Dans cette annexe-ci, nous reproduisons les deux parties – extraites des chapitres 3 et 6 – qui traitent d’un ensemble de questions touchant au double processus d’internationalisation et de régionalisation du marxisme – de sa « nationalisation » (sa « sinisation ») dans le monde culturel et social chinois.
Là encore, ce processus ne se développe pas « librement », mais sous de très fortes contraintes historiques dont la moindre n’est pas la stalinisation de l’Internationale communiste.
Des formations sociales de la Chine du XXe siècle jusqu’à l’impact des bouleversements mondiaux sur le cours des luttes en Orient, la matière traitée dans les Cahiers de 1986 et 1987 est très complexe. Je n’évite certainement pas raccourcis et simplifications. L’avertissement est particulièrement d’actualité avec cette annexe. Elle a en effet pour arrière-plan des questions par moi mal maîtrisées, comme la comparaison des civilisations européenne et chinoise (leurs visions de l’histoire…). Il présente trop brièvement l’apport propre de personnages centraux dans la genèse du marxisme chinois, comme Chen Duxiu et Li Dazhao, alors que les jugements en la matière sont très discutés. Ce que néanmoins j’espère, c’est de montrer l’importance des questions rassemblées sous le thème de la « sinisation » du marxisme.
P. R.
Chapitre 3 : Le Marxisme et l’Orient. A la recherche de la « Voie chinoise »
L’histoire du mouvement communiste chinois est marquée par une succession d’intenses luttes de fractions qui touchent à toutes les questions idéologiques et politiques, stratégiques et tactiques. Au cœur de ces conflits d’orientation : la définition de la « voie chinoise " – ou des voies chinoises –, du rapport de la Chine à l’Occident, de la libération nationale à la révolution mondiale, du PCC à Moscou, enfin.
Le communisme est né de et dans ces débats. Il prolonge le Mouvement du 4 Mai 1919 : un sursaut patriotique tourné contre le Japon, mais aussi contre un gouvernement qui s’incline devant le diktat des Puissances. Après cette dernière humiliation nationale qu’est le traité de Versailles, après cette dernière capitulation gouvernementale, l’intelligentsia chinoise affirme sa volonté de jouer un rôle actif dans le redressement de la Chine et discute avec passion des voies de la modernisation, moyen pour reconquérir l’indépendance et la dignité. Le 4 Mai laisse place à une profonde vague antitraditionaliste, anticonfucéenne qui mobilise intensément les intellectuels radicalisés.
Ce nouveau corps social est très sensible à la crise d’identité et de légitimité nationales qui frappe le pays. La Chine millénaire, constamment humiliée, est impuissante face aux jeunes nations occidentales. Après l’échec des tentatives de réformes de la fin du XIXe siècle et du régime républicain de 1911-1912, les intellectuels modernistes cherchent à analyser les mécanismes qui ont assuré la puissance de l’Europe et tournent leurs regards vers le Japon, pays refuge de bien des militants nationalistes radicaux d’Asie.
C’est après le 4 Mai 1919 que l’exemple russe — la révolution de 1917, les thèses bolcheviques sur la question nationale, la possibilité d’une alliance avec l’Etat soviétique — commence véritablement à supplanter l’exemple japonais de la révolution Meiji. L’intelligentsia nationaliste rencontre le communisme.
Le milieu relais grâce auquel le marxisme pénètre le pays est précisément celui des intellectuels radicalisés. Bien que très réduite, l’intelligentsia chinoise est plus importante que dans bien d’autres pays coloniaux ou semi-coloniaux de l’époque, ce qui expliquera pour une part l’envol rapide du communisme.
Chen Duxiu et Li Dazhao, ou les traditions nationalistes du communisme chinois
Le Mouvement du 4 Mai a été largement influencé par la Nouvelle Jeunesse, une revue prestigieuse de Pékin. Mais les échéances politiques se faisant plus précises, le groupe d’intellectuels qui anime depuis quelques années cette publication, hier uni autour d’une référence humaniste, occidentaliste et moderniste commune, se divise. Une aile de la Nouvelle Jeunesse vire à droite, avec le philosophe Hu Shi. Une autre vire à gauche, avec Chen Duxiu. Dans d’autres groupes et d’autres villes aussi, de nouveaux clivages politiques s’affirment.
Deux des grandes figures du 4 Mai deviendront membres fondateurs du PCC : Chen Duxiu et Li Dazhao. Or, ils personnifient deux traditions différentes, celle du nationalisme occidentaliste et celle du nationalisme sinocentré. Pour Stuart Schram : « sans trop déformer la vérité, on peut dire que Chen était avant tout un partisan de l’occidentalisation, qui finit par opter pour le communisme en tant que moyen le plus efficace pour moderniser la société chinoise. Li, en revanche, était avant tout un nationaliste, qui voyait dans la théorie léniniste de l’impérialisme une justification pour ses attitudes chauvines » [3].
Chen Duxiu est probablement la figure de proue du Mouvement du 4 Mai. Il a déjà un long passé militant et il anime la revue la Nouvelle Jeunesse. On en a fait le prototype de l’occidentaliste. Pourtant, « déchiré entre la tradition et le désir de changements radicaux, Chen était un personnage complexe dont l’identité publique et privée entraient souvent en dissonance. Ce révolutionnaire ardent était un connaisseur du bouddhisme, du sanskrit et de l’étymologie des caractères chinois. Ce pourfendeur de la famille chinoise écrivit une calligraphie magnifique pour son temple des ancêtres. Ce féministe a fait l’amour avec plusieurs centaines de prostituées et a vécu ouvertement avec sa belle-soeur, tout en rendant sa femme enceinte » [4].
Pour Wang Fanxi, qui travailla avec lui en 1930-1931, et à nouveau en 1938, Chen Duxiu, avant le 4 Mai 1919, « était l’un des plus grands iconoclastes de l’histoire de la pensée humaine ; et comme tous les iconoclastes et pionniers, il ne travaillait pas avec un bistouri, mais avec un bulldozer. Pour lui, la tâche principale était de démolir la maison du passé, et il le fit avec des effets dévastateurs ». Alors, « il pouvait être proprement appelé un occidentaliste ou un bourgeois démocrate radical ». Chen pensait que la « démocratie et la science étaient les deux chirurgiens capables de sauver la Chine » [5].
C’est l’impact de la révolution russe et, surtout, du Mouvement du 4 Mai, qui amena Chen à changer de perspectives. Le 20 septembre 1920, il se déclare marxiste et commence à préparer la fondation du Parti communiste dont il deviendra le secrétaire général. Chen n’ignore pas la paysannerie comme il a été dit, mais il s’en méfie : le village est le lieu d’ancrage du confucianisme. Il place au cœur de sa réflexion politique les villes, centres modernisateurs et les classes sociales, agents révolutionnaires. De même que la démocratie et la morale, il est convaincu que « la révolution est l’œuvre des saints ».
Li Dazhao est lui aussi l’une des figures prédominantes du Mouvement du 4 Mai. Il est, avec Chen, père fondateur du communisme chinois. Son adhésion au marxisme est particulièrement précoce : 1918. Il s’affirme occidentaliste à l’époque du 4 Mai. Mais il affiche rapidement un nationalisme sinocentré agressif, opposé au cosmopolitanisme de la tradition du 4 Mai et à l’internationalisme de Chen Duxiu. Il espère en les ressources de la Chine profonde et de la paysannerie.
Pour Maurice Meisner, l’influence prédominante sur Mao a dû être exercée par Li Dazhao. Chez Li, en effet, le volontarisme, le nationalisme et le populisme constituent des ingrédients inséparables de son bolchevisme enthousiaste. Meisner peut donc rapprocher la tradition de Li de celle des populistes russes [6], d’une part ; et de celle de Mao d’autre part : « il semble très probable (...) que les idées de Mao, durant ses années de formation, aient été façonnées dans une large mesure par les idées de Li. Non seulement Li introduisit Mao à la théorie marxiste durant l’hiver 1918-1919, quand Mao lui servait d’assistant-bibliothécaire à l’Université nationale de Pékin, mais encore il a transmis à Mao sa propre version du marxisme et ses sentiments millénaristes sur la signification de la Révolution d’Octobre. Il est aussi improbable que Mao n’ait pas été influencé par les notions populistes hérétiques entremêlées aux idées marxistes de Li, en particulier les appels passionnés de Li enjoignant les jeunes intellectuels de quitter les villes et de consacrer leurs énergies à la libération de la paysannerie dans les campagnes » [7] (même si Mao ne redécouvrit le monde rural qu’en 1925).
Il ne faut évidemment pas trop simplifier les choses. Mao Zedong a admis avoir été profondément marqué par Chen Duxiu : « Je me rendis à Shanghai pour la seconde fois en 1919. J’y revis Chen Duxiu. Je l’avais rencontré pour la première fois lorsque j’étais à l’Université nationale de Pékin et son influence sur moi avait peut-être été plus forte que toute autre. (...). A Shanghai, je discutai avec Chen Duxiu de nos plans d’une Ligue pour la reconstruction du Hunan » [8].
Mais il est vrai que l’on retrouve chez Mao ces ingrédients nationalistes, volontaristes et populistes présents chez Li, de manière plus intellectuelle chez celui-ci et plus activiste chez celui-là. Il faut peut-être, en ce domaine aussi, tenir compte de l’influence sur Mao de son ami Cai Heshen. Dans une lettre à Chen Duxiu, en 1921, Cai présente un argument de facture très populiste : La « Chine tout entière » étant « un pays prolétarien », du fait de sa position internationale, l’arriération économique du pays devient un facteur positif pour le combat communiste. Attendre, c’est laisser le temps à la bourgeoisie de se renforcer, c’est reporter pour très longtemps les échéances révolutionnaires. Il faut profiter du moment présent pour oser passer à l’offensive. Alors, « si nous sommes intelligents et résolus, nous pourrons certainement en une période très courte, dépasser d’un bond les mouvements ouvriers d’Europe et d’Amérique... » [9].
Orientalisation du marxisme et modernisation de la pensée chinoise
Les intellectuels communistes chinois vont au peuple. Ils ouvrent des écoles ouvrières et animent des cercles prolétariens, découvrant par là même la misère vécue. Ils appuient le développement des syndicats. Tôt pour quelques rares pionniers, tard pour les autres, ils vont à la campagne. Le mouvement communiste s’enracine socialement.
Mais à l’origine, le PCC est le produit de deux traditions : celle de la révolution russe (les militants chinois apprennent le communisme avant le marxisme, et le léninisme en tout premier lieu), celle de l’aile radicale de l’intelligentsia.
Ces deux héritages sont légitimes. L’apport de l’IC est fructueux. Il assure l’identité prolétarienne initiale du jeune PC tout en offrant un cadre vivant de réflexion sur le rapport entre lutte de libération nationale et révolution sociale. L’apport de l’intelligentsia est lui aussi essentiel. Elle fournit des cadres, mais elle offre surtout au PCC des racines proprement chinoises. Le Parti communiste a beau être minuscule, il n’est pas un groupuscule artificiellement introduit dans le pays par quelques étudiants de retour d’Occident. Il est dès l’origine le produit d’une histoire chinoise : l’évolution différenciée du mouvement national.
Malgré son extrême faiblesse, donc, ce jeune parti est prometteur. Pourtant, la greffe du marxisme sur le communisme chinois n’est pas chose facile. Il ne suffit pas d’introduire concepts fondamentaux, orientations politiques et techniques d’organisation, tels qu’en URSS ou en Europe occidentale. Pour que cette greffe soit durable, il faut que la pensée marxiste assimile l’originalité de la société chinoise et que la pensée chinoise retranscrive dans son monde mental le marxisme.
Cela ne va pas de soi. La révolution russe contribue à jeter un pont, en tous domaines, entre l’Occident et l’Orient. Les marxistes russes ont dû réfléchir sur l’originalité de leur propre pays, de leur propre révolution. La formation sociale russe est très particulière [10]. Les tâches des révolutionnaires aussi. Lénine et Trotski [11], chacun à sa manière, sur des plans et à des rythmes différents, ont dû analyser la spécificité russe et l’intégrer à leurs perspectives militantes. C’est l’une des principales raisons qui expliquent qu’ils se soient engagés de concert dans le même combat, en 1917, malgré l’âpreté de leurs polémiques antérieures.
Après la victoire, les bolcheviques sont directement confrontés au problème des sociétés non russes intégrées à l’Empire tsariste, comme aux luttes nationales aux frontières du nouvel Etat ouvrier. Ils accumulent rapidement une expérience précieuse. Mais les thèses et débats de congrès ne donnent qu’une pâle image de la complexité des questions et des difficultés rencontrées. Ce sont souvent les cadres opérant sur le terrain qui en prennent toute la mesure, comme en témoignent les analyses de Sultan Galiev [12] ou les écrits de Safarov [13].
Mais la Chine n’est pas la Russie, ni même ses Républiques musulmanes. C’est aux militants chinois que revient la tâche d’analyser l’originalité de leur pays, de sa formation sociale, de sa formation culturelle. Ils sont mal armés pour ce faire. Les tumultueux débats du Mouvement du 4 Mai ont souvent brillé par leur confusion. Et surtout, ils manquent de temps. C’est une génération rapidement jetée dans l’activisme le plus débridé, confrontée en quatre ans à une révolution en grandeur nature. Une génération hyper militante qui doit parcourir le cheminement intellectuel de trois.
Comme le note Roland Lew, « lorsque la très jeune intelligentsia aborde le juvénile bolchevisme, son itinéraire a été si rapide et bousculé qu’on peut parler d’un véritable télescopage d’expériences. Ce qui avait en effet pris plusieurs générations dans le cas russe – trois générations de Herzen à Lénine –, et bien plus dans le monde occidental, à savoir le processus de maturation de la société civile, les confrontations de convictions sur le changement nécessaire, les essais d’expérimentation sociale, tout cela s’est pratiquement déroulé en une génération en Chine » [14] : celle de Chen Duxiu.
La tâche est d’autant plus difficile que l’héritage de Marx et Engels, précieux, est en ce domaine très mal connu et occulté par « l’orthodoxie » de la Deuxième Internationale tout d’abord et, bientôt, par « l’orthodoxie » stalinienne aussi.
Internationalisation du marxisme et histoire multilinéaire
Le marxisme a une histoire [15]. Sa formation au XIXe siècle est un produit du développement capitaliste, des luttes de classes modernes, de l’évolution de la pensée occidentale ; de l’histoire européenne, donc. C’est au XXe siècle, surtout, qu’il se mondialise. Mais ce processus d’universalisation du marxisme opère sur de multiples plans et implique un enrichissement, une transformation constante.
Le marxisme, théorie de la révolution moderne, est universalisé par l’impérialisme qui constitue un marché mondial structuré par des rapports de domination, qui inter¬nationalise les luttes de classes, qui fonde ainsi la rencontre entre le mouvement de libération nationale et la révolution sociale.
Le marxisme, méthode matérialiste historique, se voit confronté à des formations sociales variées, fort différentes des sociétés européennes où ses catégories d’analyse ont d’abord été élaborées. Le marxisme, philosophie, pénètre des mondes culturels exprimant une autre ligne de développement que celle de l’Europe qui, nourrie par une histoire socio-économique unique, conduit de la Grèce antique à la chrétienté d’une part, et à la pensée scientifique d’autre part.
Le marxisme, politique prolétarienne, doit adapter ses outils stratégiques et tactiques à des processus révolutionnaires profondément nouveaux.
Ce processus d’internationalisation du marxisme est amorcé du vivant de Marx et Engels. Marx utilise le concept de mode de production asiatique. Dans les Grundrisse, préparant la rédaction du Capital, il commence à intégrer toute une série d’éléments d’analyse concernant les sociétés non européennes.
Les implications politiques de cette recherche empirique et de cette réflexion théorique apparaissent d’abord à propos de la Russie. Marx entre en relation avec des militants et théoriciens populistes. Il discute de la possibilité d’une révolution socialiste précoce dans l’empire tsariste et du rôle que peut jouer la commune rurale. Pressé de clarifier sur le fond sa position par les premiers marxistes russes qui trouvent que le père fondateur fait preuve d’hétérodoxie et d’opportunisme à l’égard des populistes, Marx répond sans détour que, dans le Capital, il restreint à la seule Europe occidentale le caractère « historiquement inévitable » du développement capitaliste [16].
Marx s’élève violemment contre ceux qui veulent « métamorphoser (son) esquisse de la genèse du capitalisme dans l’Europe occidentale en une théorie historico philosophique de la marche générale, fatalement imposée à tous les peuples quelles que soient les circonstances... ». C’est en « étudiant chacune des évolutions historiques à part, et en les comparant ensuite que l’on comprendra » leur disparité. Mais « on n’y arrivera jamais avec le passe-partout d’une théorie historico philosophique générale dont la suprême vertu consiste à être supra historique » [17]. Engels met de même en garde contre une version mécaniste du marxisme qui s’affirme déjà à la fin du XIXe siècle [18].
Les recherches de Marx et Engels débouchent donc sur une conception multilinéaire de l’histoire mondiale. La succession des modes de production qu’a connu l’Europe ne doit pas nécessairement se reproduire dans d’autres régions. Marx et Engels ont ainsi ouvert en pionniers un champ très important d’analyse.
Monolithisme stalinien contre marxisme chinois
Au milieu des années vingt, le PCC a plus d’un atout pour réfléchir sur la « voie chinoise ».
Des débats importants mûrissent dans l’IC. L’apport méthodologique de Marx et Engels commence à être exhumé : oubliés, effacés même de la mémoire des principaux intéressés (les marxistes russes de la fin du XIXe), la correspondance de Marx sur la « voie russe » est découverte. Un important débat sur le mode de production asiatique va s’engager en URSS.
En Chine même, alors que le développement des luttes de masse donne tout son sens à la question du contenu de classe de la libération, le PCC peut directement puiser aux sources du mouvement de libération nationale contemporain, telles que personnifiées par Chen Duxiu et Li Dazhao.
Avec Chen, c’est l’ouverture au monde et à la pensée scientifique, une critique radicale de la tradition, le sens du rôle de l’individu dans la démocratie, tous éléments nécessaires à une révolution culturelle en Chine. Chen, communiste, est internationaliste. Il n’ignore pas pour autant l’importance du sentiment national. Son jugement à l’égard de la révolte des Boxers de 1899-1900 témoigne, à cet égard, d’une évolution intéressante.
En 1918, alors qu’il n’est pas encore marxiste, Chen condamne en termes très violents les Boxers et leurs superstitions [19]. En 1924, devenu communiste, il les défend vigoureusement : « Les Boxers constituent un fait important dans l’histoire de la Chine. Leur importance en réalité n’est pas moindre que celle de la révolution de 1911... ». « Nous avons tous vécu nous-mêmes la barbarie des Boxers, leur caractère rétrograde et superstitieux, l’atmosphère de terreur qu’ils ont créée ». Pourtant, « si nous lisons l’histoire diplomatique et commerciale de la Chine depuis 80 ans, nous ne pouvons finalement pas refuser de reconnaître que l’affaire des Boxers est le grand et tragique prologue à l’histoire de la révolution nationale chinoise » [20].
Le nationalisme sinocentré de Li exprime, pour sa part, une révolte salutaire contre l’adoration de tout ce qui est occidental. Il s’élève contre l’arrogance du blanc, chrétien : « Les européens estiment que, en ce qui concerne leur culture, on ne saurait rien ajouter au christianisme ; quant à leur vision du monde, seul existe pour eux le monde des blancs. Selon le Français Théodore Jouffroy (...), il n’y a que le christianisme qui soit progressiste, qui se transforme sans arrêt et puisse s’adapter aux tendances du monde actuel » [21].
La revalorisation de la culture chinoise est un élément nécessaire de la « résurrection nationale » à laquelle Li Dazhao appelle. Le combat anti-impérialiste se conduit sur ce terrain-là, aussi, et non seulement sur le plan économique et politique. La Chine doit se réapproprier sa propre identité, niée par les prétentions prosélytes de l’Occident chrétien. La révolution culturelle doit trouver ses racines nationales. Pour pénétrer le monde rural, le mouvement communiste doit savoir parler sa langue, capter son imaginaire. L’idée de démocratie est importée. Une démocratie de masse, pour être opératoire, doit découvrir ses sources politiques et culturelles chinoises.
Confronté à une expérience révolutionnaire majeure, le jeune parti communiste avait la possibilité de fondre ces apports nationaux et internationaux, donnant ainsi naissance à un marxisme chinois particulièrement riche.
Mais, en ce domaine aussi, le triomphe du stalinisme en URSS va profondément modifier les données du problème. Il ne doit plus y avoir qu’une seule autorité ultime dans le mouvement communiste : celle de Moscou. Le monolithisme politique devient l’un des principaux dogmes de l’ère stalinienne. Il implique le monolithisme de la pensée théorique et historique : seule une histoire mondiale unilinéaire permet, en effet, de fonder l’autorité d’un Centre unique. Le débat sur le mode de production asiatique est étouffé ; Marx révisé, l’usage de ce concept est interdit. Ce n’est que dans les années soixante que la recherche marxiste reprendra véritablement son essor, favorisée par la déstalinisation, l’accumulation de nouvelles connaissances et le développement des luttes de libérations nationales [22].
Les communistes chinois n’ont plus le droit de penser ouvertement l’originalité de l’histoire de leur pays par rapport à celle de l’Europe — ou l’originalité de l’histoire européenne par rapport à celles des autres régions du monde. Par orthodoxie, mais aussi pour défendre la Chine de l’accusation infamante d’immobilisme, de stagnation millénaire que l’on trouve chez Marx, ils devront identifier leur passé au féodalisme.
Extraits du chapitre 3 (ESSF article 24462), Débats et réflexions sur la révolution chinoise – 3 – « Sinisation », nationalisation, internationalisation du marxisme et la stalinisation du Comintern
Chapitre 6 : Le maoïsme de Yan’an Révolution et contraintes historiques
La “sinisation” du marxisme
Le processus de sinisation du marxisme est engagé à la fin des années trente. Il prépare le Mouvement de “rectification” [23] de 1941-1944. Il faut unifier le parti au tour de la “ligne de masse”, combattre le dogmatisme et l’élitisme. Avec Mao, Liu Shaoqi [24], est l’un des principaux animateurs de cette campagne, véritable “lutte interne” qui doit éradiquer les “trois erreurs” que sont le subjectivisme, le sectarisme et le formalisme.
Mao déclare, en octobre 1938, que si « la formation marxiste du Parti chinois a fait de grands progrès (…) on ne saurait dire encore que cette formation soit universelle ni profonde. A cet égard, nous sommes obligés de nous incliner devant certains partis frères de l’étranger. Et pourtant, nous avons la tâche de conduire un grand peuple de 450 millions d’hommes dans une lutte historique sans précédent (...). Par conséquent, l’étude de la théorie est une condition de la victoire. (..) Camarades, il faut absolument étudier le marxisme. »
« Un autre objet de nos études consiste a étudier notre héritage historique et à en faire un bilan critique en nous servant de la méthode marxiste. L’histoire de notre grand peuple depuis plusieurs millénaires est caractérisée par des particularités nationales et par bien des choses précieuses (…). Nous sommes des historicistes marxistes et nous ne devons pas mutiler l’histoire. De Confucius à Sun Yatsen (…) nous devons nous constituer les héritiers de tout ce qu’il y a de précieux dans notre passé. (…) Il n’existe point de marxisme abstrait, mais seulement du marxisme concret. Ce que nous appelons marxisme concret est le marxisme qui a pris une forme nationale, le marxisme appliqué à la lutte concrète dans les conditions concrètes de la Chine, et non pas utilisé de façon abstraite (…). »
« Par conséquent, la sinisation du marxisme (...) devient un problème que tout le parti doit comprendre et résoudre sans délai. Il faut en finir avec les formules toutes faites de l’étranger, il faut chanter un peu moins des refrains vides et abstraits. Il faut cesser notre dogmatisme, et le remplacer par quelque chose de neuf et vivant, par un style chinois et une manière chinoise, agréable à l’oreille et à la vue de simples gens de Chine. » [25].
En 1942, Mao note en ouvrant l’école du Parti à Yan’an que « si nous n’avons pas créé notre propre théorie, conforme aux besoins concrets de la Chine, et ayant son caractère spécifique, alors il serait absurde de nous appeler des théoriciens marxistes (…) si nous ne voyons que les œuvres de Marx, Engels, Lénine et Staline sur les rayons de la bibliothèque, alors on peut difficilement nier que nos résultats sur le front théorique sont très mauvais. (…) [Nous avons besoin de] théoriciens qui soient capables, en s’appuyant sur la position, le point de vue et la méthode de Marx, Engels, Lénine et Staline, d’expliquer correctement les problèmes réels qui se manifestent au cours de l’histoire et de la révolution, qui puissent donner une interprétation scientifique et une explication théorique des problèmes économiques, politiques, militaires, culturels et autres de la Chine (…). »
« Le marxisme-léninisme n’a point de beauté, ni de valeur mystique ; il est simplement très utile. Jusqu’à l’heure actuelle, il semble pourtant qu’il y ait beaucoup de gens qui regardent le marxisme-léninisme comme une panacée tout prête. (...) Tous ceux qui considèrent le marxisme-léninisme comme un dogme religieux appartiennent à cette espèce de gens stupides et ignares. A des gens pareils, il faut dire sans détour : « votre dogme est dépourvu d’utilité – ou, pour utiliser une phrase moins polie, “votre dogme est vraiment moins utile que de la merde“. Nous voyons que la merde des chiens peut enrichir les champs, et que la merde humaine peut nourrir les chiens, Et les dogmes ? » [26].
Mao Zedong n’a pas durablement fait du terme de “sinisation du marxisme” un vocable clef de sa doctrine. Pourtant, le processus de sinisation du marxisme illustre certains traits essentiels du maoïsme [27]. La nécessité d’appliquer le marxisme à la réalité chinoise, de l’utiliser pour comprendre la Chine mais aussi de l’adapter, de le “désoccidentaliser”, est au cœur de la problématique maoïste.
La formation intellectuelle de Mao est complexe. L’apôtre des “choses précieuses” de l’histoire nationale chinoise ne doit pas faire oublier qu’il est un enfant du Mouvement du 4 Mai, profondément iconoclaste, critique violent de Confucius et de la tradition. Mao n’a jamais voyagé à l’étranger avant 1949 et ne connaît pas les langues occidentales ; cela limite radicalement son horizon. Mais il est aussi un semi-autodidacte qui a absorbe tout ce que la Chine des années vingt offre comme traductions ; il a été ainsi soumis à un ensemble varié d’influences idéologiques [28]. Il est fort cultivé, mais n’en renoue pas moins avec sa jeunesse pour parler une langue populaire, villageoise.
Mao Zedong revient sur l’histoire chinoise à partir d’un point de vue moderne – le projet révolutionnaire communiste. Il réassimile bien des “choses chinoises” qui lui permettent de donner une “forme nationale” à son marxisme : des conceptions militaires originales, le potentiel paysan et ses limites, la place de l’intellectuel dissident auprès du peuple, le morcellement régional des pouvoirs, la lutte politique comme lutte d’Etat, la pensée sociologique du Confucianisme et dialectique du Daoisme…
L’histoire chinoise est spécifique, riche [29]. La créativité de Mao tient largement à la façon dont il se la réapproprie. Dans une interview accordée à Anna Louise Strong, en juin 1947, Liu Shaoqi explique que l’apport principal de Mao a été de « transformer le marxisme d’une forme européenne en une forme asiatique ». En effet, « Marx et Lénine étaient européens ; ils écrivaient dans des langues européennes sur l’histoire et sur des problèmes européens, rarement asiatiques ou chinois. Les principes de base du marxisme sont universels, [mais] Mao Zedong est chinois ; il analyse les problèmes chinois et guide dans leur lutte pour la victoire le peuple chinois. Il utilise les principes marxistes-léninistes pour expliquer l’histoire chinoise et les problèmes pratiques de la Chine. II est le premier à réussir en cela. (...) Mao n’a pas seulement appliqué le marxisme à de nouvelles conditions, mais il lui a donné un nouveau développement. II a créé une forme chinoise ou asiatique de marxisme » [30]. Mao oppose cet enracinement national à la prétention universaliste de nombreux idéologues européens. Il pousse très loin l’argument : le seul marxisme concret est un marxisme qui a acquis une forme nationale. Universel dans sa méthode, le marxisme vivant est toujours original. Plus tard, le culte de la personnalité aidant, le maoïsme sera tour à tour défini comme le marxisme sinisé et comme le marxisme de notre temps : il y a eu Marx, le père fondateur, puis Lénine et les débuts de l’époque impérialiste ; il y a Mao, à l’époque contemporaine.
Si Mao incorpore à sa pensée politique beaucoup d’éléments de l’histoire nationale, il n’offre pas d’interprétation conceptuelle originale de la formation sociale chinoise. Il ne réveille pas le débat sur le mode de production asiatique et se contente de donner une “forme chinoise” aux concepts européens comme celui de féodalisme, transcrit dans le vocable désignant la Chine impériale, fengjian [31].
Rappelons, pour rendre justice à Mao, que ce n’est que très récemment que les théoriciens marxistes ont recommencé à traiter systématiquement de cette question d’importance majeure [32]. Mais on sent ici ses limites. En termes d’orientation, Mao innove radicalement, mais il ne fait pas de même pas en termes de conceptualisation : la généralisation du terme de “semi-féodal” ne fait que souligner l’existence d’un problème de fond (l’originalité réciproque des histoires européennes et chinoises), sans le résoudre.
Le statut de Mao comme philosophe ou théoricien reste très controversé [33]. Il produit, durant cette période, des œuvres méthodologiques importantes : De la pratique et De la contradiction [34]. Il me semble que ces textes, sans être exceptionnels, manifestent de réelles qualités dialectiques [35], surtout si l’on tient compte du contexte. Le matérialisme mécaniste domine alors les milieux de l’IC. Mao utilise les Cahiers philosophiques de Lénine, partiellement traduits en chinois, mais il est coupé des élaborations ultérieures (Gramsci, Lukas… ). Il puise dans la tradition dialectique chinoise [36]. Mais le statut de la philosophie n’est pas le même dans la culture chinoise, plus préoccupée de son utilité immédiate, que dans la culture occidentale, plus conceptuelle ; ce qui fait dire à Francis Soo que Mao, pour un Occidental, ne mérite pas le titre de Philosophe, mais qu’il le mérite pour un Chinois (encore qu’il s’agisse d’un philosophe bien particulier puisqu’il ne se contente pas de commenter les Classiques) [37].
Le mouvement de sinisation du marxisme répond donc à un besoin : adapter les références idéologiques à une pratique et des orientations qui rompent avec les “canons” de l’orthodoxie internationale officielle. Campagnes contre le dogmatisme, la “sinisation” et le Mouvement de rectification qui lui succède, prolongent la lutte de fraction engagée voilà dix ans contre le porteur du Dogme, Wang Ming. Les “28 bolcheviques” se voient ridiculisés sur le plan idéologique après avoir été battus sur le plan politique. Ils perdent l’autorité que confère le Savoir acquis en URSS. Les membres de cette fraction gardent leur place au Comité central, mais sont officiellement condamnés. Dans une résolution du 20 avril 1945, le CC critique « un groupe de membres du parti qui n’avaient pas l’expérience de la lutte pratique révolutionnaire et qui avaient commis des erreurs gauchistes à caractère dogmatique » et qui étaient « dirigés par le camarade Chen Shaoyu [Wang Ming] ». Ils « commirent des erreurs de caractère dogmatique [et] se drapaient dans la toge de “théoriciens“ du marxisme-léninisme… ». Cette ligne erronée « fut celle qui exerça l’influence la plus profonde sur le Parti et, pour cette raison, lui fut le plus funeste » [38].
L’attaque contre Wang Ming implique une critique de Staline [39]. Cela n’empêche pas Mao de chanter officiellement les louanges du maître du Kremlin. Il prononce, en décembre 1939, à l’occasion de son 60e anniversaire, un discours de circonstance. On sent percer l’ironie derrière l’hommage grossièrement appuyé : « Le camarade Staline est le chef de la révolution mondiale. L’apparition de Staline parmi les hommes est un grand événement (...). Comme vous le savez, Marx est mort et Lénine et Engels sont morts également. Si nous n’avions pas un Staline, qui nous donnerait des ordres ? C’est vraiment une grande chance » [40].
« Si nous n’avions pas un Staline, qui nous donner ait des ordres ? ». La formule en dit long sur ce qu’est devenu le Comintern. Il est bien fini le temps où l’IC avait une vie propre, où un Henk Sneevliet pouvait discuter âprement les décisions de la diplomatie soviétique [41]. Le Comintern est devenu un simple instrument du Kremlin. Quand il devient encombrant, Moscou décide de le dissoudre, le 15 mai 1943. Mao salue avec un soulagement évident cette dissolution. Il affirme que « l’impératif [de l’heure] est de renforcer les partis communistes nationaux dans chaque pays ; on n’a donc plus besoin de ce noyau dirigeant international ». La situation est devenue si complexe et mouvante que « l’Internationale communiste, très éloignée des luttes réelles de chaque pays » ne convient plus. « Les cadres dirigeants des partis communistes dans chaque pays ont grandi et ont donc atteint la maturité politique ». Le PC chinois en particulier à fait la preuve de ses capacités de puis 1935 (conférence de Zunyi...). « La dissolution de l’Internationale communiste [vise à] renforcer [le PC] afin de lui donner dans chaque pays une plus forte réalité nationale » [42].
La résolution adoptée à ce sujet par le CC du PCC déclare sans ambages qu’« à compter d’aujourd’hui, le Parti communiste chinois se libère des obligations imposées par les statuts de l’Internationale communiste et par les résolutions de ses différents congrès ». En effet, « la guerre de libération nationale (...) exige que les partis communistes de tous les pays soient indépendants pour régler tous les problèmes, en tenant compte des particularités nationales et des conditions historiques propres à chaque pays » [43].
Le mouvement de sinisation du marxisme a donc plus d’une fonction : affirmer la légitimité d’un marxisme à la “forme chinoise”, souligner la nécessité d’une application créative de la méthode marxiste, consolider sur le plan idéologique la victoire politique contre la fraction Wang Ming, réduire l’autorité de Staline, donner au PCC la possibilité d’assurer son autonomie face à Moscou sur tous les terrains... Mais la “sinisation”, c’est aussi l’affirmation d’un nationalisme grandissant (celui des Han, ce “grand peuple de 450 million” à l’histoire plurimillénaire) et le début du culte de la personnalité de Mao.
Le culte de Mao a ses racines propres, mais on touche à l’un des aspects les plus pernicieux de l’influence stalinienne dans le mouvement communiste mondial. L’Autorité bureaucratique du Centre moscovite, pour mieux s’imposer, s’incarne dans le culte de Staline. Les pratiques et conceptions fractionnelles sont implantées dans tous les partis. La résistance à la mainmise stalinienne s’adapte à ces méthodes. L’affirmation d’une légitimité nationale s’incarne dans une figure charismatique alternative. Le culte de la personnalité, une incroyable dégradation des idéaux communistes, sans être universel, devient une norme.
Le culte de Mao est officialisé à l’occasion du 7e Congrès du PCC, réuni en mai 1945 : le nom de Staline est retiré des statuts du PCC, la Pensée de Mao Zedong [44] est introduite dans ce document fondamental. Liu Shaoqi, numéro deux du parti, est le grand prêtre de ce nouveau culte dont il récite le credo, mêlant le fond (les modes de pénétration du marxisme en Chine) et la louange : « La Pensée de Mao Zedong, c’est un nouveau développement du marxisme dans la révolution nationale-démocratique de l’époque actuelle dans les pays coloniaux, semi-coloniaux et semi-féodaux. C’est un modèle admirable de nationalisation du marxisme... (…) En tant que disciple de Marx, d’Engels, de Lénine et de Staline, ce que Mao Zedong a fait c’est précisément d’unir la théorie marxiste avec la pratique de la révolution chinoise pour donner naissance au communisme chinois la Pensée de Mao Zedong (...) [qui] constituera en outre une contribution grande et utile à la libération du peuple de tous les pays, et surtout à la cause de la libération de toutes les nations d’Orient. (...) La Pensée de Mao Zedong, de sa conception de l’Univers jusqu’à son système de travail, c’est (...) la sinisation systématique du marxisme, la transformation du marxisme de sa forme européenne en une forme chinoise (...) Ceci constitue l’un des grands exploits de l’histoire du mouvement marxiste mondial, c’est l’extension sans précédent du marxisme, la meilleure des vérités, à une nation de 450 millions d’habitants. Ceci mérite tout particulièrement notre reconnaissance. Notre camarade Mao Zedong n’est pas seulement le plus grand révolutionnaire et le plus grand homme d’Etat dans l’histoire de la Chine, il est aussi le plus grand théoricien et homme de science. » [45]
La campagne de dénonciation des dogmes donne naissance à un nouveau Dogme. Le PCC rejette l’autorité de Moscou, affirme son caractère profondément national et commence à postuler à un rôle de Guide en Orient. Pour Mao, les « principes » du marxisme « peuvent se résumer en une seule phrase : ‘Se révolter est justifié “ » [46]. Pourtant, il ne fera pas bon se révolter contre son culte...
Extraits du chapitre 6 (ESSF article 24586), Débats et réflexions sur la révolution chinoise – 7 – Révolution ininterrompue, monde rural, émancipation féminine, sinisation du marxisme, “communismes nationaux“ et contraintes historiques
Pierre Rousset