Deux cadres de La Poste se sont suicidés les 29 février et 11 mars derniers en Bretagne. Tous deux ont mis fin à leurs jours sur leur lieu de travail et ont laissé des écrits. On sait que le 2e postier a explicitement mis en cause la politique de La Poste. Cette fois, non seulement la question des suicides à La Poste a été de nouveau médiatisée, mais le PDG Bailly a été obligé d’annoncer publiquement des « mesures ».
Les suicides à La Poste sont un phénomène dont l’ampleur est en réalité mal connue. La CGT en avait dénombré 70 en 2009, FO en recensant 77. C’est un chiffre que beaucoup jugent sous-estimé. En tout cas, aucun décompte précis n’est effectué ne serait-ce que des tentatives de suicide (dont une vient très récemment d’avoir lieu par exemple à la plateforme colis de Gennevilliers dans le 92).
L’origine du mal
Dans un établissement comme le centre financier de Paris, le malaise ne vient pas de nulle part : 25 % des effectifs y ont été supprimés entre 2005 et 2010, le nombre d’arrêts maladie par agent était passé de 17 en 2009 à 24 en 2010... Ce n’est pas un cas isolé : la Poste a supprimé plus de 60 000 emplois depuis 2002 !
La direction avait été alertée à de nombreuses reprises de l’aggravation de la situation. Un rapport accablant du syndicat des médecins de prévention de La Poste avait déjà clairement au printemps 2010 l’enchaînement des réorganisations comme la cause de l’augmentation des suicides, des maladies professionnelles et des accidents du travail.
La direction de La Poste sait donc très bien que continuer à supprimer les emplois par milliers et maintenir un management par le stress ne peut que conduire à détruire la santé et même la vie de dizaines d’agents.
Mettre en difficulté la direction de La Poste
Le PDG de La Poste a réagi en annonçant un « Grand Dialogue », puis une « pause » des réorganisations jusqu’au 30 avril. Pour l’instant, ce ne sont que des annonces : dans les bureaux, les dates de mise en place prévues des réorganisations n’ont pas été modifiées. La direction espère pouvoir laisser passer l’orage. Mais elle est en position défensive, et il est possible de profiter de cette situation.
Cependant, les fédérations syndicales ne parviennent pas à se mettre d’accord pour appeler ne serait-ce qu’à une journée nationale de grève contre les réorganisations et les suppressions d’emplois. Elles proposent une pétition, le boycott des réunions des instances (CT, CHSCT)... tout en participant à de multiples réunions au siège dans le cadre du « Grand Dialogue ».
Les points d’appui pour arrêter le rouleau compresseur existent. Des centaines de postiers ont lutté dans les dernières semaines et dans les derniers mois (Isère, Sarthe, Alpes-Maritimes, région bordelaise...) contre les suppressions d’emplois et pour l’amélioration des conditions de travail. Des intersyndicales locales et départementales existent et peuvent prendre des initiatives. Dans la foulée de leurs 64 jours de grève, les postiers du 92 appellent en juin à une réunion nationale des postiers ayant mené des batailles ces derniers mois. Il faut combiner toutes les expériences, toutes les forces pour préparer un mouvement d’ensemble contre la politique de la direction.
Javier Guessou