Personne ne sait ou ira le mouvement d’Occupy Wall Street. Mais d’ores et déjà on peut dire que le mouvement laissera certainement des traces profondes dans la conscience des millions des gens. Par les milliers des débats qu’il a suscités, les idées sociales se forment et s’ancrent dans la conscience des gens. Le cri de ceux qui se sentent laissés de côté, privés de travail, d’assurance médicale, qui ont vu leurs maisons saisies par les banques suite à la crise des subprime de 2008 -dans un pays ou les plus riches empochent des sommes énormes- a trouvé un moyen d’expression dans ces occupations et un très grand écho. Sommes-nous en train d’assister à un tournant culturel des valeurs sur les riches et les moyens de gérer l’aspect économique de la société ?
Les riches ont été toujours un objet de fascination dans les medias et la culture de masse. L’individualisme qu’ils prônaient faisait presque office de religion civique. Les gros industriels du dix-neuvième siècle ont été en quelque sorte des héros de l’époque. Nommés « robbers barons » à cause de leurs immenses fortunes et leur pouvoir d’écraser leurs concurrents ainsi que les révoltes de leurs ouvriers, ils ont quand même été vantés comme des héros culturels grâce à leur énergie, leur vison, et le fait qu’ils étaient souvent d’origine populaire. Leurs dons en faveur des universités, des musées, des bibliothèques ont souligné l’aspect civique des Carnegies, des Fords, et des Rockefellers.
Un siècle plus tard, des spéculateurs ont fait des fortunes immenses en spéculant sur la bourse et profitant du laxisme réglementaire. Ils ont atteint même le statut de gourous, de sages de l’époque. Ken Lay de la société de gaz naturel Enron, le boursier Ivan Boesky, l’investisseur Bernie Madoff étaient tous admirés comme des héros. Et puis sont arrivés les scandales. Ivan Boesky a fini en prison pour avoir manipulé des informations secrètes pour faire des profits gigantesques en bourse. Enron s’est écroulé laissant 20’000 personnes sur le pavé, et Madoff a été démasqué comme escroc quand sa combine s’est écroule à son tour.
Une vision alternative ?
Le mouvement d’Occupation vise ces gens-là et implicitement, tout le système économique. Une fois admirés pour leur audace, ils sont maintenant fustigés pour leur avarice. Le remplacement des valeurs de l’individualisme et du matérialisme galopant par ceux de solidarité et d’égalité sociale sont des pièces fondatrices d’une vision société alternative nécessaire pour tout mouvement émancipateur. Un tel changement culturel peut très bien être l’œuvre la plus profonde du mouvement d’occupation de Wall Street.
Keith Mann