Peux-tu nous rappeler l’enjeu de la mobilisation de Francfort, le 19 mai prochain ?
Verveine Angeli – La Banque centrale européenne occupe une place essentielle dans les institutions. La construction européenne a imposé dans les traités l’indépendance de la BCE. Elle a été un instrument de la politique néolibérale. Aujourd’hui, elle est le symbole de la politique d’austérité imposée au peuples et de la complicité européenne avec les banques puisqu’elle prête aux banques à des taux bas, ce que celles-ci prêtent aux États en difficulté à des taux prohibitifs, faisant de l’austérité et de la dette des politiques sans fin. Ce fonctionnement a été largement débattu dans la campagne électorale en France, y compris dans les propositions de François Hollande, et la BCE est donc en ligne de mire des discussions qui auront lieu avec Angela Merkel et de ce qu’il a appelé la « renégociation du pacte budgétaire ». Quand nos amiEs d’Attac Allemagne ont évoqué ce projet de mobilisation à Francfort, cela nous a tout de suite semblé être une proposition pleine de sens. De plus, dans une situation où les mobilisations en Europe sont restées en grande partie nationales, il nous semblait important de trouver une occasion de grouper des forces de différents pays. Et quand les nationalistes, les gouvernements, pratiquent la division entre bons et mauvais peuples, exemples et contre-exemples en matière de dynamisme... le fait que des militantEs allemandEs prennent l’initiative nous semblait aussi de nature à contribuer à combattre dans l’action ces divisions, et de montrer dans les actes la solidarité internationale, la reconnaissance d’intérêts communs au-delà des frontières nationales.
La manifestation n’est pas autorisée, maintenez-vous l’appel à manifester ?
Les autorités locales ont décidé d’interdire la manifestation. Les militantEs sur place disent que c’est une décision tout à fait exceptionnelle en Allemagne. Il faut savoir, de plus, qu’un camp est présent à Francfort depuis plusieurs mois. Attac Allemagne a déposé un recours contre cette interdiction et une pétition internationale a été lancée. Nous espérons qu’elle sera donc levée et qu’aucune restriction de circulation ne sera mise en place aux frontières. Nous attendons la décision encore inconnue à cette heure. [1] Nos amiEs insistent donc énormément pour que la manifestation se tiennent et que nous venions. Nous n’envisageons donc pas de reculer.
Quelle est l’ampleur de la mobilisation aujourd’hui, en Allemagne et dans les autres pays d’Europe ?
Les précédentes mobilisations face à la Banque centrale ont regroupé plusieurs milliers de personnes. C’est sur la base de ces succès, notamment lors de la journée internationale des mouvements Indignés et Occupy, que la décision a été prise d’organiser cette manifestation. Les mouvements impliqués dans la préparation sont ces mouvements Occupy, les mouvements de chômeurs, de soutien aux immigrés, des comités locaux contre la crise, le syndicat des enseignants, Attac Allemagne (qui est une organisation plus importante numériquement qu’Attac France) et les mouvements de la gauche radicale y compris Die Linke. L’absence des grandes organisations syndicales est significative de la situation dans ce pays. Les syndicats ont été peu présents sur la scène sociale ces dernières années et les reculs ont été nombreux. Aujourd’hui des luttes sur les salaires sont engagées, un appel critique de la politique allemande est sorti, signé de personnalités syndicales de premier plan. Ce sont des changements importants mais qui n’ont pas transformé radicalement la situation. Et l’unité du mouvement social est à construire. Le rendez-vous de Francfort a été présent dans l’agenda de nombreux réseaux des mouvements sociaux européens. Nous savons que des participations collectives sont organisées en Belgique et en Italie, notamment.
Qu’attend Attac du nouveau président français ?
Comme de nombreux mouvements, nous attendons que les horizons s’éclaircissent, c’est-à-dire que les peuples puissent entrevoir des moyens de peser de façon plus importante sur la situation. Cela concerne la situation française avec le départ de Sarkozy, qui était un des piliers de la politique européenne, mais ce sera aussi le résultat de l’évolution de la situation en Grèce. Plus que jamais les situations sont liées. Nous ne sommes pas optimistes, nous sentons les tensions dans la situation, les menaces des nationalismes et de l’extrême droite, mais nous pensons qu’il y a des brèches à ouvrir dans la politique d’austérité totalitaire menée par les gouvernements de droite ou sociaux-démocrates ces dernières années. Quant à Hollande, il a dit qu’il renégocierait le pacte budgétaire. Nous voulons la remise en cause du rôle de la Banque centrale, de la règle d’or, des sanctions contre les États et le contrôle démocratique par les peuples.