Le 3 mars 2012, Jakob Moneta, âgé de 97 ans, est mort à la maison de retraite de la communauté juive de Francfort. Comme Isaac Deutscher et Günter Anders, Moneta était un « Juif non-juif », un journaliste polyglotte et syndicaliste distingué et l’un des trop rares partisans dévoués de l’internationalisme et de la démocratie soviétique.
Il est né le 11 novembre 1914 dans la petite ville de Blasowa, (alors austro-hongroise, maintenant polonaise), fils d’un fabricant de textiles. Après la Première Guerre mondiale sa famille s’est déplacée à Cologne (Allemagne) à cause des persécutions antisémites en Pologne. À l’âge de dix-sept ans, Jakob a adhéré à l’organisation de jeunesse du Parti des travailleurs socialistes (SAP).
L’éminent professeur de littérature marxiste Hans Mayer (Georg Büchner et son temps, 1946) lui a fait connaître les écrits de Trotsky et l’Opposition de gauche communiste dans les années avant 1933. Après la victoire du mouvement d’Hitler, sa famille a émigré d’abord à Cuba, puis aux États-Unis, tandis que Jakob est parti en Palestine et a passé six ans dans un kibboutz.
Le soulèvement arabe des années 1936-39 l’a amené à rompre avec le sionisme (de gauche). Il a d’abord milité dans la centrale syndicale Histadrout et par la suite était l’un des fondateurs du seul syndicat non-confessionnel juif-arabe. À l’éclatement de la guerre, les Britanniques l’ont interné pendant plus de deux ans à Acre.
En 1948, il revint d’abord à Cologne, où il a joint le petit groupe trotskiste, composé d’émigrants rentrés au pays, de jeunes travailleurs et d’étudiants socialistes, et a déménagé plus tard à Francfort. En tant que journaliste, il a travaillé pour le Rheinische Zeitung, proche du SPD. De 1953 à 1962, il a exercé la fonction d’attaché social de l’Ambassade de l’Allemagne de l’ouest à Paris et en secret, a apporté un soutien actif au mouvement de libération algérienne (FLN). De 1962 à 1978, il a dirigé le mensuel du syndicat des métallos, Metall-Zeitung, qui a atteint un tirage de 2,2 millions sous son égide.
Il était un membre de premier plan du « Groupe international marxiste » (GIM) [la section allemande de la Quatrième internationale], puis du « Parti socialiste unifié » (VSP) [la fusion du GIM et du KPD ex-maöiste]. Finalement (après son expulsion du SPD en 1990) il a adhéré au PDS.
Moneta a participé à toutes les campagnes anti-impérialistes de la gauche ; il a pris part aux marches pascales pour la paix et au mouvement anti-nucléaire, et a organisé des grèves, tout en traduisant des livres de sciences sociales et historiques. Souvent sous un pseudonyme, il a écrit d’innombrables articles pour la presse socialiste.
Ses publications les plus importantes comprennent un compte-rendu exhaustif critique de la politique coloniale de la Parti communiste français (1968) et une présentation succincte de l’Ascension et la chute du stalinisme (1952, réédité en 1971). Comme devise de sa vie, il aurait probablement choisi « dum spiro pro spero » de Cicéron (« Aussi longtemps que je respire, j’espère ») que le jeune Trotsky avait déjà fait sienne au début du 20e siècle.
Helmut Dahmer, Vienne, 4 mars 2012