CNN Amman Jordanie : Salame Kayleh, 57 ans, palestinien militant et penseur marxiste de nationalité jordanienne résidant à Damas, déjà emprisonné 8 ans en Syrie, est arrivé à Amman lundi soir. Il a été expulsé et éloigné de Syrie par les autorités syriennes après y avoir été torturé. Dans l’attente de pouvoir rentrer à Damas, il accuse le régime du président Bachar El Assad de commettre « un programme ininterrompu d’assassinats et de torture » contre les partisans de la révolution dans le pays. Il affirme que le régime « a commencé à se désintégrer et finira par tomber ».
Les autorités syriennes ont décidé d’éloigner Kayleh après l’avoir arrêté le 23 avril et torturé -malgré son cancer- pour avoir écrit que « la libération de la Palestine passait par la chute du régime syrien », parmi ses activités politiques sur internet avec les militants syriens. Kayleh décrit sur le site de CNN en arabe les scènes de tortures systématiques et d’humiliation subies par les révolutionnaires et opposants politiques malades à l’hôpital militaire de El Mezza, où il sont détenus après avoir été torturés pendant les interrogatoires : « nous dormions à deux ou trois par lit, attachés, évitant de boire pour ne pas devoir pisser sur nous-mêmes, dans une chambre puant les excréments. Nous étions battus quotidiennement. Pendant mon séjour deux malades sont morts sous les coups dont un malade mental. J’ai été frappé dès le deuxième jour et ne pouvait plus marcher ».
Kayleh considère que ce qui se passe en Syrie est une véritable révolution spontanée dirigée par des Jeunes non politisés et que le mouvement populaire reste très fort. Par exemple, dans la province autour de Damas il échappe au contrôle de la sécurité du régime. Même si pour se maintenir, le régime dénigre les Jeunes révolutionnaires qui affrontent ses balles et sa violence, si les médias ne donnent de la réalité qu’une vision très superficielle, et que le régime a réussi à casser toute structure d’opposition, le peuple soulevé résiste et ne cédera pas.
Certes, les renseignements militaires dominent le pays politiquement, et exercent une répression extrême : ils n’hésitent pas à tuer et torturer pour obliger les détenus à avouer leur appartenance aux bandes armées que le régime prétend combattre. Mais l’économie, dont le régime a livré la gestion à des maffias, s’effondre. Le régime va se désintégrer sous l’effet des conflits et divisions au sein des services de sécurité. Le changement politique émergera d’une alliance entre une partie de l’armée syrienne, des services de sécurité et de l’opposition, soutenue par les Alaouites. Les islamistes ne détiennent pas seuls la clé de la crise.
Kayleh réitère son rejet de l’opposition syrienne à l’Etranger qui veulent reproduire l’expérience libyenne, alors que les Libyens réalisent maintenant que ceux qui les gouvernent maintenant ne les représentent pas. Il estime que « le changement par l’Extérieur, c’est fini » et que le soulèvement en Syrie pousse au changement par sa propre évolution, comme dans l’expérience égyptienne.
Kayleh affirme que le régime syrien n’a jamais défendu la cause palestinienne et n’est pas ennemi avec l’administration américaine, même s’il diverge avec elle sur la forme. Ce régime familial maffieux a joué des contradictions politiques tout en en s’alignant sur les positions des Etats Unis et en favorisant le libéralisme économique, pour mieux contrôler l’économie à son profit : depuis 2000, il a établi des relations avec la Turquie, puis s’est rapproché de l’Iran et de de la Russie, et a apporté un soutien limité au Hamas, après avoir échoué dans les négociations avec Israël. Kayleh dénonce la position des militants nationalistes et de gauche dans la région et en Jordanie qui « découvriront un jour qu’ils ont soutenu un régime criminel ».