de l’Etat espagnol (Izquierda anticapitalista), du Pays basque…
Internationale aussi parce que la pensée de Daniel – dés les années 1960 – procédait toujours d’« une vision du monde », d’une perception de la dialectique des luttes de classes à l’échelle mondiale.
Philosophie, théorie, expériences politiques, responsabilités organisationnelles : il est difficile de les séparer dans l’histoire et l’œuvre de Daniel, tant elles sont imbriquées dans son travail d’élaboration et son action militante, dans la construction ou reconstruction d’un marxisme révolutionnaire ouvert et critique. Un travail de « refondation », engagé à partir des années 1980 et poursuivi jusqu’à la fin de sa vie, sur lequel sont revenus bon nombre d’intervenant(e)s.
Nous avons néanmoins essayé, ces trois jours durant, d’alterner questions théoriques et expériences politiques.
Nous avons commencé par une série de contributions sur « le marxisme de Daniel », présentées par Samy Johsua, Philippe Pignarre, Michael Löwy, Cinzia Arruzza, Alex Callinicos, Philippe Corcuff et Carlos Carujo du Portugal.
Catherine Samary a, pour sa part, introduit une discussion sur les textes de Daniel concernant la contre-révolution stalinienne et les « puissances du communisme » qui peuvent permettre la reconstruction d’une pensée socialiste.
Alain Krivine rappela son expérience politique commune avec Daniel, en Mai 68 et les années qui suivirent, et l’importance des responsabilités organisationnelles qu’il assuma. Ce fut aussi l’occasion de revenir sur le rôle majeur qu’il joua dans le travail de formation en France, les camps de jeunesse en Europe et les sessions internationales de l’Institut d’Amsterdam – le tout dans une perspective de renouvellement des directions.
Cette discussion se prolongea avec des interventions sur les relations nouées par Daniel avec nos organisations sœurs dans les expériences de montée révolutionnaire au Portugal, en Euzkadi et en Espagne dans le milieu des années 1970.
Joao Machado, aujourd’hui dirigeant du PSOL, est revenu sur les liens noués par Daniel au Brésil pendant presque 25 années, et l’aide qu’il a apporté, tant au moment où des groupes et de militants révolutionnaires se sont regroupés pour construire la section brésilienne de la IVe Internationale qu’au fil de l’expérience historique de construction d’un parti ouvrier de masse dans le cadre du Parti des travailleurs brésiliens. Le révolutionnaire brésilien expliqua aussi les enseignements de la dégénérescence de ce parti en parti social libéral et la crise qui divisa notre section brésilienne.
Pierre Rousset a présenté un exposé sur la place qu’a occupé la théorie de la révolution permanente dans l’élaboration théorique et politique de Daniel, ainsi que sur les questions soulevées aujourd’hui, à l’heure du « basculement du monde », par l’émergence de nouvelles puissances mondiales et des révolutions arabes.
Esther Vivas, d’Izquierda Anticapitalista, a examiné les continuités et les discontinuités entre mouvement altermondialiste et le mouvement des Indignés, notamment dans l’État espagnol, à la lumière des plus récents écrits de Daniel.
Enfin, le séminaire s’est terminé par une contribution de François Sabado, membre du secrétariat de la QI, sur l’action politique conduite par Daniel pour notre mouvement et son apport aux conceptions de construction de l’Internationale.
Après ce séminaire, dont les contributions et les discussions furent de bonne qualité, le souhait de toutes et tous est de continuer. Continuer à travailler sur les questions soulevées par Daniel, transmettre ses idées, la mémoire de son combat. Une première décision a d’ores et déjà été prise : publier les principales contributions au séminaire dans un livre sur les diverses dimensions de la pensée de Daniel.
Sophie, sa compagne, nous a aussi présenté le projet de construction d’un site Internet consacré à Daniel – non pas à la seule évocation de ses textes, mais un site vivant, qui fasse de le va-et-vient entre les textes fondamentaux de Daniel et les développements de la pensée et de l’action politique contemporaine.
Enfin, nous avons appris, excellente nouvelle, que Carmen Castillo, ancienne dirigeante du MIR chilien, compagne de Miguel Enriquez, et réalisatrice confirmée de cinéma, travaillait à réunir les fonds pour la réalisation d’un film autour de Daniel et de l’engagement militant : une avance sur recettes du Centre national du cinéma français a été obtenue.
Bref, beaucoup de travail, non seulement pour faire vivre la pensée de Daniel, mais dans ces temps difficiles, pour essayer de transmettre un capital qui peut aider les générations révolutionnaires actuelles et futures.
François Ollivier