Le jour d’après le 6 mai.
Sur les baromètres de popularité et d’avenir, Besancenot garde une cote appréciable. Selon ce qui se jouera dans l’après 6 mai, sa petite musique sera utile voire prendra de l’ampleur.
Mais voilà, Besancenot reste un don Quichotte mal perché sur une Rossinante, le NPA, qu’il a fourbue pour finir, en lui refusant sa troisième campagne présidentielle. La nébuleuse NPA, car c’est ainsi que ça se présente, se traîne, entre archéo-trotskistes qui se trompent hautainement d’époque, puis unitaires des dernières heures, qui volent intrépides au secours de la victoire, enfin le dernier carré qui tente de préserver l’avenir autour d’un candidat ouvrier improbable autant que surprenant qui vaut qu’on le soutienne.
Besancenot est ainsi un peu seul (son Sancho Pança putatif s’est opportunément rallié au FdG). Sans aucun doute pour avoir toujours repoussé tout phénomène de Cour du temps de sa popularité la plus haute, il est du coup un combattant sans état-major.
Ou plutôt un projet politique sans organisation (voir plus loin).
Car plutôt qu’une personnalité qui se pousserait, se hausserait, s’auto célèbrerait en s’étant soigneusement peaufinée un destin dans le confort des institutions, au long d’une carrière sans péril et sans risque, Besancenot reste à bientôt quarante ans un jeune homme construit par ses engagements.
Et ses engagements seuls. Mais ça ne suffit pas.
Il lui faut maintenant construire les moyens de ses engagements, ce qui, « moyens d’y parvenir », n’est pas de l’intendance mais la chair, la vie de ceux-ci, leur accouchement. « Lui » c’est-à-dire ce carré et la nébuleuse qui n’ont pas jeté aux orties l’engagement d’un Nouveau Parti Anticapitaliste indépendant et pluraliste, « aspirant, par en bas, à révolutionner la société ».
Cela signifie constituer des réseaux militants transparents et organisés, soucieux d’émancipation sur tous les terrains et pensant systématiquement du point de vue de l’émancipation (autogestion, autoorganisation, initiative d’en bas). Mais pensant : cessant de courir après l’échéance, de répliquer au dernier avatar fractionnel, de se vouloir aussi gros qu’une gauche qui n’a de gauche que ses nostalgies, et pour finir sachant accepter sa minceur institutionnelle (sans s’y résoudre bêtement) dans le système inique où nous luttons, comme une marque de sa bonne santé politique.
Qu’ils se dotent d’une génération nouvelle de spécialistes reconnu/es producteurs d’élaboration, toujours centrés sur l’émancipation, traçant les pointillés de l’autre monde possible aujourd’hui si nébuleux ou entaché des horreurs staliniennes, il y a urgence à plancher.
Qu’ils inventent une communication radicalement renouvelée, en bousculant le triptyque : sacro-saint journal hebdomadaire (à l’heure du net !) illisible, tracts indigestes, affiches manifestes, communication qui, cent ans après, sent fichtrement la naphtaline.
Il faudra surtout une révolution culturelle considérable pour aboutir à une démocratie repensée, déjà sortir des pesanteurs de cercles historiques ou nouveaux venus qui se renégocient entre eux leurs périmètres mutuels comme dans tant de partis somme toute. Il faudra sortir du carcan de tendances (cache sexe de fractionnettes puériles) qui inhibent toute vie intellectuelle nuancée au profit de blocs politiques sommaires illisibles pour le commun des militants, vite enkystés dans la défense de « leurs » divergences au lieu de produire des équipes d’animations pluralistes capables de consensus et d’expérimentations réfléchies.
Enfin, enfin, enfin ! Libérer une démocratie réactive c’est-à-dire, plutôt que sur un centre vite psychodramatique et ses mini « caciquats » de petites personnalités qui s’accrochent, appuyer la démocratie d’abord et avant tout sur l’horizontalité de comités locaux et de regroupements de comités locaux tout à fait capables de donner avis et points de vue sur le champ plutôt qu’avoir à les subir venus d’en haut, dans l’attente d’un congrès sensé rebattre les cartes.
Une démocratie libertaire où (non l’individu roi) s’épanouit le collectif de base, l’espace d’action et de réflexion partagé, là où au ras de la vie on teste les orientations, les adapte, les corrige dans la libre discussion militante. Là ou, comme le fait plus largement le mouvement social dans ses luttes, on invente ensemble de l’émancipation.
Bref, la gauche à la gauche de la gauche institutionnelle a besoin d’un parti qui incarne (au sens charnel du mot) le projet politique dont Besancenot n’est que le porte-voix bien embarrassé de cette charge ambiguë.
Besoin car « la France s’ennuie » [1]dans cette campagne constatent les commentateurs, sondeurs et autres pythies des temps actuels, même si les assemblées du FdG y entonnent un air rétro de carmagnole (je préfère la Commune).
Quand « la France » s’ennuie (on le sait depuis 68) c’est qu’il y a anguille sous roche, électrique l’anguille, et soumise à fracturation la roche…
Quand « la France s’ennuie », c’est qu’une large partie de ceux qu’ils mettent sous ce mot, pensent à autre chose que ce à quoi on leur fait penser.
Et cette « large partie » que la Carmagnole ne séduit qu’en partie, et l’abstention bien trop, il faudra l’entendre, y répondre autrement que par « plus de mandats ici », ou « Machin président dans cinq ans ». Car, cela a été assez dit, n’est-ce pas, la misère, la casse, le ras-le-bol, c’est tout de suite, maintenant, ici, là.
Alors la petite musique de Besancenot, doit savoir se transformer, le porte voix doit se muer en premier violon [2], l’orchestre en devenir un, ça se travaille ça. Oui, ça se travaille et il y a urgence.
Ah, votez Poutou ! Si ! Le 22 il sera au boulot, comme vous. Paré pour les luttes, en toute indépendance, tout de suite, là, maintenant, ici, pour que, par en bas, ça change.
Un vote n’est jamais qu’un vote, mais celui-ci c’est un vote utile.
Jacques Fortin