La LCR a inoculé le virus des tendances au NPA. On ne sait d’ailleurs ce qu’elles sont : écuries, courants de pensée, fractions… Tout est ordonnancé, en matière de démocratie, autour d’elles et de leurs intérêts, donc des petits intérêts de leurs dirigeants. Cela stérilise le libre débat dans la NPA, atrophie la vie démocratique, bloque les instances essentielles, enraye la construction concrète de l’intervention et sclérose nos congrès.
Originellement les tendances sont conçues pour exister dans la préparation d’un congrès, y proposer des orientations alternatives, globales ou thématiques, les positions significatives ayant les mêmes moyens pour s’exposer dans le débat préparatoire. Au congrès, après s’être comptées, diversement légitimées par le vote militant, elles devraient négocier une orientation majoritaire pour l’action puis se dissoudre.
Puis, des instances nationales seraient alors élues afin d’appliquer les décisions de congrès, toutes ex-tendances confondues, pour en faire loyalement l’expérience.
Si l’orientation choisie semble trop calamiteuse pour la construction du parti alors il y a possibilité pour les opposants de se maintenir pour continuer à alerter pas à pas le parti… en vue d’un nouveau (et espéré anticipé) congrès. Alerter, pas saboter.
Alerter pas diriger. Car on voit quand même mal, à part pour la perturber, l’apport dans la direction que peuvent avoir des opposants radicaux. Ce qui aurait des implications autres que la proportionnelle, en nombre de représentants et en présence (et non participation) dans les instances. La « participation » aux instances de tendances absolument opposées à la ligne majoritaire est une fiction absolue. Leur représentation proportionnelle enfle les effectifs et prive souvent la majorité des personnes décidées et aptes à appliquer l’orientation choisie, ce qui empêche la constitution d’un vrai collectif de travail. Les positions minoritaires ne faisant pas partie du contrat de majorité devraient donc être représentées pour suivre les travaux (elles sont opposées à y participer), mais en aucun cas par la proportionnelle.
De plus cette fiction démocratique de proportionnelle conduit les instances de directions ainsi composées à rejouer sans cesse le débat de congrès et à étouffer l’élaboration majoritaire (et souvent le suivi sérieux) des décisions de congrès. Cela donne un parti bavard et impuissant où les lignes s’affrontent mais où la construction d’une orientation majoritaire est quasi impossible.
Cela fait des années qu’aussi bien dans la LCR que dans le NPA, les majorités n’ont plus de collectif de travail et de réflexion, mais peinent dans des collectifs de débats et de tensions qui prolongent indéfiniment les désaccords de congrès pourtant tranchés.
Par ailleurs les permanents ne sont pas liés à une orientation, au point que des permanents politiques ou journalistiques oppositionnels peuvent se voir indéfiniment maintenus à leur poste au motif qu’y toucher apparaîtrait non comme une mesure de bon sens nécessaire pour développer une orientation, mais comme une éviction politicienne. La rotation des mandats de permanent n’existe du coup pas sans qu’on puisse motiver cette anomalie.
Etc.
Le « système des tendances » que nous vivons fait qu’au congrès, elles ne négocient rien, tout est joué dans les congrès locaux. Alors au congrès, se juxtaposent des litanies soporifique ou passionnelle d’exposés fermés sans que rien ne bouge sauf à se disputer quelques mandats ambigus. Puis les tendances élisent chacune pour soi leur prorata de l’instance nationale (le CPN) supposée « diriger » le parti, et n’ont aucunement l’intention de soutenir l’orientation majoritaire quand elles n’en sont pas, ni d’en faire l’expérimentation loyale, au contraire.
Le résultat en est que l’instance nationale n’est pas élue pour construire le parti et mettre à l’ épreuve une orientation, mais en défense de chacune des tendances qui aura à cœur de mettre en échec l’orientation issue du congrès, voire tout simplement de la modifier en cours de mandat. Ce qui est quand même loin de la démocratie.
Chacune compose son prorata de représentants (au CPN) en fonction de la fiabilité de chacun/e vis à vis d’elle-même, voire en y agrégeant telle sensibilité interne peu sûre dont on escompte lier ainsi les mains. Ceci va jusqu’à, et y compris, ne tenir aucun compte de l’implication concrète de ces désigné/es, dans la construction pratique et réelle du parti. Certain/es sont connus comme des bavards hâbleurs au sein de leur comité et se retrouvent « dirigeants nationaux » sans avoir jamais rien effectué localement. Ensuite chaque tendance veille à la fidélité de ses représentants pour sa cohésion propre, toujours dans une lutte incessante non pour appliquer les décisions de congrès mais pour y contrevenir en les infléchissant voire en les contredisant dans le sens de ses propositions propres. Et ça ne gêne personne que ces propositions aient été antérieurement écartées par le vote militant !
Il en résulte que les décisions majoritaires du parti sont sans cesse délégitimées, considérées comme ineptes, oscillantes, mal ficelées par de mauvais débats, ce qui peut laisser à penser que les militants qui les ont votées se sont fait abuser (ou sont des crétins). Drôle d’esprit démocratique qui attise les oppositions et pollue la fraternité de parti.
Un congrès sous le Régime des Tendances ne sert triplement à rien
L’idée que les positions en présence pourraient être la réfraction au sein du parti, de vraies tensions sociales contradictoires, s’efface au profit de postures antagonistes quasi sectaires là où le dialogue permettrait de penser. D’ailleurs rares sont les textes de congrès qui se répondent entre tendances, elles ne dialoguent guère entre elles, même au congrès.
D’une part, il ne s’y décide rien de neuf, malgré le simulacre de débats. En fait de débats, ils ne font que répéter ce qui fut dit antérieurement, avec effets de tribune si possible. Il n’est pas question de débattre pour élaborer de façon sincère et réelle des points d’entente permettant de construire le parti tel qu’il est.
Tout est joué et le congrès rejoue. C’est une parodie de congrès.
D’autre part, la majorité (difficile dans un contexte où faire une tendance est facile et assure des postes en direction, un statut dans le parti et des réseaux plus ou moins occultes), la majorité, donc, éventuellement obtenue est immédiatement vouée par le régime des tendances à être boycottée, contredite, combattue, moquée par les minoritaires. Ceci sans aucune vergogne puisque c’est la règle du jeu que de s’asseoir autant que possible sur l’équipe majoritaire qui est de fait traitée comme illégitime comme si elle avait trompé, manipulé ceux qui l’ont élue et n’était pas l’émanation du parti. C’est un déni démocratique.
Ensuite les tendances n’ont aucune propension à chercher des majorités de consensus ou de dialogue avec les autres. Que rien ne bouge sauf dans son sens, est une nécessité pour une tendance, et si possible de façon suffisamment voyante pour qu’elle puisse s’en prévaloir non pas « avec » mais contre les autres et surtout la majoritaire qu’il ne faut en aucun cas aider à mettre en pratique son orientation. (Laquelle n’est pourtant, rappelons le, rien moins que… la décision de congrès !!!). Chacune est assurée de son prorata qu’elle défendra pour le prochain congrès en tenant bon sur ses quelques fondamentaux sans prendre le risque de « bougés » donc d’accords pour l’action surtout évidemment si elle est minoritaire. C’est une incitation à la paresse intellectuelle.
De plus, avant un débat de congrès, les animateurs de courants négocient entre eux pour en composer un « plus gros » avant tout débat dans le parti. Ils travaillent à mettre entre parenthèse ce qui les séparerait trop, à équilibrer les textes afin que les mots des uns soient en suffisance par rapport aux mots des autres, à tisser une orientation plus ou moins lisible dont sont exclus de la lisibilité… les vrais débats qu’ils ont eus entre eux pour parvenir à s’entendre. On évite en général tout bilan, pardi. Toute cette partie de l’iceberg de l’élaboration de tendance est occultée… c’est à dire refusée au parti ! Les militants n’en sauront rien, subodoreront, supputeront et finiront à se résoudre à voter ce qu’on leur fourgue.
Voir aussi feu la P1 que l’actuelle P2 ou la GA.
Les militants sont de plus priés instamment de ne pas intervenir avec des amendements intempestifs et de réfréner leurs interventions dans le débat (sic) pour ne pas risquer de mettre à mal les (souvent) fragiles équilibres obtenus dans le secret de négociations au sommet. Les noyaux dirigeants ensuite se maintiendront réciproquement dans les instances pour sceller ces accords occultes en le vendant aux délégués au motif de supposées sensibilités qu’ils incarneraient sans… qu’aucun vote sur aucune orientation « sensible » ne les légitime !!!
Comment qualifier cela sinon comme une captation des enjeux au détriment des militants ?
Enfin, dans ce brouhaha fractionnel, la construction du parti n’est pas au cœur de débats qui tournent autour de la défense de positions adverses, de « lignes » dans lesquelles chaque courant voit se jouer le sort de la révolution mondiale. D’ailleurs les commissions nationales, d’action, sont fortement marginalisées ou sont (ouvrière) des Etats dans l’Etat dont on se dispute la majorité.
Faut-il alors s’étonner quand tout est enjeu de « lignes » que les régions n’existent pas ni les « branches », que chaque ville ou fédération soit directement sous la coupe (ou coupée) de l’instance nationale ? Personne n’assume le suivi de la construction concrète. On construit des « lignes » (et des « courants ») pas des comités recensés, pensés, animés, articulés nationalement, ni des fédérations, ni des branches, ni des campagnes.
C’est une négation du collectif, du parti.
Cela tuait d’ailleurs la LCR à petits feux.
Il faut inverser la situation. Les tendances doivent être remises à leur place : celle de collectifs de préparation d’un congrès pas de courants qui se perpétuent et embrigadent les militants ad vitam aeternam, puis dissolution et engagement de respecter la légalité du parti à savoir l’expérimentation de l’orientation majoritaire.
Les nouveaux militants doivent entrer dans un parti qui s’est doté d’une orientation pour l’action qui lui sera honnêtement présentée, pas dans un conglomérat de soi-disant courants qui commenceront par se vanter et se dégommer avant même de défendre (sic) l’orientation adoptée en congrès.
Les tendances doivent avoir certes une représentation dans l’instance nationale, mais minoritaire (genre ¼) et chacune autant.
L’instance nationale doit être élue par le congrès évidemment, à la majorité. Mais les candidatures doivent être des candidatures de construction et non de « ligne », elles doivent procéder des propositions des commissions, des régions, des fédérations, sur états de service clairement exposés, communiqués avant les AG locales, et sur le descriptif des tâches futures pour quoi ils/elles sont proposé/es.
Il est sidérant de penser que les militants n’ont aucune part réelle sur le choix des individus sensés inspirer l’intervention et la construction du parti.
Hormis le ¼ représentant les tendances, la tâche explicite de l’instance nationale doit être de mettre en pratique les décisions du congrès et les élus doivent clairement s’y engager ou se désister.
Moins de rigidité, un parti réactif
Rien n’empêche entre deux congrès, au contraire, de consulter les comités sur des faits nouveaux engageant le parti ou sur des divergences fortes au sein de l’instance nationale. Des propositions divergentes exposées de façon courte, un quantum de signes pour les expliciter, débats dans les comités et votes.
Ce qu’un CPN fait dans la précipitation, sans préparation le plus souvent, avec un ordre jour pléthorique en général, les comités peuvent parfaitement le faire sur un sujet précis, argumenté, sans recourir au sacro-saint protocole des conférences nationales, des AG soporifiques et des psychodrames de tendances.
Pour vivre une vraie démocratie le parti doit pouvoir être consulté régulièrement pas seulement par la grand messe des congrès cartellisés actuels. (Les tendances n’ont pas le monopole (sur les militants) de la pensée politique ni n’ont à l’avoir sur la décision !)
Le fétichisme actuel des AG et des congrès se fait au détriment de la vie des comités. Certes le système des tendances avec ténors et divas d’assemblées, préfère ces liturgies. Or si le comité est l’instance de vie militante, la démocratie et la décision doivent pouvoir s’y exercer tout autant que dans un CPN à plus de cent personnes. Et on sait que nos AG ne rassemblent guère plus des deux tiers au mieux des militant/es, avec le jeu trouble des votes par mandat. Les comités feraient mieux s’ils étaient investis de cette responsabilité.
Jacques Fortin