Le 28 avril dernier, au matin, ces cinq détenus politiques ont été violemment battus, torturés, par la police et par des agents des services de sécurité. Blessés, ils ont été laissés au moins huit jours durant sans aucun soin, sans voir de docteur (en violation d’une injonction de la cour de justice exigeant qu’il soit examiné), au régime du pain sec. Ils ont été transférés de force dans une prison réservée aux criminels endurcis et on peut craindre que l’objectif de ce transfert soit de les faire assassiner par des droits communs (à l’occasion d’une bagarre…) – de façon à ce que la responsabilité des autorités ne soit pas trop visiblement engagée.
Les cinq détenus concernés sont membres du Parti du Travail (Labour Party Pakistan, LPP) et du Front de la jeunesse progressiste (Progressive Youth Front, PYF). Le plus connu d’entre eux, Baba Jan, vient d’être réélu au comité fédéral du LPP lors de son récent congrès, en mars dernier [1]
Les détenus ont été maintenus au secret après l’agression du 28 avril (même leurs avocats ne pouvaient les voir) ; il a donc été difficile de rassembler des informations précises. Aux dernières nouvelles, Baba Jan, Iftikhar Hussain et Amir Ali ont été sévèrement atteints. Baba Jan aurait notamment deux doigts fracturés (la main cassée ?) et le visage blessé, sa tête rasée par mesure d’humiliation. Deux autres militants, Ameer Khan and Rashid Minhas, seraient moins touchés.
Ils ont depuis été transférés dans le centre de détention de haute criminalité de Zulfiqarabad, dans la ville Gilgit.
La Commission des droits humains du Pakistan (Human Rights Commission of Pakistan, HRCP) a publié le 4 mai un communiqué de presse dans lequel elle juge « excessivement préoccupantes » (« exceedingly worrying ») les informations reçues (selon lesquelles au moins cinq détenus auraient été soumis à la torture) [2]. Elle s’inquiète de ce que ces détenus « qui se trouvent en prison depuis plusieurs mois continuent à subir un traitement très dur pour avoir protesté contre la mauvaise qualité de la nourriture et dans les délais » avant que leur cas soit porté devant les autorités. La commission « proteste avec vigueur contre les mauvais traitements infligés à ces militants ». Elle « exige que leurs droits fondamentaux et à des procédures judiciaires régulières ne leur soient pas déniés ». « Ceux qui sont accusés de les avoir torturés doivent être suspendus en attendant une enquête et ceux qui seraient coupables devront être condamnés selon la loi ». Enfin conclut la Commission, « le gouvernement [du territoire] doit éviter de rendre la situation à Gilgit encore pire qu’elle n’est en continuant à employer la manière forte ».
Le 7 mai, la Commission des droits humains du Pakistan a lancé un « appel urgent » demandant que des lettres soient envoyées aux autorités fédérales et de Gilgit-Baltistan. [3]
Rappel des circonstances passées. Comme le rappelle la Commission des droits humains, les cinq militants « ont été incarcérés pour avoir protesté au nom des victimes de déplacements forcés dus au glissement de terrain d’Attabad » en 2010. Ce glissement de terrain dévastateur, provoqué par des inondations, s’était produit dans la vallée de la Hunza. En août 2011, la police a tiré sur des manifestants qui réclamaient que toutes les familles concernées reçoivent les aides promises, tuant un fils, puis son père venu le protéger. Ces assassinats avaient provoqué un véritable soulèvement local. Baba Jan, le LPP et le PYF ont joué un rôle très actif pour que ces faits soient connus sur le plan national, et c’est bien pourquoi il a été activement recherché par les services de sécurité. Baba Jan s’est de lui-même rendu en septembre 2011, craignant d’être discrètement et sommairement liquidé s’il était découvert en restant dans la clandestinité. [4]
Le contexte présent. Gilgit n’est pas le seul endroit où des militants syndicaux ou progressistes ont été soumis à des tortures. Cela a aussi été le cas tout récemment pour sept travailleurs des métiers à tisser de Karachi, dont le crime est d’avoir voulu constituer un syndicat dans une entreprise soumise à la terreur patronale – ces faits ont soulevé des protestations internationales d’organisations syndicales, de représentants de l’Union européenne et d’associations contre la torture [5].
Il y a au Pakistan une politique de criminalisation des mouvements sociaux que l’on retrouve dans de nombreux autres pays, y compris occidentaux. Mais cette politique s’exerce ici dans une situation de violence sociale, sectaire (religieuse) et étatique extrême. Les militants sont traînés devant de redoutables juridictions antiterroristes ou sont accusés de crimes crapuleux (rackets, meurtres…). Les pouvoirs en place et les forces de répression ont un sentiment (malheureusement fondé) d’impunité.
Tout le mouvement progressiste est sous la menace. Des cadres d’associations paysannes et des dirigeants syndicaux proches du LPP sont actuellement réprimés non seulement à Gilgit, mais aussi au Pendjab ou au Sind. La répression s’étend et menace jusqu’à la vie des militants, dont un certain nombre a d’ailleurs été assassiné ces dernières années, comme des militants paysans dans la ferme militaire d’Okara [6] ou des syndicalistes des métiers à tisser à Faisalabad [7].
L’urgence. C’est à cette politique de la terreur exercée à l’encontre du mouvement progressiste – ouvrier, paysan, populaire et politique – qu’il faut répondre. Pour cela, les militants pakistanais ont besoin de notre solidarité. L’urgence première est aujourd’hui de protéger la vie les cinq détenus menacés à Gilgit et d’exiger leur libération immédiate, sans conditions, ainsi que l’arrêt de toutes poursuites devant la juridiction antiterroriste. La violence ne doit plus être exercée contre eux et les coupables de tortures doivent être jugés.
Des nombreuses actions de protestation ont été initiées par le LPP et le PYF au Pakistan même. Il est très important que la solidarité se manifeste aussi et sans tarder sur le plan international, pour que les autorités du Pakistan et du territoire de Gilgit-Baltistan sachent bien qu’elles seront tenues responsables du sort fait à Baba Jan et à ses camarades.
Diverses initiatives de solidarité ont déjà été prises : en Australie, aux Etats-Unis (avec l’entrée en action de réseaux écologistes radicaux), au Sri Lanka, etc. De premières actions se préparent en Europe, au niveau parlementaire notamment. Nous rendons compte et nous rendrons compte sur ESSF de toutes ces initiatives.
Nous lançons un appel urgent pour que la solidarité s’élargisse et que les initiatives se multiplient : lettres, délégations et piquets devant les ambassades du Pakistan, diffusion de l’information dans les médias internationaux, mise en alerte des réseaux de solidarité, communiqués d’associations de défenses des droits humains, etc.
Nous referons le point très prochainement et nous en appelons aussi à la solidarité financière dont le LPP a besoin pour organiser la défense des militants frappés par la répression et pour soutenir leurs familles dans le besoin (voir ci-dessous).
Pierre Rousset, Danielle Sabai, pour Europe solidaire sans frontière
Pour avoir plus d’information sur cette question, cliquez sur le mot-clé « JAN Baba » : JAN Baba
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Le point financier de cette campagne est disponible sur ESSF (article 23671), Le point financier de la campagne de solidarité Pakistan de 2011-2012.